Politique,Rencontre & Réflexion
Le 14 aout 2018, l'Etat belge enfermait une mère et ses quatre enfants dans l'unité familiale du centre fermé 127bis. Le lendemain, des milliers de manifestants se retrouvaient devant la statue de Manneken Pis pour exprimer leur indignation. Comment a-t-on pu légalement en arriver à ce stade d'inhumanité ?
Entre 2004 et 2008, la Belgique enfermait des familles avec enfants en centre de détention avant qu’elles ne soient expulsées vers leur pays d’origine. Par trois fois la Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme parce que ces détentions étaient jugées inadaptées. La première condamnation rendue en 2006 concernait une enfant de cinq ans détenue, seule, en centre fermé pendant deux mois. La Cour avait jugé sans équivoque que : « l’Etat (belge) reconnait que le lieu de détention n’était pas adapté et qu’il n’existait pas à l’époque de structures adéquates. (…) il n’est pas contestable qu’à l’âge de cinq ans un enfant est totalement dépourvu d’autonomie et dépendant de l’adulte et que lorsqu’il est séparé de ses parents et livré à lui-même, il est complètement démuni. (…) La Cour estime, par ailleurs, que les autorités qui ont pris la mesure de détention litigieuse ne pouvaient ignorer les conséquences psychologiques graves de celle-ci. à ses yeux, pareille détention fait preuve d’un manque d’humanité et atteint le seuil requis pour être qualifiée de traitement inhumain ». La Cour avait condamné la Belgique à payer 25.000 euros de dommage moral à l’enfant.
Après 2008, les familles ont été placées, en alternative aux centres fermés, en « maisons de retour » également appelées « unités d’habitation ouverte ». Si la politique migratoire belge et l’existence de ces « maisons de retour » doivent être sans cesse questionnées, il est manifeste que ces structures restent préférables à l’enfermement en centres fermés. Elles permettent notamment aux mineurs de poursuivre leur scolarité et aux adultes, sous certaines conditions, de sortir faire des courses ou d’aller chez le médecin.
Où est le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant » ?
L’adoption de l’arrêté royal entré en vigueur le 11 août 2018 qui permet à nouveau d’enfermer des enfants en centre fermé, sans intervention d’un juge, est dès lors un sérieux retour en arrière en matière de droits humains. Cet arrêté repose sur une loi de 2011 qui indique que la règle principale est l’interdiction de détention d’enfants en centres fermés. Elle permet cependant qu’une famille soit maintenue dans un lieu adapté aux besoins des familles avec enfants mineurs pour une durée aussi courte que possible. C’est cette exception qu’a utilisé le Gouvernement fédéral pour procéder à la création « d’unités familiales » avec des « aménagements » (quelques jeux en extérieur, des casques anti-bruit car le centre fermé étant juste à côté de l’aéroport…).
Si ni le droit belge ni le droit européen n’interdisent formellement l’enfermement de familles avec mineurs, tant la Constitution belge que la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant ont comme principe : l’intérêt supérieur de l’enfant. Cela implique que dans toutes ses décisions, l’état fasse primer l’intérêt de l’enfant. La détention en centre fermé est manifestement contraire à ce principe. Les effets néfastes sur le long terme pour les enfants ont été dénoncés par une pédiatre qui vient de se rendre dans le centre 127bis (lire La Libre Belgique du 23 aout).
Plusieurs associations – tant flamandes que francophones – soutenues par l’ordre francophone et germanophone des avocats ont introduit un recours devant le Conseil d’état à l’encontre de cet arrêté royal entré en vigueur le 11 aout dernier afin de suspendre son exécution puis de l’annuler. Les dernières mobilisations citoyennes et associatives ont permis le recul dans l’adoption de certaines lois inhumaines notamment en ce qui concerne les visites domiciliaires (voir chronique juridique du COJ#16). Il est important que ce recours en annulation aboutisse parce que même avec un toboggan une prison reste une prison. Et on n’enferme pas un enfant. Point.
Site de la campagne de la plate-forme mineurs en Exil en collaboration avec UNICEF Belgique : www.onnenfermepasunenfant.be + page FB : Een kind sluit je niet op / On n’enferme pas un enfant. Point.