L’utérus est un organe creux, musculeux, situé dans la cavité pelvienne, entre la vessie et le rectum juste au-dessus du vagin. Un col et un isthme séparent le corps central de l’utérus qui débouche sur deux trompes de Fallope conduisant aux ovaires. C’est l’endroit où peut s'effectuer la gestation. Aucune partie du corps n’a été le lieu d’autant de combats politiques pour son appropriation et son contrôle. Malgré les efforts de décolonisation passés, il fait l’objet de nouvelles convoitises autoritaires.
Aux états-Unis, l’Alabama vient d’adopter une loi interdisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sans exception ni pour l’inceste ni pour le viol. Plusieurs autres états ont voté des mesures similaires. Ils souhaitent remettre en cause le célèbre arrêt Roe v. Wade rendu en 1973 par la Cour Suprême qui interdit de criminaliser ou de restreindre trop sévèrement l’accès à l’avortement. Ces nouvelles lois restrictives s’inscrivent dans un contexte plus global. Une des premières mesures prises par Donald Trump SU1 quelques jours après son investiture a été de signer un décret interdisant le financement d’associations qui soutiennent l’avortement. Les nouvelles nominations des juges à la Cour Suprême pro Donald Trump SU n’augurent dès lors rien de bon. Un revirement de jurisprudence permettant d’interdire l’avortement n’est pas à exclure.
D’autres mesures entravent le droit à l’avortement. Certains états n’ont pratiquement plus de cliniques qui pratiquent cet acte médical (il faut parfois faire plus de trois heures de route) tandis que d’autres ne les remboursent plus. Certaines politiques imposent de faire entendre le cœur du fœtus ou de regarder l’imagerie de l’échographie avant tout avortement. Dans ces états, c’est une réelle politique d’intimidation, de dissuasion et de culpabilisation qui est menée.
Les états les plus défavorables à l’avortement sont également ceux qui pratiquent la peine de mort avec vigueur. Ce sont les mêmes « pro-vie » qui, d’une main, maintiennent de force les fœtus dans les utérus et, de l’autre, injectent du poison dans les veines des condamnés. Au-delà des aspects religieux, il convient d’appréhender ces législations pour ce qu’elles sont : une maitrise du territoire national, de ses frontières, et de son économie. Lorsque les « pro-vie » sont renommés en « pro-main-d’œuvre-nationale », il n’y a plus d’opposition entre la peine de mort et l’interdiction de l’avortement. C’est une même soumission des corps, des corps pauvres surtout, ceux qui peuplent les prisons et qui ne peuvent prendre l’avion pour avorter ailleurs.
En Italie, des festivals « pour la vie » sont organisés et des associations anti-IVG sont subventionnées par l’argent public. En Hongrie, des mesures natalistes sont mises en place. En Pologne, la pilule du lendemain ne peut être délivrée sans ordonnance. La Belgique n’a pas saisi l’occasion de supprimer les sanctions pénales pour les avortements réalisés au-delà des 12 semaines autorisées. L’extrême droite allemande scande « davantage d’enfants au lieu de l’immigration de masse »2. La vigilance quant au maintien de nos droits doit être constante. Lueur parmi ces régressions, en 2018 et par référendum, l’Irlande a fait retirer de sa constitution l’amendement qui interdisait l’avortement. Collectivement, les avancées pour la libre disposition des corps restent possibles.
« Les politiques de l’utérus sont, comme la censure et la restriction de la liberté de manifester, de bons détecteurs des dérives nationalistes et totalitaires »3. Ces lois pour faire entrer les utérus, organe intime, dans l’espace public sont d’ailleurs – et pour l’instant4 – majoritairement prises par des personnes qui n’en possèdent pas5…
Elodie Hemberg / chronique du juriste
1. Abréviation pour « Sans Utérus » puisque Donald Trump n’en a effectivement pas (du moins je crois).
2. www.liberation.fr.
3. Paul B. Preciado, Un appartement sur Uranus, Grasset, 2019.
4. J’ai ajouté cette parenthèse parce que Marine Le Pen a (je crois) un utérus.
5. Dans cette chronique, les humains ont été étiquetés en tant que « utérus » ou « sans-utérus » pour que, par l’absurde, l’envie nous vienne de nous considérer comme citoyens entiers, non-dichotomiques, multiples, transfrontières et pluriels.