Des spots radio et télé aux panneaux numériques dans les transports en commun, en passant par les placements de produits chez les influenceurs, il est impossible d’échapper aux pubs. Dans les films, dans les recettes « anodines » sur Facebook, elles sont partout. Comment le législateur encadre-t-il ces pratiques ? ces normes sont-elles suffisantes pour protéger notre libre arbitre ?
Une personne verrait en moyenne entre 1200 et 2200 publicités (1) par jour et cette tendance est, avec internet, en constante augmentation. Le C.D.E ( le code de droit économique) reprend les différentes règles qui s’appliquent pour la publicité. Il interdit les publicités trompeuses et les pratiques déloyales. Le C.D.E. prévoit deux principes supplémentaires pour la publicité en ligne. Le premier est celui de l’identification : une publicité sur internet doit être identifiable comme telle. C’est pour cette raison que les réseaux sociaux indiquent la mention « publicité » en haut de leurs annonces. Cette identification doit être lisible, apparente et non-équivoque. L’autre principe est celui de la transparence et de la loyauté : il doit être facile d’identifier la marque ou l’entreprise à l’origine de la publicité ou du jeu concours.
Le 29 octobre 2020, la RTBF s’est vu infliger une amende par le collège d’autorisation et de contrôle du conseil supérieur de l’audiovisuel (C.S.A). Durant l’émission The Voice Kids, la RTBF avait diffusé un jeu-concours qui était en réalité un spot de télé-achat fait par la présentatrice de l’émission pour un parc d’attractions. En outre, une autre séquence montrait les talents et leur coach tester et commenter leur expérience. Cette amende de 5000 euros (une première pour la RTBF depuis 10 ans) avait été justifiée par le fait aggravant que l’émission était principalement regardée par des mineurs.
Dans le même ordre d’idée, Test Achats et d’autres réseaux de consommateurs européens ont récemment porté plainte auprès de la commission européenne à l’encontre de TikTok. Un des motifs de la plainte est le nombre conséquent de pubs cachées : concours avec des hashtags de marques, sollicitation pour créer du contenu en lien avec des entreprises, etc.
D’autres stimuli commerciaux s’ajoutent aux publicités « classiques ». Les placements de produits dans les séries et les films en font partie. Netflix a ainsi conclu différents contrats avec les grandes enseignes de sodas et fastfoods US pour la série Stranger Things. Pareil pour la série de braquage Casa de Papel où les personnages utilisent une célèbre marque de smartphones. Les plateformes payantes de streaming promettent une absence de coupures publicitaires mais les intègrent directement à leur contenu de divertissements de façon plus insidieuse et clandestine en jouant avec les émotions. Les règles d’encadrement de ces pratiques sont très peu contraignantes (une mention en début de film et l’interdiction de faire une offre promotionnelle pendant la diffusion). Après avoir regardé la série, certaines plateformes renvoient vers un site de vente où l’on peut acheter les mêmes habits et accessoires que les personnages…
Si le droit met quelques balises sur le contenu des publicités, il n’en met aucune quant à leurs nombres. Quand on lit que certaines sociétés souhaitent avoir recours à des projets spatiaux pour utiliser le ciel étoilé comme support à l’exposition de leurs logos et marques, il semble urgent que la question publicitaire soit portée au-devant du débat politique. Les pouvoirs publics ont, à ce propos, une attitude antagonique : comment favoriser l’émergence de C.R.A.C.S. tout en permettant que ces citoyens responsables actifs critiques et solidaires soient bombardés par une quantité importante d’incitations à la consommation ?
Si la loi interdit les publicités déloyales ou trompeuses, il faut souligner que peu de moyens sont déployés pour veiller à son respect. Le drop shipping (2) fleurit sans entrave sur internet. Par contre, lorsqu’un militant détourne le panneau publicitaire trônant en haut de la place De Brouckère, dans le cadre des actions contre la signature du traité de partenariat transatlantique (TTIP), des policiers de la Computer Crime Unite (contre les crimes informatiques) sont directement affectés.
Face aux boulevards offerts aux sociétés commerciales pour influencer nos choix de façon agressive et insidieuse, le droit à défendre est celui d’une intrusion moindre, un droit à la négative : le droit de ne pas voir.
Elodie Hemberg, juriste à la COJ
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1. Sur la difficulté de calculer ce chiffre : www.etopia.be
2. Le drop shipping consiste pour une « entreprise » à acheter un produit à bas prix et de très faible durabilité sur, par exemple, un site de vente en ligne chinois et à le revendre 10 fois le prix après une campagne de marketing trompeuse.