Logo COJ

Rencontre & Réflexion

Rachid Madrane

  23 Mar , 2017    Mathieu Midrez

Madrane Photo web Fils d'immigrés marocains, Rachid Madrane est aujourd'hui ministre de l'Aide à la Jeunesse.Une "succes story" que cette figure montante du PS attribue sans hésiter aux services publics, quand ce n'est pas à la... musique! Retour sur un parcours surprenant.   

Saïd Madrane, le père, débarque à Bruxelles avec la première vague d’immigration marocaine venue travailler dans les mines et usines. Peu de temps après, sa femme le rejoint avec ses deux enfants. Rachid Madrane, lui, nait en Belgique.

Son enfance, il la passe dans les rues d’Anderlecht. « à l’époque, il n’y avait pas ce climat à l’égard des musulmans, des arabes. Les gens étaient simplement fascinés par nos cheveux ! ».

Il fait sa scolarité dans des écoles… catholiques ! « Mon père avait été voir l’école publique et à sa grande surprise, il n’y avait quasiment que des enfants issus de l’immigration. Il interroge alors la comptable de l’usine qui met ses enfants à l’institut St-Joseph et décide de nous y envoyer aussi ».

Le patriarche rêve que ses enfants fassent l’université et deviennent ingénieurs agronomes. Rachid Madrane va pourtant étudier le journalisme, à l’ULB, un choix qui n’est pas étranger au contexte général : « Vers mes 15 ans, on a commencé à avoir les vrais problèmes de racisme. Le Front de la Jeunesse(1) bastonnait dans les rues. Ma conscience politique a démarré avec les campagnes Touche pas à mon pote, où j’ai rencontré les jeunes socialistes. Je sentais que je devais faire un truc. ». Ce « truc », c’est le journalisme. Après l’unif, direction « Fun Radio » où il anime l’émission Libre antenne, libre info. « On invitait des hommes politiques, Di Rupo, Dehaene, etc., et les auditeurs, surtout des jeunes, avaient la parole. On se marrait mais l’objectif derrière était de conscientiser les jeunes à la politique ».

Lutter contre le déterminisme

Rapidement après, en 1995, il est appelé par un échevin d’Ixelles pour s’occuper de la revitalisation d’un quartier. Désormais, sa carrière politique ne s’arrêtera plus, d’abord dans des cabinets puis comme conseiller communal, échevin, député régional, secrétaire d’État à la Région bruxelloise et député à la Chambre. Aujourd’hui il est ministre à la Fédération Wallonie-Bruxelles :  lorsqu’en 2014, le parti lui propose, entre autres, le portefeuille de l’Aide à la Jeunesse, Rachid Madrane accepte sans hésiter. « L’ Aide à la Jeunesse, c’est un peu l’entonnoir de toutes les misères sociales parce que les premières victimes ce sont précisément les enfants et les jeunes. Si ce travail n’existait pas, ce serait une catastrophe ». Des dossiers humainement chargés : jeunes face à la radicalisation, placés en IPPJ,… Pour souffler un peu, Rachid Madrane enfile sa casquette de ministre des Sports et part donner le coup d’envoi de diverses compétitions. Mais aussi pour décompresser, il joue de la batterie dans une cave !
« J’en fais depuis longtemps, du jazz, du funk. J’ai eu comme professeur Bruno Castellucci, le batteur de Toots Thielemans. Quand j’étais ado, on se prenait pour les Rolling Stones, alors qu’on était juste «stones», mais avoir une passion, ça m’a surtout évité de faire des conneries. ».

Quid après 2018 (élections communales) et 2019 (fin de son mandat) ? « Je n’y pense pas pour l’instant, l’important c’est d’exécuter jusqu’au bout le job pour lequel on est ici. Après on verra, il y aura d’autres élections, je ne sais pas où la politique va me mener ». Mais il ne faut pas se leurrer, le parcours de Rachid Madrane est une référence, comme il le reconnait lui-même : « Je dois non seulement obtenir des résultats mais je suis également devenu bien malgré moi une espèce de référent, les gens étant fiers que quelqu’un avec un patronyme comme le mien soit devenu ministre. Je vais d’ailleurs parfois dans les écoles pour montrer aux jeunes que ce pays est fabuleux car, même lorsqu’on vient de nulle part, il nous donne une chance. Ça va être dur, ils devront être les meilleurs mais c’est possible. Il faut lutter contre le déterminisme ».

Rachid Madrane assume ce discours méritocratique : « Je suis socialiste et je valorise la méritocratie tant que tous aient les mêmes chances. La mission de l’État est de veiller à ce qu’il y ait un filet si on a un accident de parcours. Moi, je dois tout aux services publics et j’ai mal au cœur quand je vois qu’on les démantèle aujourd’hui ».

____________

1. Organisation belge d’extrême droite active dans les années 1970 et 1980.