Les élections drainent avec elles une série d’idées reçues. Plusieurs expressions sont reprises en boucle par les politiques, les médias et forcément par notre entourage. Elles semblent évidentes mais sont-elles correctes ? Quatre idées à la loupe.
Les écolo répètent à l’envi cette métaphore pour rappeler leur statut de grand gagnant des élections. Il est vrai que les Verts ont fortement augmenté par rapport à 2014, des élections… catastrophiques pour eux. Depuis les années nonante, les résultats d’écolo sont en dents de scie (exemple aux européennes : 22,7% en 1999 puis 9,8%, 22,9%, 11,7% et 19,9% dernièrement). On devrait plutôt parler de « marée verte ». Elle va, elle vient. Régulière, prévisible, inévitable. Mais à la différence de la marée haute de 2009 (autour des 20%, plus qu’en 2019), le thème environnemental est devenu l’une des principales préoccupations des Belges (avec de nombreuses manif’ climat). De quoi dominer la campagne et imprégner le programme de la plupart des partis. Si « vague verte » il y a, n’est-elle pas plus liée à l’urgence de l’époque qu’au résultat d’un seul parti, aussi vert soit-il ?
Au Parlement européen, les partis nationalistes et d’extrême-droite sont divisés (trois groupes parlementaires), les transfuges d’un groupe à l’autre sont fréquents et les appellations variées : conservateurs, souverainistes, droite nationaliste, etc. Pas simple de s’y retrouver. Toutefois, ensemble, ces trois groupes totalisent désormais 175 députés sur 751 (20 de plus qu’en 2014), ce qui en ferait la deuxième force politique du parlement, juste derrière le groupe des conservateurs (178 députés), mais devant les socialistes (153 députés). Avec des réalités très différentes par pays : premier parti en France (comme déjà en 2014), Pologne, Grande-Bretagne ou Italie mais très faible en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas, en Grèce… Pas l’explosion de l’extrême-droite redoutée au Parlement européen donc mais une progression pesante. Cela s’ajoute à des pays dont l’extrême droite participe déjà au pouvoir comme en Autriche, en Italie, en Hongrie… Inquiétant !
On peut croire à l’idée reçue d’une jeunesse forcément progressiste et de gauche. C’est celle que l’on rencontre généralement dans l’associatif. Mais le tableau, à l’image des adultes, n’est pas flambant rouge. C’est ce que nous rappellent les élections de 2019. Récemment selon des sondages du Conseil de la jeunesse flamand et de la VRT, 26% des 18-23 ans préféreraient un dirigeant autoritaire au système démocratique actuel, 25% des garçons de 12 à 24 ans voteraient pour l’extrême-droite. 40% seraient pour l’indépendance de la Flandre, contre seulement 25% des filles. Qui elles d’ailleurs seraient 33% à voter Groen ! Les jeunes figures du Vlaams Belang (VB), devenues des modèles pour les garçons, pourraient expliquer cet écart. Au-delà d’un matraquage sur Facebook, le parti a réussi à donner une image de « jeunes démocrates antisystème », et a profité des discours de droite décomplexés de la N-VA, au pouvoir depuis… 2004 en Flandre ! Un pari tristement gagnant, cette fois-ci.
Chez les francophones ? L’idée reçue se confirmerait nettement plus, la baisse du PS et du cdH étant clairement inférieure à la hausse d’écolo et surtout du PTB, laissant supposer un choix des nouveaux votants pour ces partis. Toutefois, seule une enquête post-élections pourra l’affiner.
Ce n’est pas le premier dimanche noir en Belgique. En 2003, 2004, 2007, le VB a fait des résultats similaires ou supérieurs à ceux de 2019. La nouvelle donne est l’addition d’une N-VA très forte également. Le vote pour les partis du centre-droit à l’extrême-droite est stable mais alors qu’il y a 20 ans, les partis traditionnels (CD&V, OpenVLD, LDD) représentaient 2/3 de ce vote et les nationalistes/l’extrême-droite, 1/3, aujourd’hui le rapport est complètement inversé ! Il n’y a donc pas plus de « Flamands qui votent à droite » mais beaucoup votent de plus en plus à la droite extrême (N-VA) ou à l’extrême-droite (VB). à qui la faute ? Aux médias flamands qui invitent régulièrement le VB sur ses plateaux ? Aux exécutifs en place (fédéral, flamand, communaux) où la participation de la N-VA a libéré une parole anti-immigration et antimusulmans musclée ? à la gauche flamande qui semble avoir déserté les rases campagnes ? Des réponses sont nécessaires pour éviter un nouveau dimanche noir.
Mathieu Midrez