Je pourrais vous parler de la pluie et du mauvais temps de ce mois de novembre, des jeunes mecs qui se prennent pour Ryan Gosling à faire les machos, des filles avec leurs délires d’avoir mille et une paires de chaussures, des envies de partir à l’autre bout de la Terre dès que quelque chose va de travers… Et pourtant, ce n’est pas de ça dont j’ai envie de parler. C’est ce dont on cause déjà à la pause de midi à l’école, donc j’en ai plus qu’assez.
Perso, je pense que les adultes n’ont jamais été de véritables adolescents. C’est comme s’ils étaient nés en ayant 40 piges. Ca peut paraître spécial de dire ça, mais je suis certaine que les trois quarts des jeunes pensent comme moi. On prend tous nos parents pour des aliens. Florence Foresti explique dans un de ses sketchs que les mères qui sortent de la maternité doivent signer un pacte: interdiction de parler de leur accouchement aux jeunes pour ne pas les effrayer… Bien sûr, c’est de l’humour. Mais j’ai parfois l’impression qu’à la fin de l’adolescence, les adultes ont eu droit eux aussi à une sorte de lavage de cerveau qui leur a fait oublier leur jeunesse.e pourrais vous parler de la pluie et du mauvais temps de ce mois de novembre, des jeunes mecs qui se prennent pour Ryan Gosling à faire les machos, des filles avec leurs délires d’avoir mille et une paires de chaussures, des envies de partir à l’autre bout de la Terre dès que quelque chose va de travers… Et pourtant, ce n’est pas de ça dont j’ai envie de parler. C’est ce dont on cause déjà à la pause de midi à l’école, donc j’en ai plus qu’assez.
Je suis en dernière année de secondaires et ce serait mentir si je vous disais que le mot « dernière » ne m’effraie pas. Tout simplement parce que je le trouve confus. « Dernière » dans quel sens exactement? Dernière année de liberté? Dernière année de plaisir? Dernière année avant le marécage de la routine? Dernière année sans devoir faire de grands choix? Pour moi, il y a trois catégories de jeunes: ceux qui se prennent la tête pour des conneries. Ce sont les stressés. Ensuite ceux qui font attention mais pas trop non plus: ce sont les normaux. Et pour finir, les jeunes qui ne réagissent pas, même si une bombe explose à côté d’eux: ce sont les blasés. Chacun aborde à sa façon cette «dernière» avant le grand saut. Les jeunes stressés se diront qu’il vaut mieux passer quarante examens d’entrée quitte à en rater 39. Les jeunes normaux prendront le temps de réfléchir à leur avenir, analyseront les catalogues de toutes les écoles intéressantes ou alors ils planifieront un petit voyage à l’étranger pour aller respirer l’air d’ailleurs. Et enfin, les blasés ne diront rien, ils prendront ce qui vient, sans trop se poser de questions.
Avec les potes, ça nous arrive souvent d’analyser les gens dans la rue. Et d’en conclure que la plupart des adultes ont le regard dirigé vers le bas. On dirait qu’ils sont désarticulés tellement leur tête est basse. A croire qu’ils se sont tous trompés d’orientation. Du coup, même si on fait les fiers, on se demande tous avec angoisse à quoi s’attendre.
Kénia Raphaël, chronique d’une ado ordinaire