Du 22 au 25 mai 2014, 500 millions d'européens éliront les 751 députés du parlement européen pour 5 ans. Face à la crise et aux mesures d'austérité, quelle réponse attendre des urnes?
Cette fois-ci, c’est différent: c’est le Parlement lui-même qui annonce la couleur dans sa campagne d’information sur les élections «Agir. Réagir. Accomplir.». Quoi de neuf depuis les élections 2009? Le nouveau mode d’élection du Président de la Commission, prévu par le Traité de Lisbonne. Jusqu’ici, les Etats membres le choisissaient en huis-clos. Aux prochaines élections, ils devront tenir compte des résultats électoraux. Déjà, en interne, les 5 plus gros partis européens (Parti Populaire, Socialistes, Verts, Libéraux, Gauche Unitaire) ont désigné leurs candidats à la présidence. Verhofstadt, Bové, Junker, Schulz, Tsipras… sont déjà dans une espèce de campagne en investissant les médias.
Autre changement depuis 2009 : la crise et ses mesures d’austérité. La question est en suspens: comment les citoyens vont-ils exprimer leur colère? D’après le dernier sondage Eurobaromètre (novembre 2013), 58% des Européens ne font pas confiance à l’UE, et 66% pensent que leur voix ne compte pas au niveau européen.
Face au mécontentement, deux réponses à attendre. Tout d’abord, l’abstention. Si ce n’est pas un grand sujet de préoccupation là où le vote est obligatoire (Chypre, Grèce, Luxembourg, Belgique), il s’agit d’un enjeu majeur au niveau européen. Après un taux record de 57 % en 2009, on peut s’attendre à un taux semblable cette année.
Deuxième réponse: le choix de partis non traditionnels, protestataires ou populistes. Côté nouveaux partis alternatifs, on peut citer en Belgique le Mouvement Vega (l’écologie comme rempart contre la menace productiviste), le Parti Pirate (démocratie, liberté, partage du savoir et solidarité) ou le parti « Stand for the United States of Europe » (création d’une Europe fédérale sur le modèle des Etats-Unis). Même s’ils arrivent à collecter les 5000 signatures nécessaires au dépôt de leurs listes électorales, il y a peu de chances que ces partis minoritaires soient représentés au Parlement.
Eurosceptiques et extrêmes droites
Plus préoccupants pour les défenseurs de l’UE: les eurosceptiques. Certains siègent déjà au Parlement. Des eurosceptiques modérés, qui souhaitent redonner du pouvoir aux Etats membres. Ils sont réunis au sein du groupe parlementaire des Conservateurs et Réformistes européens. Ou des eurosceptiques «durs», qui rejettent le projet européen, réunis au sein du groupe Europe Libertés Démocratie. Certains partis politiques se font ainsi le fer de lance de la sortie de l’UE, comme l’UKIP (UK Independent Party) qui milite pour le fameux «Brexit» (sortie britannique de l’UE).
Aux prochaines élections, la plus grande menace est représentée par les partis extrémistes. Pour la plupart, ces partis d’extrême droite ne sont inscrits dans aucun groupe parlementaire… mais cela pourrait changer. Le Front National (20% des intentions de vote en France), le Parti pour la Liberté (PVV, Pays-Bas), et le Vlaams Belang (Belgique) ont annoncé leur projet de création d’un nouveau groupe parlementaire, ce qui leur donnerait plus de visibilité et de moyens financiers. A condition qu’il regroupe au moins 25 eurodéputés issus de 7 Etats … et que les différents partis arrivent à se mettre d’accord. En pleine prospection pour la création de ce groupe, le FN a approché l’UKIP qui a fait savoir qu’il était hors de question qu’il se rapproche de partis d’extrême droite.
Fin mars, les partis Populaire (PPE) et Socialiste (PSE) étaient au coude à coude et en tête des sondages (28,4 contre 28,3%). Quelle influence les partis minoritaires pourraient-ils donc avoir au sein du Parlement ? Si certains eurodéputés comme Constance Le Grip (France, PPE), ne craignent pas de blocage institutionnel ou de paralysie des institutions européennes, d’autres, comme Claude Moraes (Royaume-Uni, PSE) ont un point de vue nettement plus alarmant: «ce sont des éléments destructeurs qui une fois élus feront beaucoup de bruit mais n’auront pas forcément l’intention de s’impliquer dans la vie du Parlement. Ils ne prennent pas le Parlement européen au sérieux.» D’après les derniers sondages, les partis eurosceptiques pourraient obtenir 20% des sièges du Parlement.
Les jeunes, un enjeu ?
Face à ces menaces, la cible principale des partis politiques reste les jeunes: en 2009, seuls 29% des 18-24 ans se sont déplacés pour voter. Pour éviter l’abstention ou les votes sanction, tous les moyens sont bons pour inciter les jeunes à prendre en mains leur destin de citoyen européen: que ce soit en proposant le droit de vote à 16 ans (lire ci-contre) ou par le biais d’initiatives toutes plus créatives les unes que les autres (lire par ailleurs). Des initiatives qui viennent souvent de la société civile, loin des partis politiques européens. Enfin, face au désintérêt des élections européennes chez nous, la question se pose: comment faire en sorte que les médias et les partis politiques nationaux relayent les enjeux européens et incitent les citoyens à s’y intéresser? Il y a du travail avant que l’Europe ne se rapproche de ses citoyens et qu’on se sente «tous des Européens»
Ligue des jeunes électeurs (www.youngvoter.eu): plateforme de débat et formation des jeunes candidats au Parlement.
A l’origine deux initiatives :
EU40, the New Generation (www.eu40.eu) est un réseau d’eurodéputés de moins de 40 ans de tous partis. Ils organisent des événements pour sensibiliser à la cause des jeunes (pour rappel, il y a seulement 10% d’eurodéputés de moins de 40 ans !). Dernier event : une « freestyle hip hop battle » au Parlement européen qui a vu s’affronter des députés sur des sujets d’actualité. J.N
En Belgique, la sortie du MR pour le droit de vote à 16 ans n’a pas secoué durablement le débat public. En Europe, le débat n’est pas neuf. L’Autriche est le seul pays européen à avoir ouvert le droit de vote dès 16 ans, en 2007. En Allemagne, c’est le cas dans certains länder pour les élections régionales ou locales. Dans d’autres pays, des collectifs se mobilisent et des politiques soutiennent l’initiative. Au Royaume-Uni, le Parti travailliste a annoncé – afin d’augmenter l’électorat (sic) -, qu’il abaisserait le droit de vote à 16 ans s’il gagnait les élections de mai 2015, et qu’il rendrait peut-être le vote obligatoire pour les jeunes dès la première élection. Du côté de la France, pas question d’accorder ce droit pour augmenter le nombre d’électeurs, mais bien pour faire de l’adolescence une sorte d’apprentissage de la citoyenneté, comme le souligne Dominique Bertinotti. A l’origine d’une réflexion autour du statut de « prémajorité » qui accorderait des droits aux 15/16 ans (créer une association, choisir son orientation scolaire et professionnelle), la Ministre de la Famille a proposé dans ce cadre d’accorder le droit de vote à 16 ans pour les élections locales. J.N