Dans son discours annuel (en septembre 2016) sur l'état de l'Union, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker propose de créer un Corps Européen de Solidarité (CES) pour les jeunes. Objectif : 100 000 volontaires d'ici 2020! Coup de projecteur...
Aussitôt demandé, aussitôt fait. La Commission européenne annonce officiellement le lancement du CES le 7 décembre 2016. Le programme, qui propose aux jeunes de participer à un projet de solidarité de manière volontaire ou professionnelle, a pour principal objectif de renforcer la cohésion sociale et d’encourager la solidarité au sein de la société européenne (lire encart). La Commission lance à la va-vite une consultation publique – 660 réponses, des consultations ciblées d’acteurs clé de la société civile ; et en avril dernier, un forum censé l’aider à orienter son projet… alors que 27.000 jeunes sont déjà inscrits dans la base de données et que certains sont déjà rentrés en mission.
A première vue, le CES ressemble à un super programme un peu fourre-tout lancé dans la précipitation avec un but noble (renforcer la solidarité européenne et relancer le projet européen) mais des objectifs épars (soutien aux communautés locales, aide en situation de crise, acquisition de compétences pour les jeunes, aide à l’employabilité…) en faisant doublon à des programmes déjà existants. Le Parlement a d’ailleurs voté une résolution début avril demandant à la Commission de préciser ses objectifs – notamment en définissant clairement ce qu’est un projet de solidarité – et de « compléter et élargir l’expérience du Service Volontaire européen » (SVE) sans lui faire concurrence.
Le forum d’avril, qui a réuni près de 700 acteurs, a répondu à certaines craintes soulevées par la société civile. Tout d’abord concernant le financement : si des jeunes sont déjà en projet, c’est que les organisations peuvent déjà proposer des projets en demandant des financements par l’intermédiaire de programmes déjà existants (Erasmus+, LIFE, Europe pour les citoyens, REGIO…) ; mais le CES ne devrait pas puiser dans les budgets de ces programmes. L’objectif étant que le CES devienne un instrument juridique autonome, avec sa propre ligne budgétaire, à partir de 2021. Et de l’argent frais sera injecté, on nous l’a répété ! Pour la suite, les organisations seront accréditées après une évaluation de leurs activités et leur adhésion à une charte… sans qu’on ait de détails sur les critères ou modes de contrôle utilisés pour vérifier la qualité des projets.
Si la Commission ne cesse de répéter que « ce qui compte avant tout, c’est la motivation », la réalité est autre. Pour s’inscrire, les jeunes répondent à quelques questions de motivation et d’expérience et attendent gentiment qu’un organisme les contacte ; ce qui laisse craindre que ce seront les plus diplômés et expérimentés qui se verront contacter. De même, la réelle plus-value du volet volontariat par rapport au SVE n’est toujours pas éclaircie, d’autant plus que, contrairement au SVE, le CES ne repose pas sur un accompagnement du jeune par une organisation d’envoi. Et le peu de distinction entre les volets volontariat et emploi laisse présager d’éventuelles dérives d’emplois déguisés.
Coup de théâtre le 30 mai : la Commission présente son projet de base juridique et de budget pour 2018-2020 : 341,5 millions seront dégagés… mais en remplaçant les SVE intra-européens par des CES et en rapatriant cette part du budget d’Erasmus+ au sein du CES dès 2018. Contrairement à ce qui avait été annoncé lors du forum, ¼ du budget seulement viendra d’argent frais, et le reste de programmes déjà existants.
Quelques pistes positives tout de même : possibilités de projets locaux en groupes, d’activités de mise en réseau… Mais pour des objectifs aussi ambitieux et transversaux, une collaboration plus poussée avec la société civile aurait été essentielle ainsi que l’injection de davantage de moyens financiers ; comme l’a souligné Luis Alvarado, Président du Forum européen de la Jeunesse, « on doit arrêter d’offrir des cacahuètes à la génération qui est censée sauver le projet européen » λ
Pour qui ?
Les jeunes de 18 à 30 ans, citoyens/résidents dans un état membre de l’UE + Norvège, Islande, Liechtenstein, Turquie, Macédoine – avec des restrictions d’âge, de résidence ou de nationalités pour certains types de
projets.
Pour quoi faire ?
Un projet de solidarité de 2 à 12 mois dans l’un de ces pays, au sein d’une organisation (ONG, municipalité, entreprise…), pour un projet de volontariat ou un projet professionnel (emploi, stage, apprentissage).
Quelle procédure ?
Inscriptions en ligne sur : https://europa.eu/youth/SOLiDARIty_fr