La rentrée scolaire 2018 aura une teinte particulière pour certaines écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles avec le lancement du plan de pilotage du pacte pour un enseignement excellence. L'occasion de prendre le pouls du sujet : 1. Qu’est-ce que le Pacte ? 2. Quelles sont les critiques ? 3. Quelle place pour les organisations de jeunesse ?
A la rentrée, certaines écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles entrent dans le plan de pilotage du pacte pour un enseignement d’excellence qui se fera en trois vagues (dont la première sur base volontaire lors de cette rentrée). En pratique, les écoles seront chargées d’établir un état des lieux de leur établissement à l’aide d’un questionnaire détaillé leur permettant de mettre en lumière des objectifs à atteindre sur 6 ans. Le but ultime étant d’aboutir à un enseignement d’excellence pour toutes les écoles.
Réadapter – voire révolutionner – l’école et l’éducation ne date pas d’aujourd’hui. Prémices au Pacte, le Rénové lancé en 1971, abordait déjà la question du tronc commun ou encore le « Décret missions », en 1997 sous Laurette Onkelinx (PS) en réponse à une série de constats alarmants sur la qualité de l’enseignement en Belgique francophone. Constats basés sur les résultats de l’enquête PISA, le taux de redoublement, etc. à cette époque d’ailleurs, la société civile fait appel aux partis politiques afin de refonder l’école par le biais de la Plateforme de lutte contre l’échec scolaire. En juillet 2014, Joelle Milquet (cdH) devient la ministre de l’enseignement et reprend pour ainsi dire le flambeau, non sans faire appel au bureau McKinsey. Ce célèbre cabinet (sic) de consulting remet une feuille de route de huit pages définissant les grandes lignes de ce qui deviendra le Pacte pour un Enseignement d’Excellence. La suite fait place à une approche participative. Entre 2015 et 2017, orchestré par un Groupe Central et douze GT (groupe de travail), trois avis sont émis. Une consultation populaire est mise en place notamment à travers trente rencontres organisées en Wallonie et à Bruxelles. Pas moins de 5000 participants ont échangé, questionné, débattu. De tout cela a émergé, en mars 2017, l’avis n°3 qui est la version « aboutie » du Pacte porté désormais par la ministre de l’éducation Marie-Martine Schyns (cdH).
Aujourd’hui, le Pacte, c’est 354 pages. Une introduction, un résumé, un développement de 5 axes stratégiques et un calendrier des différentes phases de réalisation. à sa lecture : vocabulaire hermétique, assez indigeste, compensé par un site Internet avec des outils adaptés en fonction des publics et des capsules vidéo pour humaniser tout ça.
Le Pacte pour un Enseignement d’Excellence est avant tout un projet et une vision en cinq axes stratégiques (ou piliers de développement) à mettre en place d’ici 2030. En résumé, il s’agira :
• D’adapter l’école à la société du 21ème siècle et de favoriser le plaisir d’apprendre grâce à un enseignement maternel renforcé ou encore à un tronc commun – polytechnique et pluridisciplinaire – jusqu’à 15 ans autour de la maitrise des langues, des sciences, de l’éveil, de la philo, de la citoyenneté, du bien-être et de la créativité. (Axe 1).
• De donner plus de « libertés » (autonomie et responsabilisation) aux équipes éducatives, d’appuyer la place des parents dans la vie de l’école via le conseil de participation et éventuellement l’étendre aux jeunes dans certains cas. (Axe 2).
• De viser l’excellence dans l’enseignement technique (souvent dévalorisé) qui représente près de 50 % des élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’idée est que ce type d’enseignement devienne un choix réfléchi pour les élèves notamment grâce à l’allongement du tronc et à une meilleure sensibilisation des enseignants. (Axe3).
• De favoriser la mixité et l’école inclusive dans l’ensemble du système éducatif tout en développant des stratégies de lutte contre l’échec scolaire, le décrochage et le redoublement (réduction de celui-ci de 50 % pour 2030). Ici encore le point d’attention se pose entre autres sur la refonte de la formation des enseignants. (Axe 4).
• Poser l’école dans son environnement, centrée sur l’ouverture, l’accessibilité et la qualité de l’enseignement mais aussi le bien-être de l’élève dans une époque de boom démographique auquel l’école doit faire face. Le Pacte souligne la nécessité de faire appel à des intervenants extérieurs, de créer des ponts, des partenariats durables afin de servir ces défis. (Axe 5).
Il va de soi que la mise en œuvre de ces piliers s’inscrit dans la durée. Cependant, certaines actions ont déjà pu être entamées telles que le renforcement des moyens pour l’encadrement en maternel et une aide aux directions du fondamental. Enfin, si le Pacte pour un Enseignement d’Excellence enfonce des (bonnes) portes ouvertes, la critique, elle, n’a pas tardé, non sans à propos. Et la place des organisations de jeunesse reste posée.
Virginie Pierre
Depuis 2016, un groupe de travail existe au sein du secteur jeunesse. Il a pour objectif de rassembler les OJ qui souhaitent travailler sur les relations avec le monde de l’enseignement, d’émettre des avis, de s’informer, d’aller à la rencontre de toute action permettant de créer des ponts. Le Pacte fait évidemment partie des sujets sur la table du GT. Une conviction, le secteur jeunesse pourrait apporter son appui-expertise à l’école. Exemple avec le PECA (Parcours d’éducation Culturelle et Artistique), la citoyenneté, la mise en œuvre des plans de pilotage, l’ouverture de l’école sur le monde extérieur, la formation initiale et continue des enseignants, etc. Pour le secteur jeunesse, il est indispensable que le Pacte puisse permettre de créer des collaborations basées sur une structure plus accessible et plus instituée… Le débat n’est pas clos, à se demander « Pourquoi est-ce si complexe de ’rentrer dans l’école ‘ ? ». Peut-être parce que, comme le souligne Jean-Emile Charlier, sociologue à l’UCL-Mons : « l’école doit tenir les jeunes à l’abri des passions de la Cité. On ne se rend pas compte à quel point l’école est assiégée de toutes parts. ». Cependant, des liens existent déjà entre le secteur jeunesse et l’école : ateliers animés par les OJ au sein des classes, Tours des écoles de la COJ ou actions bilatérales comme la création d’une plateforme Ecoles-OJ, etc. Des liens évidents, aux finalités (CRACS) semblables, souvent à l’initiative du terrain par les OJ, les fédérations d’OJ, les écoles ou encore les professeurs. Cela demande énormément d’énergie et de temps. Les mises en relation ne coulent pas de source… V.P.