L’initiation de tous les jeunes à la musique est le credo des Jeunesses Musicales qui fêtent en 2015 leurs 75 ans avec entre autre « the » évènement à Bozar ce 17 octobre : une « Family day » et soirée Gala. L’occasion pour le COJ de zoomer sur une de leurs missions permanentes : l’éveil musical au sein des écoles. Interview de Sophie Mulkers, responsable pédagogique aux Jeunesses Musicales…
Qu’est-ce que « l’éveil musical » ?
C’est sensibiliser le plus grand nombre à l’ouverture et à la pratique de la musique. Des ateliers en classe où l’on va chanter, aborder le rythme, travailler sur des instruments, découvrir d’autres horizons musicaux comme la musique du monde, la musique de films, la comédie musicale, etc.
Que permet la musique en classe ?
La transversalité des apprentissages. On peut greffer l’éveil musical à toute une série de matières que ce soit le français, les mathématiques, les sciences, la géographie. En travaillant avec les comptines, on va activer le langage, la phonologie, la syllabisation. Chez l’enfant – 3ème maternelle et 1ère primaire – cela va favoriser l’apprentissage de la lecture. Avec les mathématiques, un animateur des JM avait composé une chanson sur les multiplications. En sciences, on va travailler le système respiratoire, aborder le diaphragme, décrypter le parcours de la respiration… L’animation musicale est une porte d’entrée, décentrée, dans la matière, plus amusante qui fait que les enfants ne se rendent même pas compte qu’ils apprennent, sans dramatiser cet apprentissage (parfois déjà perceptible en 3ème maternelle !).
Quel profil d’animateurs ?
Ils sont au minimum musiciens. Certains sont autodidactes, d’autres sont passés par le Conservatoire. Tous sont rôdés aux techniques d’animation et inscrits dans des formations continues comme par exemple sur la chanson africaine, latino, sur la danse, sur des techniques d’animation (d’autres manières de rentrer en contact), etc. Il n’y a pas en Belgique de brevet d’animateur musical. La plupart ont une formation d’animateur et de musicien avec un solide bagage de terrain.
Animer avec la musique doit être plus « facile » que dAautres éveils artistiques (peinture, photo, écriture…) ?
Chanter devant les autres, s’engager, être (cré)actif… face aux pairs, ce n’est pas gagné d’avance ! On se risque. L’animateur est conscient qu’il doit développer des techniques pour permettre à chaque individualité de prendre confiance en elle face au groupe. De plus, les partenariats avec les écoles sont toujours à reconstruire. Il faut nouer constamment des contacts, vaincre des réticences.
Quelles réticences ?
Le sacro-saint programme qui prend beaucoup de temps. On entend souvent : « nous n’avons pas beaucoup de temps à consacrer à la musique ». Or, si on prenait un autre biais, celui de la musique et de l’art en général, on pourrait atteindre des compétences inscrites dans ces programmes ! La danse permet d’aborder les maths. Avec la situation dans l’espace, on apprend les géométries et la latéralisation. C’est une manière – non formelle – d’envisager la matière. Ce n’est absolument pas du temps perdu ! Quand on sait l’augmentation des névroses scolaires (ex. du décrochage scolaire), il est temps de trouver des voies alternatives. L’art pourrait être une belle voie (comme le prouvent de nombreuses études et expériences au Canada, en France, etc.). L’animation artistique doit s’inscrire – non pas dans un cours donné mais comme en immersion linguistique – à travers tous les cours. L’art doit être présent dans toutes les matières. Ce qui (re)pose la question de la formation des enseignants. Un autre débat.
Propos recueillis par Nurten Aka