Il n’y a pas si longtemps j’attendais avec impatience que l’école reprenne pour « souffler ». Quel bonheur de pouvoir déléguer le temps d'une journée l’éducation de ses enfants !
Pour nos deux enfants, j’avais trouvé une école avec une « âme » où ils ont passé quatre magnifiques années entourés d’une équipe pédagogique hors pair.
Un jour, arrive un « couac », une réprimande digne d’un autre temps. Mon enfant fut puni, face au tableau, dos à la classe pendant l’heure d’étude pour avoir oublié sa feuille de devoir. De l’humiliation. Ça me révolte. C’est là que je me suis (re)mise à chercher une autre école. L’idée de déscolariser mes enfants ne m’avait même pas effleurée, j’ignorais que cela était possible !
Mes recherches m’ont menées à l’école autonome basée sur la méthode Sudbury aux états-Unis. Une école où l’on ne fait rien ! Si votre enfant a envie d’observer une mouche pendant toute sa scolarité, on ne vous convoquera pas pour vous conseiller d’aller consulter dare-dare. On verra en lui la graine d’un scientifique en herbe. Chose impossible pour moi et mes nerfs : accepter que l’on puisse ne rien faire et juste faire confiance au potentiel de
son enfant.
De lecture en lecture, de vidéos en vidéos, d’informations en réflexion et discussion, l’horizon s’est ouvert jusqu’à l’idée de « l’instruction en famille ». Surtout, j’ai pris conscience que passer du temps avec mes enfants ne me faisait plus peur, qu’« instruire » peut aussi (dans la mesure où l’un des deux parents ne travaille pas) s’avérer une mission parentale.
L’école à la maison, c’est donc maintenant. Aujourd’hui, la confiance que je mets en leur capacité à s’occuper, s’enthousiasmer, gérer leur temps et même s’ennuyer a décuplé (et ils la ressentent). Concrètement, comment ça marche ? Nous avons rempli une « déclaration d’instruction en famille », ensuite un « tuteur » (attribué par la Communauté française) va gérer le dossier scolaire de nos enfants. Tous les deux ans, mes enfants seront convoqués à un examen sur les bancs de l’école !
« L’école à la maison » est une grande décision, un projet familial où nous avons abordé tous les sujets : la gestion du temps, de l’ennui, les camarades et même les tâches ménagères ! J’ai réalisé que passer la serpillière pouvait se transformer en leçon sur les poids et les mesures, les surfaces ou les périmètres ; l’achats des légumes en leçons géographiques ou biologiques. Nous avons des plages horaires (où je peux aussi vaquer à mes occupations ou loisirs). Nous avons une heure et demie pour se concentrer sur l’une ou l’autre matière, en matinée, après une bonne grasse matinée et un petit déjeuner en paix, le reste du temps, ils font ce que tous les enfants font le plus naturellement : jouer. Et n’apprend-on pas (mieux) en jouant ?
Bref, le plus difficile a été d’expliquer à ceux qui ne comprennent pas ce choix qu’il ne s’agit pas de mettre nos enfants sous cloche.
Avons-nous des doutes ? Oui (apprendront-ils à gérer leur ennui, le temps, à trouver leur voie ?) Des angoisses ? Plus du tout. Quand le temps ralentit, le stress disparaît, les idées affluent. On se découvre. Nous avons quitté Bruxelles, plus près de la nature pour de grandes promenades et avoir un potager. Cela fait partie du projet.
Si mes parents m’avaient permis ce choix ? Je ne serai pas devenue architecte mais probablement couturière ou artiste peintre.
Je finirai par saluer les « couacs » de l’école qui parfois nous poussent à agir vers des choix moins frileux, plus « à l’écoute ». C’est peut-être ça : l’école qui a une âme.
Djamila Benaissa