… (on nous prend pour des enclumes) .
Au milieu des grèves rythmées de l’hiver austère qui s’approche, une revendication lancinante et inexorable est sur toutes les lèvres: «il faut renforcer le pouvoir d’achat»!
Toutes tendances confondues, ce mot d’ordre est devenu en quelques années LA bannière standardisée de la revendication sociale. Mais à y regarder de plus près, qu’est-ce que ce concept prêt-à-penser véhicule effectivement? Renforcer le pouvoir d’achat… Ce serait donc dans l’acte de consommation que nous trouverions le bonheur ou, à tout le moins, notre salut. Un leitmotiv ancré dans notre société moderne (marchande) du XXIème siècle.
Le concept est d’autant plus pernicieux qu’il cantonne la question du pouvoir dans la capacité de consommer. On parle rarement de pouvoir… sauf pour l’achat. Ce qui en dit long sur le rapport de domination entretenu entre les pauvres et les riches… Les mouvements syndicaux, en choeur, claironnent (1):
«… poursuivre nos 4 objectifs (sauvegarder et renforcer le pouvoir d’achat, maintenir une sécurité sociale fédérale et forte, investir dans une relance durable et dans l’emploi, davantage de justice fiscale)».
Des ambitions qui interrogent peu notre modèle de société outre la question de la justice fiscale… Sans compter que cette dimension est régulièrement occultée par des écrans de fumée. Dernièrement, le Gouvernement Fédéral proposait un meilleur calcul des impôts qui, selon le journaliste (2,) augmenterait le salaire net de 93 € en moyenne par mois. Il faut lire plusieurs fois pour bien comprendre que personne ne sera plus riche avec cette histoire. Le calcul n’est pas en soi meilleur; il est différent. Il s’agit simplement de revoir le calcul du précompte (paiement anticipé de l’impôt) pour réduire les remboursements au moment du calcul final de l’imposition. Personne n’est plus ou moins riche à l’arrivée, mais on a drôlement l’impression que c’est ce que l’on a voulu nous faire croire.
Pour aller un cran plus loin, il y a peu, c’est le concept de «salaire-poche» qui est apparu… Les enfants avaient droit à de l’argent de poche. Les adultes, eux, ont aujourd’hui droit au salaire-poche. Le parallélisme sémantique est intéressant en ce qu’il confirme les rapports de dépendance. D’un côté, ce sont les adultes qui alimentent les enfants. De l’autre, ce sont les patrons qui récompensent le labeur. Et il conviendrait encore de remercier les actionnaires comme il se doit (puisque sans eux, pas de travail)! Face au slogan sur le pouvoir d’achat, d’autres revendications passent certainement pour d’abominables exagérations…
Élections, trahison
Lutter plus pour gagner plus
Nous sommes le pouvoir
Le capitalisme, c’est les riches qui décident – résiste
…
L’exigence du renforcement du pouvoir d’achat semble sonner le glas d’une quelconque velléité de changement social pour laisser faire le marché des biens et services… Piètre ambition? l
Père Emptoire
1. F aire mal aux travailleurs pour gâter les nantis, communiqué de presse conjoint de la FGTB, de la CSC et de la CGSLB du 14/11/2014
2. Les impôts mieux calculés: «Un salaire net augmenté de 93 euros par mois», François MATHIEU , Le Soir, mis en ligne samedi 15 novembre 2014, 19h26