Je me présente. Je m’appelle Moley, ça se prononce « mou-lait-y » et pas « mollet ». J’ai 24 ans et habite la commune de Molenbeek à Bruxelles. Je suis d’origine marocaine ET de nationalité belge. La phrase « je suis d’origine marocaine MAIS de nationalité belge » fonctionne aussi ; à vous de faire votre choix.
J’ai une petite nièce de 6 ans. Je l’aime beaucoup, c’est un peu comme ma sœur vu le nombre de fois où je la vois dans la semaine.
La semaine dernière, alors qu’elle faisait ses devoirs, j’ai aperçu sur son plan de travail (c’est-à-dire la planche à repasser, même si elle a un bureau) un paquet de crayons de couleurs inutilisé et dans son état d’origine. Vingt crayons, du blanc au noir. Les crayons étaient disposés en dégradé. Chaque mine ressemblait à la précédente de sorte que le passage à chaque nuance ne soit pas trop brusque. C’est un peu comme ça Bruxelles et la Belgique en général pour moi. Même si je connais moins bien le pays que sa capitale. Une chose est sûre, c’est multiculturel. On y trouve de nombreuses origines, nationalités, idées et point de vue différents. Mais si la multi-culturalité est un constat, la mixité est un choix.
La mixité à son apogée, c’est la manière dont sont mélangées les épices d’un poulet tandoori. A l’heure actuelle, la mixité à Bruxelles, c’est plus la manière dont le jaune d’œuf dégouline sur le blanc quand on fait des œufs au plat. Des interdits, des peurs ou des obstacles financiers nous empêchent parfois de nous rencontrer dans les différents lieux de vie qui existent. Aussi secrets, couteux ou mystérieux soient-ils ; je suis pour un accès à tout le monde de tous les lieux où l’on peut se rencontrer, se découvrir et … s’apprécier.
Le contraire est d’actualité. L’école par exemple, où la mixité est aussi présente que l’eau dans une biscotte. Les medias aussi qui n’offrent pas beaucoup de points de vue différents. Le monde du travail, où les femmes sont cantonnées à des tâches spécifiques et les hommes à d’autres. Les communes et quartiers qui souffrent de ghettoïsation et qui, après coup, font l’objet de critiques liées à ce constat… C’est schizophrène. Le monde politique où les allochtones (originaires d’ailleurs) n’accèdent qu’à des postes anecdotiques ; ministre du Bic à 4 couleurs, secrétaire général des poissons d’eau douce, responsable fédéral du beau temps et de la soupe au potiron, etc.
Les jeunes, en général, sont pour une plus grande mixité. Ça commence par moi, par toi, par vous et par nous.
Les crayons de couleurs ne sont pas collés avec de la glu dans leur emplacement. On peut les déplacer, les inter-changer de manière tout à fait chaotique. Le blanc se retrouverait autour du noir, le jaune à côté du rouge, le brun à côté du vert. J’ai essayé l’autre jour, j’ai lancé les crayons en l’air et je les ai ramassés et rangés dans leur étui dans l’ordre dans lequel je les ai ramassés. Déjà, les crayons ne se sont pas disputés ; bonne nouvelle. Le crayon blanc semblait à l’aise entre le crayon noir et le rouge. Le crayon brun ne semblait pas vouloir changer de place et l’emballage ne présentait aucune séquelle après ce jeu de chaises musicales. Il n’y a aucune crainte à avoir vis-à-vis de la mixité.
à Bruxelles, la disposition en dégradé est encore de mise mais rien ne nous empêche de déplacer les crayons à l’intérieur de leur étui.
El Hamdaoui Moley Abdelkader, dit Moley, Chronique d’un jeune ordinaire…