A l'occasion des 70 ans des Ceméa, le COJ tire le portrait de son co-directeur, Geoffroy Carly, une personnalité du secteur, viscéralement engagé dans l'Education nouvelle, permanente, populaire, émancipatrice. Fort chevillé à la laïcité, cet ancien président de la COJ est-il entré aux Céméa comme on entre en religion?
Dans nos portraits, « on joue l’homme » comme le signale Geoffroy Carly. En effet, on s’attarde sur le parcours, la personne, plus que sur son métier. Ce qui pour son cas s’avère assez complexe tant l’homme est plongé dans son association. Un amour-fusion, quasi exclusif. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Durant sa jeunesse, il touche à tout : badminton, solfège, piano, cyclisme. A 16 ans, il accompagne une amie à un stage de formation d’animatrice-Ceméa à la Marlagne. Il y va rempli d’appréhensions. Pourtant, tout vient de là ! « Ça bouleverse complètement ma vie, explique Geoffroy Carly. J’ai eu l’impression de vivre pour du vrai pendant dix jours, en existant, en pouvant proposer des choses. Je me suis dit : ‘ce que j’ai vécu là, je veux le faire vivre à d’autre’ ». Il entre alors aux Ceméa Belgique comme volontaire.
Parallèlement à cette nouvelle passion, Geoffroy Carly s’inscrit à l’ULB en science-éco avant de bifurquer à l’IHECS, attiré par les cours en groupe sur l’usage des médias. Pourtant, désillusion et frictions avec les profs. C’est que les cours de dynamique des groupes sont loin de l’expérience collective des Ceméa. « Quelque part, dit-il, je n’ai pas tellement investi l’IHECS, je l’ai plutôt instrumentalisée. Pour mon mémoire médiatique, j’ai construit le premier site internet des Ceméa. Je brossais allègrement des semaines de cours pour donner des formations et j’en sors avec un diplôme en communication sociale, orientation socioculturelle et éducation permanente ».
A la fin de ses études en 1999, Geoffroy Carly aura une proposition d’emploi de… Pizza Hut (où il travaillait déjà comme étudiant) avant de rapidement décrocher un mi-temps autour de la communication aux Ceméa. Dès le début, les limites de sa vie professionnelle s’évaporent. « Ce travail me permettait d’avoir des revenus mais ne changeait pas mon rapport à ce que je faisais. A côté de mon boulot autour de la com’, je continuais à encadrer des formations ».
Quelques années plus tard, il rencontre Yamina Ghoul, Secrétaire générale de la COJ, qui lui propose de prendre un mandat au Conseil de la Jeunesse. « Ça m’a relativement bien plu, j’ai pris gout à être dans des espaces de représentation, à défendre des positions, négocier » remarque-t-il. Actif dans le secteur jeunesse, de fil en aiguille, Geoffroy Carly occupera la présidence de la COJ pendant huit ans, avec comme moment fort la négociation du nouveau décret OJ, en 2009. « Ce fut une vraie formation politique, se souvient-il. Je suis devenu un homme politisé depuis une dizaine d’années. Ce qui est un peu déprimant car plus tu es conscient et politisé, plus tu trouves que ce qui t’entoure est dégueulasse : il y a des formes d’immobilisme qu’on n’arrive pas à combattre, par ex. dans l’accueil de l’enfance où l’énergie et le pognon sont dépensés pour le contrôle plutôt que pour l’accompagnement ».
Des mandats, il en a à la pelle, ce qui lui a valu des propositions pour entrer dans des cabinets ministériels (PS ou Ecolo), refusées à chaque fois. « Sur le long terme, on a plus d’impact en restant dans le secteur que d’être dans le politique à tirer quelques ficelles pendant cinq ans. En plus, pour le comité de direction des Ceméa, c’était : « Si tu pars, tu pars ». J’ai eu un léger regret de ne pas avoir tenté l’expérience mais la rupture avec les Ceméa n’était pas envisageable. Depuis, je n’ai plus songé à partir ».
Un métier, une passion. L’engagement de Geoffrey Carly carbure à 200%, avec très peu de place pour le reste. Il l’avoue, « Je n’ai pas encore réglé mon rapport au travail et aux Ceméa. Je devrais prendre soin de moi, faire autre chose, me déconnecter. Ce ne sera pas possible de tenir le même rythme que les 20 dernières années ». Heureusement que ses enfants le poussent à leurs matchs de foot du dimanche. Une coupure dominicale qui, à ce niveau de « workaholisme », vaut bien une messe…