Militant pédagogue au blouson de cuir, Patrick Cnudde est de ceux qui ne passent pas inaperçus. Enseignant devenu inspecteur de la Culture, en passant par le secteur jeunesse, ce pur bruxellois aujourd'hui retraité se "décontamine" comme il le dit. Portrait sur le zinc...
On retrouve Patrick Cnudde à la Brasserie de l’Union (Saint-Gilles), un habitué des lieux. Le sud-ouest de Bruxelles, il connait : « Je n’ai, dit-il, habité qu’à Saint-Gilles, Anderlecht et Forest ! ». C’est d’ailleurs là qu’il étudie : « Mon prof de bio m’avait un peu donné le goût de l’enseignement et comme je n’étais pas mauvais en français et assez militant, j’ai entamé un régendat en littérature ». Mais c’est l’époque du service militaire obligatoire et il se retrouve à surveiller… des missiles nucléaires en Allemagne ! « J’aurais préféré faire mon objection de conscience et foutre le camp aux Comores mais au final c’est la Mauritanie qu’on m’a proposée ! J’avais donc le choix entre aller au fin fond du désert, pendant deux ans, en temps de guerre contre le Front Polisario ou faire huit mois en Allemagne, en temps de paix avec un casque sur la tête. J’ai été très opportuniste, j’ai pris les huit mois ».
De retour, il ne donnera cours qu’une dizaine d’années. « Paradoxalement, c’était les profs et la direction qui me dérangeaient : on préférait s’occuper d’inventaires de craies que d’un réel projet pédagogique ». Il s’engage alors comme détaché pédagogique au CRIJ, une ancienne structure internationale du Conseil de la Jeunesse. « Quand j’ai terminé mon détachement au CRIJ, je ne suis pas retourné dans l’Enseignement, j’ai été au Service de la Jeunesse. Là, j’ai d’abord coordonné une campagne du Conseil de l’Europe puis, vu mon parcours dans des structures jeunesses, j’ai ramassé tous les dossiers d’OJ ! ».
L’analyse des dossiers semble avoir piqué son intérêt : en 2001, il passe à l’Inspection de la Culture. Un poste obtenu parce qu’il était « rouge » ? « On savait très bien que j’étais identifié comme socialiste mais les autres tendances étaient – pondérément – bien représentées aussi. J’ai été pris parce qu’on aimait bien le boulot que je faisais ». Un engagement politique dont il parle peu. Il ne se présente pas sur les listes, être militant lui suffit. « être dans l’ombre, c’est parfois bien aussi » dit-il.
À l’Inspection, Patrick Cnudde devient notamment Monsieur mouvements : scouts, patros, guides, etc. Pour une raison toute simple : il n’en a lui-même jamais fait partie. Un regard plus impartial. Sa patte comme inspecteur ? « Le lien de confiance ! S’il y avait un problème, il fallait m’avertir rapidement. Je préfère venir avec l’extincteur de la voiture qu’avec la caserne des pompiers et trois Canadair. J’ai vu beaucoup d’erreurs mais qui souvent pouvaient se corriger avec un accompagnement pédagogique. Et comme le disait un collègue : les inspecteurs sont des médecins légistes : on ne tue pas une association, on vient constater la mort ».
Aujourd’hui retraité, serait-il intéressé de s’investir dans une association inspectée ? Le «non» est ferme : «J’ai donné dans l’associatif. Maintenant je suis pensionné, je me «décontamine».
Patrick Cnudde s’adonne donc à son principal hobby : la science-fiction et l’heroic fantasy : « Depuis juin dernier j’ai avalé L’Assassin royal et le Soldat chamane donc 18.000 pages en tout. Je peux enfin lire autre chose que des bazars de socio et de vendeurs de vent. Cela aussi c’est fini, au moins pendant un an ! Pour le moment ce sont des plaisirs de famille et des plaisirs de moi. Je me rends souvent à la Mer du Nord aussi ».
Contrairement à d’autres, il n’a eu aucun mal à raccrocher : «Tous les matins tu as dû te lever au moins sous une contrainte. Eh bien un jour ça s’arrête et c’est magnifique, ça devrait arriver beaucoup plus tôt. C’est une libération ! ».
Vous ne risquez donc pas de le voir prochainement dans un conseil d’administration mais si vous vous aventurez au Parc Duden, où joue l’Union Saint-Gilloise, il y a de fortes chances de le croiser. « C’est un club de foot familial, dit-il, et l’un des rares où les supporters chantent Toute ma vie je serai unioniste, toute ma vie je serai antifasciste ! ». On s’en rappelle d’ailleurs, le pot de départ de l’inspecteur Cnudde, assez mémorable, fut célébré au club même. Un sacré personnage… .