Imaginez une société où un automobiliste ferait un excès de vitesse sur l’autoroute. Il recevrait une contravention, mais également tous les conducteurs présents sur l’autoroute au même moment, même si ceux-ci n’étaient pas en excès de vitesse ! Ceci est le système de la punition collective et j’ai l’impression que nous, les jeunes, en sommes victimes un peu trop souvent et pas qu’à l’école.
Cette injustice, je la ressens à chaque fois que j’entends : « Les jeunes sont tous accros aux écrans », « Plus rien ne les intéresse » ou encore « Les jeunes n’ont plus aucun respect ». Des phrases que vous avez sûrement déjà entendues ou même dites.
Je m’appelle Abigaïl, j’ai 13 ans et j’avais envie de vous parler de trois clichés où, selon moi, les adultes devraient revoir leur copie.
« Plus rien ne nous intéresse ». Si plus aucun jeune ne s’intéressait à rien, pensez-vous vraiment que notre société fonctionnerait encore ? Que des mouvements de jeunesse comme le patro ou les scouts seraient toujours en activité ? Ou même que des structures sportives ou créatives seraient encore là ? J’ai la chance d’avoir trouvé l’équitation et la relation au cheval depuis déjà longtemps, grâce à mes parents et mes grands-parents qui dès 2 ans et demi, m’ont proposé différentes activités créatives, musicales et sportives, pour que je puisse trouver une activité qui me permette de m’épanouir. Mais pensez à tous ces jeunes qui n’ont simplement pas encore trouvé ce qui les intéresse, tous ceux qui n’ont pas un entourage leur proposant autre chose que les écrans ! Ils ne sont pas plus blasés ou désintéressés, ils ont juste besoin de personnes qui les aideront à trouver ce qui les passionnera.
« Nous sommes tous accros aux écrans ». Faux ! Ce n’est parce qu’un ado parle à des amis sur son téléphone ou au travers des réseaux sociaux que ça fait de lui un accro des écrans. Je ne nie pas l’existence des ados addicts à leurs écrans mais… n’est-ce pas un phénomène de société ? Chez les adultes aussi, il existe des accros. Pourtant, avez-vous déjà entendu un jeune dire « De toutes manière maintenant les adultes sont tous accros aux écrans ! » ? Alors, pourquoi mettre tous les jeunes dans le même panier ? Pourquoi ne pas s’intéresser plus aux ados à qui l’entourage propose d’autres activités, d’autres relations et qui tout en utilisant leurs écrans continuent à vivre sans interface ? Pourquoi ne pas s’intéresser aux adultes responsables de ces jeunes accros ? J’ai parfois l’impression que certains adultes sont stressés et surmenés par leur rythme de travail et leur vie de famille et que les écrans sont une solution de facilité pour occuper leurs jeunes enfants qui plus tard deviennent des jeunes adolescents accros.
« Nous ne travaillons plus à l’école ». Combien de fois, je n’ai pas entendu « Les élèves, c’est pire d’année en année ! », à commencer par mon papa et sa compagne qui sont tous les deux enseignants dans le secondaire. Valorisant n’est-ce pas ? A nouveau, pourquoi dire que les jeunes ne travaillent plus à l’école ? Pourquoi tous nous mettre dans la même catégorie ? Personnellement, j’estime prendre mon travail scolaire au sérieux et ma réussite me préoccupe parce que c’est elle qui me permettra de faire un métier que j’aime. C’est vrai, qu’il y a sûrement de plus en plus d’élèves qui osent dire ce qu’ils pensent et qui se révoltent contre un système scolaire qui ne leur convient pas ou plus. Souvent, avec mes amis, lorsqu’on parle de l’école, on a l’impression que l’école est vieille, d’un autre temps et qu’elle ne nous correspond pas. Donc plutôt que de blâmer les jeunes en difficulté, ne serait-t-il pas temps de remettre un peu ce système en question, à la place de culpabiliser les élèves qui ne s’y sentent pas bien ?
L’année dernière, avant les vacances de fin d’année, l’ambiance était tendue en classe. Beaucoup chahutaient et la professeure était très énervée. Lors d’un exercice, je me suis trompée de numéro d’ordre sur ma feuille. L’enseignante m’a donné une punition pour cela ! Je devais recopier 50 lignes de « Je ne me tromperai plus de numéro d’ordre ». J’ai eu un vrai sentiment d’injustice et même en me remettant en question cela restait douloureux, parce que j’avais l’impression d’avoir payé pour les chahuteurs de la classe envers qui mon enseignante n’avait pas réagi.
Tout cela pour exprimer que, au final, la seule chose à retenir de cette chronique, c’est qu’avant d’être un groupe, nous « les ados », nous sommes des individus tous différents, qui fonctionnons comme vous « les adultes » avec notre personnalité individuelle dans un système qui gomme celle-ci la plupart du temps. λ
Abigaïl Coster, chronique d’une ado ordinaire – COJ#22