Durant la Covid-19, l’Asbl Scan-R publiait un ouvrage remarquable, Bouches émissaires, jeunesses confinées (Ed. Namuroises) rassemblant des témoignages écrits par des jeunes durant la pandémie.
Du 18 mars au 18 septembre 2020, l’association a accompagné 330 jeunes de 12-30 ans, en Fédération Wallonie-Bruxelles. Au final : des récits sensibles sur leur vécu quotidien, la santé mentale, le harcèlement, le racisme, les discriminations (notamment homophobes), le confinement, la société, leur douleur, leurs attentes, la famille, les ami.e.s et une force de vivre et de parole. Un livre écrit : « par les jeunes générations pour les adultes ». Merci à Scan-R de nous autoriser la publication de quelques morceaux choisis sur le thème du confinement.
« Je suis confiné. Sans cesse, je me fais attaquer de toutes parts, harcelé de : “Reste chez toi !”, “Stay at home !”, mais qu’avez-vous mal compris ? Je n’ai plus de chez-moi. Certes, j’ai une maison, une chambre et même un lit plutôt confortable, mais tout cela n’est que matériel ! Mon véritable chez-moi, ce sont mes amis, mes compagnons, et pour ne pas mentir, mes ennemis aussi. Car oui, c’est cela qui nous forge, qui nous abrite. À quoi sert un toit, lorsque la tempête est dans le cœur ? Toutes ces mesures isolationnistes m’ont renfermé sur moi-même, m’empêchant totalement de continuer à cultiver mes germes de relations. » Robin, 16 ans Liège, le 27 mars 2020
« Pour y échapper, il fallait surtout ne pas sortir de chez soi. Ce qui a entrainé un lot de problèmes logistiques et un paquet de solutions à trouver. Je me suis retrouvée à faire la file devant le magasin pour acheter à manger, je me suis connectée tous les jours à mon ordinateur pour avoir des contacts avec les autres, je me suis retrouvée sur mon balcon à crier pour remercier les soignants, à guetter si mes voisin·e·s faisaient de même. J’ai même fait des origamis pour un hôpital, j’ai écrit à des inconnu·e·s pour leur donner le peu de moral qui me restait. Ensuite, le temps s’est éternisé ! J’ai commencé à rêver d’une glace sur une terrasse, de nager à la piscine, de revoir mes ami·e·s juste pour pouvoir rire en se tapant sur l’épaule, de sortir sans masque et de voyager. » Laura, 23 ans Bruxelles, le 1er juillet 2020
« Ce que je voudrais le plus faire, c’est sortir faire du skate. Mais ça craint aussi parce que j’ai peur de recevoir une amende. La dernière fois qu’on est sorti, c’était le jeudi 19 mars, au parc avec des amis, on était trois au lieu de deux… Ce qui n’était pas prévu. On avait rendez-vous à deux pour faire du skate mais un troisième s’est ramené et nous n’allions pas lui dire de ne pas venir avec nous. Une camionnette et deux voitures de police se pointent, je crois pour vérifier, qu’on n’était pas trop nombreux. Après, on tombe sur un autre ami, on se retrouve à quatre… On stressait un peu pour rien en se disant qu’on risquait l’amende et se prendre une amende pour ça, c’est un peu abuser. Donc on s’est séparés et je suis rentré chez moi. On s’est dit au revoir sans se donner la main. Parfois je me dis que les médias abusent un peu sur le corona mais je suis pas sûr… Mais ce n’est pas que je regarde le journal, j’entends ce que disent mes parents mais à part ça…. » Barnabé, 13 ans Schaerbeek, le 21 mars 2020
« Pour moi, le confinement a un gout amer. Pas parce qu’il me sort de mon quotidien mais au contraire, parce qu’il est présent depuis trop longtemps. Le matin du 12 mars, on m’a annoncé la rémission de mon cancer. Le même 12 mars, au soir, le pays se mettait partiellement à l’arrêt. Physiquement et psychologiquement, je m’étais préparée à sortir à nouveau en commençant un Service Citoyen afin de re- trouver un rythme quotidien. Aujourd’hui, j’ai l’impression que tout le monde s’est adapté au mien. » Blanche, 24 ans Bruxelles, le 27 mars 2020
Bouches émissaires, Jeunesses confinées, Les Éditions namuroises, 2020, 94 pages. 12 €.
Bouches émissaires,
Jeunesses confinées,
Les Éditions namuroises, 2020, 94 pages. 12 €.
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