Venue en Belgique pour aider et voir sur le terrain la crise des migrants, la Portugaise Adrian Santos, 24 ans, est une figure incontournable de BXLRefugees-la Platforme citoyenne de soutien aux réfugiés dont elle coordone le pôle" hébergement". Portrait d'un destin pris dans l'Histoire…
De Lisbonne, après ses études, elle pensait s’octroyer une année sabbatique, voyager, enseigner l’anglais en Colombie, etc. Rien de tout cela ne se produisit. Prise dans l’Histoire, Adriana Costa Santos se retrouve à 21 ans embarquée dans la spirale, l’injustice faite aux migrants. « Je suivais la crise des réfugiés, tous ces gens qui arrivaient en Grèce. J’avais envie de comprendre et d’aider. Une amie m’a parlé de la situation en Belgique. J’ai pris un billet aller-retour d’un mois pour faire du bénévolat au parc Maximilien (en plein démantèlement du campement). Je suis restée 3 mois d’où j’ai écrit des chroniques sur la vie des réfugiés pour un journal portugais. Petit à petit, j’avais envie de rester. Je sentais que j’aurais plus d’impact ici. »
A son arrivée, la jeune fille s’occupe de l’accueil, véritable porte d’entrée pour les bénévoles, les réfugiés, les donateurs, les journalistes. Nous sommes en octobre 2015, ce qu’on a appelé « la crise des migrants » perdure et s’enlise. Adriana aide à l’avant-poste de cette plateforme exceptionnelle de solidarité. En parallèle, elle enchaine les jobs étudiants (serveuse et babysitting) et reprend des études à l’ULB. « C’était dans mes plans. J’avais étudié les relations internationales avec des cours larges (économie, droit, etc.). J’ai voulu approfondir l’anthropologie, avoir un côté plus humain dans l‘analyse de la société. Cela me permet aussi de travailler sur un sujet qui m’interpelle : les rapports entre l’immigration et la descente du statut social. Généralement, on migre d’un pays à l’autre pour avoir des meilleures conditions de vie. Dans le cas des réfugiés, c’est souvent le contraire et souvent lié aux contraintes que l’état leur impose. ».
Aujourd’hui, Adriana Costa Santos coordonne le pôle « hébergement » de la plateforme. Une plateforme devenue asbl, reconnue pour son organisation efficace grâce à des pôles de compétences (éducation, service social, etc.), un noyau de 17 coordinateurs, des équipes de 30-50 bénévoles et plus de 50.000 abonnés à sa page Facebook. Un beau succès de solidarité citoyenne. L’asbl est aussi soutenue par la Région bruxelloise. « Il y a un budget pour les charges du bâtiment de la Porte d’Ulysse et pour les coordinateurs qui sont salariés. De fait, je suis plus disponible en étant salariée mais cela devient plus compliqué en termes de limites que l’on se met. Et puis, on espère toujours que l’aide aux réfugiés sera prise en charge par l’état pour qu’on puisse retourner vers nos vies. Nous n’étions ni formés ni armés pour faire face à des personnes constamment en danger. Ils sont enfermés, ils se font tabassés, il faut les emmener à l’hôpital, chercher un avocat pro deo, etc. Beaucoup de jeunes dorment dehors, les mains accrochées à leur sac à dos pour fuir rapidement. Il faut de l’humanité dans les lois, écarter l’extrême droite et ne pas accepter que la police rafle et tabasse. C’est une tragédie quotidienne. Psychologiquement, on se découvre des ressources pour encaisser ».
Engagée à 21 ans, au jour le jour, dans cet enjeu-phare du monde, Adriana se souvient de ses premières impressions. « C’est peut-être un cliché mais c’était très choquant de comprendre qu’en fait nous étions tous pareils. Il y avait beaucoup de jeunes de mon âge avec des vies complètement bouleversées pour arriver ici, qui avaient eu plus ou moins les mêmes rêves que moi… La mobilisation citoyenne m’a aussi impressionnée. Les gens étaient capables de se bouger malgré leur emploi du temps, malgré leur vie, pour venir donner un coup de main. ».
Depuis plus de trois ans en Belgique, Adriana Costa Santos a appris le français et vaincu sa timidité par son engagement à rencontrer, aider, raconter, témoigner. Cette cadette d’une famille de quatre enfants, avec une maman psychologue et un papa journaliste, est férue d’études, d’écriture et de lecture. Son avenir ?
« J’aimerais travailler dans l’éducation, faire un doctorat, de la recherche scientifique. J’aimerais aussi, un jour, m’arrêter et écrire sur tout ça. Des récits de violence, des situations humiliantes, des prédateurs sexuels, des arrestations arbitraires, la terreur psychologique… Il y a énormément de choses qui ne sont pas dites, de ce que les gens vivent, parce que c’est trop dur. ».
En février dernier, la jeune activiste a reçu le « Prix Amnesty Jeunes des Droits Humains ». Un prix amplement mérité pour cette jeune citoyenne dont l’engagement impressionne…
Nurten Aka