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Rencontre & Réflexion

Apprendre à vivre et vivre ce qu’on apprend

  29 Sep , 2017   , , ,    COJ

L’idée de l’école déprime, lasse, décourage, ennuie. L’apprentissage scolaire semble être le bagne pour des jeunes ! Je m’appelle Elie, j’ai 15 ans, je vis à Huy, je rentre en cinquième secondaire et pour la troisième année de ma vie je suis content de rentrer à l’école.

Je suis dans une école à pédagogie alternative située dans la province de Liège. C’est ma troisième année dans cette école où je suis venu pour essayer de faire quelque chose de concret de mes secondaires et ne pas faner à petit feu sur les bancs de mon ancienne école (trop fermée au fait que les élèves avaient beaucoup à leur apporter).

Ici, tout est auto-géré. Il n’y a pas de personnel d’entretien, d’administration ou de cuisine. Professeurs et élèves s’occupent de tout ça. L’apprentissage est énorme pour la vie quotidienne. Il m’arrive désormais d’organiser le rangement de la maison après des fêtes chez des amis ou de se répartir les tâches quand on cuisine… comme on le ferait à l’école.

Mon école est basée sur des principes démocratiques, cela ne veut pas dire que tout est décidé de façon démocratique. Il y a quand même certaines choses qui touchent aux apprentissages comme le programme de la Communauté française qui ne peuvent pas être décidés par les élèves, ou encore des lois externes qui sont indiscutables comme réinventer les normes de sécurité. Tout ce qui touche au collectif, au développement d’idées de projet, etc. est décidé/voté lors d’assemblées générales.

Le rapport avec les profs est super agréable. Comme on les tutoie et qu’on les appelle par leur prénom, cela enlève une supériorité imaginaire qui prend énormément de place dans d’autres écoles. Autre particularité : il n’y a pas de première et deuxième secondaire, les cours commencent à partir de la troisième et il y a 15 élèves par classe, donc ça fait un total d’une soixantaine d’élèves, ce qui est très peu.

Cet ensemble de choses donne l’impression de s’engager, de s’investir et de se sentir concerné. Cet enseignement alternatif « extrême » fonctionne avec des valeurs et des façons de faire qui seraient, selon moi, applicables à des écoles de l’enseignement traditionnel. Cela ne pourrait pas être copié-collé dans des grosses écoles qui comptent plusieurs centaines d’élèves. Mais, par exemple, il serait imaginable de faire participer plus les élèves dans les décisions de ces écoles. Vous allez me dire qu’il existe des conseils de classe. D’après mon expérience, je trouve que ces moments sont trop supervisés par les profs qui nous poussent à soulever seulement des thématiques du style « on veut un nouveau panier de basket », « ce serait cool d’avoir des pâtes jambon-fromage le mardi », etc. Alors que ça pourrait être la porte ouverte à de supers débats qui auraient un réel impact sur ces écoles : travailler sur des idées de sanctions constructives, sur l’enrichissement culturel des élèves, débattre des phénomènes de groupe qui poussent à la classification des jeunes (forts-faibles, victimiseurs-victimisés, cools-bizarres, beaux gosses-intellos, etc.) ou alors laisser plus de place aux envies des élèves dans les cours. C’est tout à fait imaginable que les profs se plient en partie aux idées des jeunes tout en respectant leur programme : dans mon ancienne école j’avais l’impression que les profs devaient respecter un programme hyper strict avec des exercices déjà réfléchis au mot près, alors que maintenant mes profs tiennent compte de nos envies pour leurs cours. Et il pourrait y avoir encore plein de petits détails comme ça qui ne demandent pas de soulever des montagnes et qui rendraient tellement différente la vie des élèves à l’école.

Elie Scorier, chronique d’une ado ordinaire