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Rencontre & Réflexion

Con-promis (à la belge)

  10 Oct , 2015       COJ

Le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a tranché la question des cours de philosophie et de citoyenneté pour l’enseignement obligatoire. Dans l’officiel, ce sera une heure pour tous, voire deux si les parents sollicitent la dispense de fréquentation des cours de religionS1 (toutes celles reconnues) ou de morale non confessionnelle.  Dans l’enseignement libre confessionnel, les cours de philosophie et de citoyenneté seront intégrés par dissémination puisque l’enseignement libre confessionnel ne proposera pas de cours dédié mais devra inclure les contenus définis par la Fédération Wallonie-Bruxelles au travers de différentes matières : français, histoire et religion (sans S) catholique.

Cette décision fait suite à l’arrêt n° 34/2015 de la Cour Constitutionnelle du 12/03/2015 qui établit que contraindre un élève à assister à un cours de religion ou de morale est contraire aux droits fondamentaux. Les convictions relèvent de la sphère privée et leur déclaration obligatoire ne peut être exigée. Par ailleurs, cette pratique entraine une ségrégation au sein des établissements scolaires de l’enseignement officiel en fonction des convictions déclarées des enfants.

Cet arrêt ouvrait un boulevard pour revoir, à tout le moins dans l’officiel, la place des cours dits « philosophiques » : proposer une alternative consistante de philosophie et de citoyenneté (incluant l’histoire des religions), voire sortir carrément l’instruction religieuse de l’école. Outre que ces cours séparent les élèves, ils constituent un casse-tête organisationnel dans la confection des horaires. Mais tout cela était sans compter la capacité de compromis(sion) de nos politiques qui ont préféré rendre l’organisation de l’enseignement officiel encore plus compliquée en imposant une heure et en en laissant une autre facultative.

Cette conclusion politicienne a négligé sa portée symbolique.

Parce que c’est le soutien des particularismes qui a gagné au détriment de l’universalisme au sein de l’institution scolaire qui a pour mission d’instruire et d’éduquer, notamment à la citoyenneté. Le réseau libre s’en trouve conforté dans son autonomie, ce qui tend à le rendre de plus en plus privé puisque de moins en moins contraint à se conformer, tant sur la forme que sur le fond, aux préoccupations politiques pourtant pointées comme essentielles dans l’éducation des enfants.

Il faut souligner aussi la force du discours des opposants à la citoyenneté pour tous par les bombardements médiatiques de l’appellation fallacieuse « cours de rien ». Ce n’est pas parce que les autorités publiques ont été pris de court pour proposer quelque-chose d’intéressant dès la rentrée 2015 que les ambitions citoyennes envisagées devaient pour autant se réduire comme une peau de chagrin. Pour ternir les ambitions d’un cours de philo et de citoyenneté, cette logique de com’ destructrice a été plus que payante : les médias se sont régalés et l’opinion publique en a ri (à terme, probablement à ses dépens).

Les conflits de clans qui avaient fondé le pacte scolaire de 19592 ont probablement encore de beaux jours devant eux. La décision du Gouvernement plaide pour la protection des institutions établies – ici avec le SEGEC3 en tête de pont – pour que « son » enseignement ne soit quasi pas affecté par l’arrêt de la cour constitutionnelle. C’est par contre l’officiel qui devra se contorsionner avec ses nouvelles obligations mi-figue, mi-raisin, puisqu’il est plus aisé de faire peser les choix politiques sur le public que sur le privé.

Au sein du Gouvernement francophone, le PS a baissé son pantalon. Probablement courra-t-il encore moins vite dans la direction d’un projet progressiste dans cette posture peu fière.

Père Missif

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1. Les religions catholiques, , islamiques, israélites, protestantes et orthodoxes

2. Et oui, plus d’un demi-siècle…

3. Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique