Logo COJ

Rencontre & Réflexion

Gang Bang !

  8 Avr , 2016       Père Cuteur

Mi-février, le Service Public Francophone Bruxellois (lisez « la COCOF ») lançait un appel à projets extraordinaire1 visant « le renforcement des reliances »2 . L’ambition affichée est claire : « lutter contre toute forme de repli identitaire, de radicalisation, de désocialisation et contre toute forme d’incompréhensions et d’amalgames favorisant les discours haineux ». Et les moyens proposés par l’administration bruxello-francophone à la pointe de l’innovation : « retisser du lien social et favoriser le dialogue interculturel ainsi que le vivre ensemble ».

Badaboum, on va encore faire du socio-interculturel pour plus de cohésion sociale et contrer la misère des quartiers… Sauf que le vivre-ensemble ne peut être que le résultat d’une multitude de processus sociaux, économiques, culturels… et certainement pas un objectif en soi qui appellerait certaines formes d’action typiques.

Là où il y a désocialisation, le vivre-ensemble3  n’est probablement pas terrible. Mais ce n’est pas parce qu’il y aura plus de socialisation qu’il y aura un meilleur vivre-ensemble. Comme souvent, les politiques publiques (qu’il faut justifier) confondent lien de cause à effet et corrélation4.

Les appels incessants à la mixité, à l’inter-multi-pluri-culturalité n’auraient-ils pas plutôt tendance à exacerber les singularités plutôt que de permettre de faire des choses ensemble ? Et derrière le culturel affiché, ne serait-ce pas en filigrane le cultuel qui est visé sans être nommé ? Méfiance donc face à ces appels vibrants qui, à force d’interroger les différences, de tenter de les comprendre et de les combiner, laisse peu de place à créer ensemble, justement au-delà des appartenances et des habitudes. C’est le cas typique des marchés interculturels qui cantonnent chacune des populations dans ses cahutes en bois, à proposer ses plats traditionnels. Bref, ils ne cuisinent jamais ensemble et revendiquent leurs particularités.

Dans un autre registre, on peut situer les combats LGBT5 dans la même mouvance : revendiquer des droits spécifiques pour des populations spécifiques. « LGBT » est parfois complété par la lettre « I » pour inclure les personnes intersexuées ou « Q » pour « queer » (en questionnement). On en arrive donc à LGBTIQ. Il nous reste encore 20 lettres dans l’alphabet, de quoi être créatif dans le futur… Et comment nommer et défendre la cause des bisexuels végétaliens ou des transgenres amateurs-amatrices de musique classique ?

Au moment où l’exacerbation des identités individuelles est la norme, soutenue par notre société capitaliste néolibérale, ne serait-il pas temps de plutôt penser à faire ensemble ? Agir ensemble, c’est nécessairement dépasser les appartenances individuelles, construire autre chose que ce qui existait. En termes de transformations sociales, cela va bien plus loin que d’accommoder sans cesse les spécificités.

Imaginez un instant… Une grande partouze avec plein de gens de partout, une orgie pluri/multi/inter dont on ne sait pas bien à l’avance ce que cela va donner : des IST6, des enfants, des envies de se revoir ou pas…

à quand un vrai combat de masse, préféré aux disputes et aux divisions des minorités ?


1. Notez qu’il s’agit bien de l’appel qui est qualifié d’extraordinaire, pas les projets
2.  http://www.cocof.be/index.php/appel-a-projets-extraordinaire-visant-le-renforcement-des-reliances
3.  Qu’il s’agirait par ailleurs de définir, mais ce n’est pas le propos de ce texte
4.  En zététique, ce phénomène est appelé « effet cigogne »
5.  Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres
6. Infections Sexuellement Transmissibles, terme privilégié aujourd’hui aux MST, Maladies Sexuellement Transmissibles, ôtant par cette voie l’existence nécessaire de symptômes