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Rencontre & Réflexion

J’ai travaillé trois jours à Bruxelles avec un patron raciste

  7 Oct , 2020   ,    COJ

G. a 22 ans et enchaîne les intérims. Dernièrement, il s’est retrouvé avec un patron "raciste et grossier".  Il a tenu trois jours et s'en souviendra. Il nous raconte…  

J’ai travaillé en intérim dans le secteur horticole à Bruxelles. Le boulot consistait à élaguer, débroussailler, tailler des haies. Mon patron est un « jeune » de 40-45 ans environ. Nous étions à deux, lui et moi, pour un chantier. Je le rejoignais chaque matin chez lui et on partait sur chantier à 7h avec son véhicule.

1er jour

Je suis content, j’ai du boulot. La journée s’annonce bien. Lors de la première rencontre, mon patron a cru que j’étais d’origine arabe parce que je porte la barbe. (« T’es djihadiste ? Ben non, pourquoi ? Avec la barbe que t’as, on dirait. »). Je ne sais pas pourquoi mais pour le rassurer, je lui ai expliqué que j’étais belge d’origine italienne. Ça n’a rien changé. Il était raciste mais aussi grossier ! Car – véridique – il pétait et rotait dans la voiture et mangeait aussi ses crottes de nez. Il se fichait pas mal que ça me dérange. C’était hallucinant ! Quand il était au téléphone avec sa femme et qu’il parlait de moi il m’appelait « Moustapha » ou « Mohamed » et parlait de ma barbe de « djihadiste ». J’avais une de ces envies de le baffer ! Je me disais que ça allait être dur de tenir avec un type pareil. Je ne savais pas quoi faire.  Le soir quand j’ai raconté ma journée à ma maman, elle en riait tant c’était énorme mais cela me mettait mal à l’aise tant c’était lourd.

 

2e jour

Un peu stressé, j’entame mon 2ème jour. Et c’est reparti. Comme je suis d’origine italienne, il disait que j’étais un profiteur. Et que les émeutes à la côte belge n’arrangeraient pas ma réputation. (« Franchement, c’est dommage pour toi tout ce qui se passe avec les étrangers à la côte, ça va pas arranger ta situation »). Ce jour-là, on a croisé un combi de police. Il se tourne alors vers moi et me dit : « Toi, t’es un habitué des flics hein… ». Un peu plus tard, il me raconte qu’il avait viré son ouvrier précédent, Black, parce qu’il sentait mauvais. Ses mots exacts étaient « Putain, qu’est-ce qu’il puait. Je l’ai dégagé après un jour. ». Je me suis dit : « Mais quelle grosse merde ce type ».
En rentrant ce soir-là, je ne savais pas si j’allais tenir le coup. J’en ai parlé avec le bureau d’intérim qui n’en revenait pas. Ils sont dégoûtés de la situation mais on décide de quand même honorer le contrat (sinon j’aurai bossé pour rien car le gars ne paierait pas pour les jours prestés si je me cassais avant terme). Me voyant super énervé, ma maman est obligée de me calmer car je veux lui exploser la tête à ce gars. Petite précision : je ne suis pas quelqu’un de violent ni de colérique. Ma dernière bagarre remonte à ma période « bac à sable » et encore…

3e jour

Ça devenait délirant ! Le troisième jour, il a voulu savoir « comment c’était la vie dans les cités ? ». Pour le charrier, je lui ai dit qu’on sortait souvent les lames et que les problèmes se réglaient dans le sang. Il était à fond dans le cliché ! Il voulait connaitre les drogues que je prenais, comme si ça coulait de source que je me droguais. Petite précision : je ne me drogue pas, je ne fume pas, je joue au foot et j’habite dans une cité pluriculturelle, tranquille de maisons « ouvrières ».
Ce jour-là, on a croisé une femme blanche main dans la main avec une personne de couleur. Dans la voiture, mon patron a pété un câble, insultant la fille de se faire « sauter comme une salope par un noir ». Là je me suis dit que le type était vraiment dérangé, j’avais la haine de me trouver à côté d’un « bon belge » raciste à ce point-là. Je n’en revenais pas !
Le soir, en rentrant, j’ai décidé de ne pas prolonger, malgré qu’il m’ait proposé de revenir la semaine suivante. J’en pouvais plus, j’étais à bout. En plus, il se planquait des heures dans sa camionnette pendant qu’il me laissait faire le boulot seul.

Je prends tous les boulots qu’on me propose, je ne fais pas la fine bouche. Je fais des frites, j’ai nettoyé des machines industrielles mais jamais je n’avais rencontré un mec aussi répugnant de racisme. Ça m’a choqué qu’il ne s’en cache pas. Souvent, les gens essaient de ne pas le montrer. On a parfois des piques, les Italiens ou mes potes arabes se font taquiner mais là, c’est méchant, gratuitement. En plus d’être couvert de haine. Je me suis dit qu’on est vraiment mal barrés niveau intégration et acceptation dans notre pays…