Pourquoi encore s’encombrer de nuances dans les débats publics ou s’inscrire d’une quelconque manière dans l’histoire des conquêtes sociales ?
Le bon sens et la saine gestion devraient suffire sachant que, naturellement, les êtres humains sont portés à poursuivre l’intérêt collectif… Surtout s’ils sont au pouvoir à l’issue du suffrage universel, ce qui confère un jugement approprié et légitime pour toute chose.
C’est en substance ce que l’on pourrait retenir de l’affrontement MR/FGTB lors de la grève du 10 octobre dernier à l’occasion des 3 ans du Gouvernement fédéral belge aux couleurs suédoises. En effet, le syndicat socialiste entendait dénoncer les atteintes aux services publics, le démantèlement des pensions…
Le Mouvement Réformateur, par la voix de son chef de groupe à la Chambre qualifiait cette grève de « politique », voire « politicienne » :
« Quelle raison concrète justifie cette grève, sinon un motif d’ordre général qui est l’opposition à la politique menée par le gouvernement fédéral ? On a l’impression que les vacances sont terminées et qu’il faut donc programmer une grève : c’est inadmissible », a déclaré David Clarinval.1
Dans la foulée, notre 1er Ministre Michel, face à Robert Verteneuil – Secrétaire Général de la FGTB – dans l’émission « Jeudi en Prime2 », affirmait que pour avoir la légitimité de défendre des convictions, il fallait passer par la case du suffrage au sein de circonscriptions et être élu au Parlement… Voilà une grave disqualification démocratique qui affirme qu’un scrutin tous les 4 ou 5 ans se suffit pour faire société et donner les pleins pouvoirs aux élus, niant par voie de conséquence toutes les expressions légitimes de points de vue qui dépassent le cénacle parlementaire. Sachant que le Secrétaire Général de la FGTB n’est pas porte-parole que de lui-même, mais d’environ 1,5 million d’affiliés…
Grave usurpation démocratique, puisque la démocratie – justement – reconnait que la société est traversée par des intérêts divergents et se donne comme modalité de résolution une issue pacifique à ces conflits. Et au plus l’ensemble du peuple sera associé aux solutions, au plus l’intérêt général (et pas celui d’une majorité dominante) sera rencontré…
Dans ce rapport de force, la toute récente « loi Bellot3 » (qui impose à la SNCB un délai de préavis de 8 jours avant la grève et le fait que les agents dont la fonction est essentielle au service doivent faire savoir 72 heures avant l’action s’ils y participent ou non pour organiser le le service ferroviaire le jour de la grève) constitue un nouveau recul des acquis sociaux.
Sous l’angle de la « bonne » gestion et de l’opérationnalisation du service, on touche en réalité au rapport de force entre les travailleurs et le patronat (en l’occurrence ici, l’état lui-même). C’est le droit de grève qui est attaqué directement et, ipso facto, la possibilité pour les travailleurs de jouer le rapport de force en le compliquant inexorablement par le truchement de nouvelles procédures.
Heureusement que Jean-Jacques Jespers4 nous fait rire en esquissant le rapport de force sous l’angle de la productivité en Belgique… « Chaque travailleur belge produit pour 296.000 € de chiffre d’affaires. […] Ce travailleur belge ne garde pas ce pactole pour lui. En moyenne, il se contente de 28.400 € de revenus nets par an. C’est-à-dire que le travailleur belge fait généreusement cadeau à d’autres, de 91% de la richesse qu’il produit. »
Tout est dit (#OnNousPrendPourDesEnclumes).
Père Iclite
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1 Le Soir en ligne, « Grève sur le rail du 10 octobre : le MR dénonce une grève politique », mis en ligne le 30/08/2017 à 17h09.
2 RTBF, la 1, Jeudi en Prime, 12/10/2017 (à partir de 26min21’’)
3 Projet de loi voté à la Chambre dans le nuit du 16 au 17/11/2017
4 RTBF, la Première, C’est Presque Sérieux, 13/11/2017