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« L’animation, c’est aussi politique »

  23 Oct , 2015   , ,    COJ

« Animateur, un métier ? ». Le CFA - Centre de Formation d’Animateurs - a fêté ses 50 ans avec cette question « provoc’ » (?). C’est que « Pour être animateur de groupes, la bonne volonté ne suffit pas » a évoqué Francine Steenacker, co-fondatrice du CFA qui en 1973 a lancé sa première formation professionnelle d’animateur. En 2015, Lamia Kebboul, directrice du CFA, a rappelé le « rôle politique de l’animateur », un rôle souvent laissé de côté. Explications par l’intéressée…

Il n’était pas question d’être provocateur en posant la question du métier d’animateur, ou alors uniquement provocateur de réflexions échangées sur les réalités quotidiennes de professionnels qui ont choisi de faire de l’animation leur métier… mais de quel métier parle-t-on ?

Je constate quotidiennement la domination d’un discours valorisant la partie la plus visible, la plus quantifiable du métier : les actions, les démarches de mise en place des projets (partenariat, budgétisation, recherches des fonds…). Il est certes nécessaire de décrire avec précision l’ossature du travail de l’animateur, mais cette domination du visible nous éloigne du cœur de la fonction. Le sens du métier se voile parfois dans des couches de discours et de regards de rationalisation. Ainsi, à force de savoirs, de savoirs faire, de savoirs faire comportementaux, il serait tentant de remiser le rôle politique des animateurs dans un passé révolu…

Fille de l’éducation Populaire, l’animation socioculturelle ne peut pas se laisser enfermer dans une définition institutionnelle qui dévierait le sens politique et humain du métier d’animateur. Celui-ci, rappelons-le, inscrit ses actions dans des démarches d’apprentissages et de réflexion critique  les personnes composant les publics, sont d’abord les acteurs, initiateurs, décideurs d’actions qui visent une transformation sociale, économique, culturelle et politique de leur environnement. Remplaçons « personnes » par « citoyens » et nous aurons la portée politique du métier de l’animateur.

être animateur c’est aussi être un spécialiste des relations humaines. Les témoignages des trois animateurs présents dans le débat des 50 ans du CFA se croisent pour faire sens commun : le métier d’animateur, c’est d’abord être en relation et mettre en relation des individus. « L’outil artistique, disait Delphine Wancket, jeune animatrice, est un prétexte à l’animation, celle de mobiliser des gens autour d’un projet. De mettre en mouvement, ensuite en projet ».

On le sait, ce sont les relations humaines qui génèrent les groupes, les communautés, les sociétés. Le cœur du métier de l’animateur repose sur la relation qu’il créé, entretient, approfondit, fait évoluer, transforme avec des personnes et des groupes de personnes. Il fait jaillir la relation à travers le contact et la rencontre. Plus les publics sont jeunes, plus la dimension individuelle et sociale dans la relation est importante. Les rapports qui se tissent avec l’animateur, autour de l’animateur contribuent à créer des moments d’expérimentation collective où les individus se construisent tout en construisant des dynamiques de groupes.

L’animateur est ainsi en prise directe avec les réalités sociales et culturelles et les enjeux d’un quartier, d’une commune, d’une société. Il est aux avant-postes pour constater les conséquences humaines, sociales, culturelles et économiques des politiques à l’œuvre. L’animation socioculturelle est donc un levier d’actions locales en faveur du développement de la puissance d’agir et de la transformation sociale.

En tant que travailleurs sociaux, les animateurs sont des éducateurs populaires : ils permettent de créer des espaces qui libèrent la parole, ils impulsent des actions élaborées et décidées collectivement. L’animateur accompagne les premières étapes de la démocratie directe, celle qui se définit d’abord par une certaine relation à l’autre, celle qui fonde la conscience citoyenne et permet de vivre ensemble.

Au risque de l’oublier,  l’éducation permanente n’est pas qu’une méthode, c’est aussi un engagement citoyen… Alors oui, l’animation est aussi politique.

Lamia Kebboul, directrice du CFA, Centre de Formation d’Animateurs

A noter, le N°117 L’Antre’Toise, trimestriel de la FMJ, consacré à L’animateur socioculturel |  www.fmjbf.org