Après l’Eurovision et avant la finale de Koh-Lanta, on a eu droit aux élections du 26 mai. Il était temps qu’elles arrivent parce que la campagne devenait longue, que plein de « spoils » circulaient et qu’on n’en pouvait plus des artifices de com’ déployés comme le cube de verre de la RTB, les politiques transformés en personnages pixellisés à l’allure de Mario Bros ou encore ceux qui « passent à la maison » pour découvrir le quotidien d’une famille…
Côté flamand, c’est net et sans fioritures : le nationalisme droitier – qui vire à l’extrême sans plus aucune retenue – triomphe. Côté francophone, on attend les résultats… C’est plus long que l’Eurovision qui, dans son genre, se défend pourtant déjà pas mal. Ils ne tombent que tard dans la soirée, alors que j’en suis déjà à mon 5ème Hasseltse Koffie pour tenter d’oublier… Et badaboum, à la présentation des résultats francophones, je tombe de mon hamac. Ce ne sont pas des résultats mais le drapeau de la Gay Pride du 18 mai ! De toutes les couleurs ou presque (sans brun ni noir, je vous l’accorde).
Le contraste est saisissant et interroge sur la possible compatibilité des résultats des urnes entre le nord et le sud du pays pour composer un gouvernement fédéral. 541 jours avaient été nécessaires après les élections de 2010 dans un contexte bien moins tendu. Et De Wever d’entonner immédiatement l’appel au confédéralisme dans un pays qualifié d’ingouvernable (ce à quoi il a largement contribué, soutenant cette prophétie auto-réalisatrice).
Beaucoup parlent alors de 2 démocraties différentes entre le nord et le sud du pays, comme une forme d’évidence sociologique. Mais le phénomène a en réalité été patiemment construit, à coups de réformes institutionnelles, de clivages culturels et linguistiques, d’individualisme exacerbé et de craintes sur l’avenir. Et comme si la démocratie pouvait se résumer à l’expression de votes à intervalles réguliers… Une myopie coupable pour le coup !
Beaucoup parlent aussi de l’émergence de 2 extrêmes, au nord et au sud. Avec une dose de mauvaise foi qui passe souvent sous silence l’ambition progressiste et égalitaire de la gauche radicale incarnée par le PTB face à une extrême droite Vlaams Belang raciste et destructrice. Odieux amalgame entretenu, particulièrement par les partis de droite que l’égalité rebute dans une société méritocratique qui entretient les privilèges de certains face aux désarrois du peuple.
Cette configuration nauséabonde est le fruit d’un défaut de vigilance dont nous devons assumer la responsabilité. Les coupables ne sont pas seulement ailleurs. La démocratie, les droits humains, le progrès social… ce sont des acquis qui s’entretiennent, des valeurs qui doivent être cultivées. On ne peut se contenter de les invoquer, la voix tremblante, à certains moments pour s’en contrebalancer au moment de l’effectivité de la décision politique, en n’étant plus que sur son petit pouvoir personnel, le rapport de force, les intérêts immédiats. Et à ce petit jeu, quasi toute la classe politique est coupable.
En laissant s’estomper la différence entre compromis et compromission, en mettant de côté certaines balises humanistes inaliénables, en teintant les décisions caduques de l’appellation folklorique de « surréalisme belge », les électeurs que nous sommes avons suivi la voie tracée. Ceci n’est pas une pipe, c’est bien pire !
Avec Orban et Le Pen, Tom Van Grieken et Salvini… Le peuple a parlé. Mais est-on certain d’avoir bien entendu ? Et est-on capable, collectivement, d’agir face à cette déferlante de la droite extrême et décomplexée ? Le Suisse (cela ne s’invente pas) Max Frisch nous avait déjà mis en garde en précisant qu’il y avait pire que le bruit des bottes : le silence –assourdissant- des pantoufles.
Père Icliter