Sur la toile, il a dénoncé la couverture médiatique des attentats de Bruxelles. Journaliste de renom, ancien présentateur du JT de la RTBF, professeur de déontologie à l'ULB , Jean-Jacques Jespers a eu une carrière exceptionnelle. Rencontre "face à l'info"…
Si aujourd’hui, il s’exprime sur Facebook, Jean-Jacques Jespers a, en fait, démarré le journalisme dans des journaux d’écoliers. Pourtant, à l’université, il étudie… le droit ! « Mon papa m’avait dit ‘tu dois faire des études sérieuses’. J’ai fait le droit mais je ne regrette pas car on y apprend à revenir au texte, à la source. En journalisme, c’est fondamental ».
Pour J.J. Jespers, « le journaliste idéal, c’est comme l’homme idéal : ça n’existe pas. 99% des journalistes ont cette idée d’être au service du public. Malheureusement, leurs médias doivent aussi exister sur le marché, terriblement compétitif. Et ce qui se vend, c’est l’info divertissante, superficielle ». Une contradiction qui pousse nombre de journalistes au burnhout.
L’œil sur l’époque, l’homme de médias poursuit, fort intéressant, l’analyse : « Le danger, dit-il, augmente avec la numérisation croissante des contenus. Sur internet, chaque clic est enregistré et le succès d’un article est immédiatement visible. On donne priorité à ce qui est le plus consulté, donc plutôt une vidéo de chat qu’une chronique économique ». Le risque ? « Aller vers une dualisation de la société face à l’information : une minorité qui a les moyens de se payer des médias qui offrent de la qualité et à côté, en accès libre, le people, des infos très brèves,… ».
Lui, c’est plutôt le journaliste d’investigation avec Jours de guerre, émission des années 90’ qui retraçait chaque mois les évènements survenus 50 ans plus tôt. « C’est une chose à laquelle on rêve quand on est journaliste : recueillir des témoignages, faire des révélations, de la recherche historique ». Il a ensuite travaillé cinq ans pour l’émission Autant savoir, prédécesseur de Questions à la une. « Des problématiques comme la maladie de la vache folle, les ravages de l’amiante, etc. On mettait sur la table de vrais sujets de société ».
Récemment, on l’a entendu critiquer la dérive émotionnelle des médias. « L’émotion, c’est facile à consommer, ça permet d’accéder au public et de le fidéliser. Mais à terme, exploiter et alimenter sans cesse les émotions affecte le regard des gens sur la société. Il y a des impacts politiques comme la montée en force des partis populistes. Idem, les images « choc » prises avec son téléphone ne montrent bien souvent pas le fait mais ses conséquences immédiates et prévisibles. Je ne suis pas contre l’idée de rendre compte de l’émotion. Il faut le faire mais pour attirer l’attention du public vers l’information réelle ».
Des informations, Jean-Jacques Jespers en a donné à la pelle pendant ses dix années comme présentateur du JT. Le direct pendant des heures, comme lors des attentats de mars, il a connu. « Ça peut paraitre ridicule de rester tout le temps à l’antenne mais que pourrait-on mettre à la place sans choquer les gens ? ». Du direct, il y en a d’ailleurs dans tous les JT désormais. « Pour mieux informer ? Non, pour montrer les capacités de mobilisation de la chaîne et faire en sorte que le téléspectateur reste branché sur l’évènement. La plupart du temps, on envoie les infos de la rédaction et l’envoyé spécial les dit là-bas ».
Le journalisme, cela fait plus de trente ans qu’il l’enseigne à l’ULB. Des jeunes, il en a côtoyé beaucoup. « La grande caractéristique de cette génération, c’est l’information horizontale, via leurs pairs (amis facebook, …). Ils leur font davantage confiance qu’à ce qui vient d’en haut (partis, grands médias, etc.). Internet c’est un outil formidable mais il faut les clés d’interprétation ».
Sous le sérieux de l’info, Jean-Jacques Jespers a un côté plus « light », avec la participation à des émissions humoristiques : La semaine infernale ou encore Le jeu des dictionnaires. Aujourd’hui, on peut l’entendre dans l’émission C’est presque sérieux, avec son journal des bonnes nouvelles.
Nous le quitterons sur cette curiosité : cet homme de télé est un passionné d’écriture. Un roman en vue ? « J’ai commencé mais je suis tellement fasciné par la complexité de la réalité que je ne parviens pas à imaginer une fiction. »… J.J. Jespers, un métier, une passion.