Les premiers jours du mois de juin ont vu fleurir, outre les premières roses pré-estivales, moult propositions pour soutenir les enfants de 6ème primaire à se préparer à l’épreuve qui permet de décrocher une place en 1ère secondaire.
Particulièrement la presse « écrite » (la DH, la Libre, le Soir, Vers l’Avenir…) qui propose des suppléments ou des possibilités via leur site Internet de se tester et d’évaluer son niveau en français, math et en éveil.
Petit conseil complémentaire du Soir, si vous n’aviez pas compris que les évaluations servent non pas à soutenir les élèves, mais bien à les classer : « Mieux vaut avoir obtenu dans les 80 à 90 % pour bien débuter les secondaires »… Et, comme chacun sait, après les secondaires, l’université, et
après l’université… le marché du travail. Enfin, pour peu qu’il y ait encore un peu de travail à ce moment-là…
Jouant sur l’inquiétude des parents quant au devenir de leurs petites têtes blondes (brunes, rousses, châtaines, noires…) au moment où des prémisses d’acné apparaissent, la presse tient là un joli filon pour vendre du papier et des encarts publicitaires sur leur site Internet. Même les maisons d’éditions des manuels scolaires se sont lancées sur ce marché florissant en vendant des cahiers de révision ou en proposant des services payants en ligne1. À croire que les manuels utilisés durant l’année ne suffiraient pas à l’acquisition de la matière…
Nous devrions nous réjouir que la réussite des enfants mobilise la société tout entière, en ce compris La Presse, notre garante de la démocratie, comme nous l’ont brutalement rappelé les attentats de Charlie Hebdo2…
Et au-delà, puisque nombre de marchands de réussite, comme la Société Anonyme Cogito, vivent déjà largement sur l’échec scolaire.
COGITO S.A. – se distingue d’emblée de ses concurrents en proposant
un nouveau modèle de soutien scolaire et universitaire, qui mobilise des
formateurs universitaires diplômés (BAC+5) rémunérés de façon stimulante.
Dans ce contexte de marchandisation exacerbée de la réussite scolaire, comment ne pas interpeller l’école qui doit se revendiquer « de la réussite pour tous » ?
L’école se dégagerait-elle à ce point de sa responsabilité que l’externalisation tarifée du soutien et de la réussite scolaires ne l’indigne pas ? Ou alors serait-ce la perte de confiance en la capacité de l’institution à faire réussir dans notre société contemporaine qui pousserait les parents à recourir à d’autres solutions ?
Probablement que les deux dimensions sont à prendre en considération dans ce phénomène.
Quand on sait que les épreuves externes ont tendance à se généraliser (après le CEB, il y a le CE1D pour les 2èmes secondaires et le CESS en Rhéto), le marché peut se frotter les mains en espérant un taux de croissance à deux chiffres dans un contexte de morosité économique généralisé… Comme quoi la crise n’est pas mauvaise pour tout le monde.
Pour préparer l’avenir de nos enfants, il y a probablement lieu de s’inquiéter de savoir comment les consultations prénatales de l’ONE3 préparent à la réussite universitaire et au travail, au risque de sacrifier toute une génération.
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1. De Boeck, Le Certificat d’Études de Base en poche – Exercices en ligne, http://fondamental.deboeck.com/ (6,30 €)
2. Qu’est-ce qu’ils auraient dessiné sur cette question chez Charlie-Hebdo ?
3. Office de la Naissance et de l’Enfance