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Rencontre & Réflexion

Les jeunes ont changé…?

  25 Jan , 2016       COJ

Les jeunes d’aujourd’hui… ? Individualistes ? Accros à leur smartphone ? Irrespectueux ? Inactifs ? … Ou simplement mutants ?

De plus en plus d’études nous parlent d’une mutation de la jeunesse. Sur le terrain, nous ressentons une évolution du public adolescent. Est-il encore possible de mobiliser des « jeunes d’aujourd’hui » sur des projets participatifs ? Dans le cadre d’un séminaire ouvert organisé par l’Interfédérale des Centres de Jeunes1, nous avons rencontré Jean-Paul Gaillard, auteur de la recherche Enfants et Adolescents en mutation2. Selon lui, nous sommes en train de vivre une grande mutation sociétale. Depuis le 18ème siècle, nous vivions à l’ère de « l’honnête homme », des « sciences modernes » dans une société organisée autour d’un modèle qui associe démocratie et libéralisme. Dans les états-nations occidentaux, la vie se structurait autour de grandes institutions telles que l’école, la famille, l’état. Dans ce monde, c’est le collectif qui détermine l’individu. Celui-ci apprend rapidement à se débrouiller dans des relations de pouvoir très hiérarchisées : soit il domine, soit il se soumet, soit il est à égalité. Parallèlement, la morale indique à chacun ce qui est bien et ce qui est mal.

Aujourd’hui, nous sommes à un moment charnière. Révolution numérique, affaiblissement des institutions, mondialisation,… Une période se termine, une autre commence. Deux types d’individus cohabitent : ceux qui ont plus de 40 ans font certainement encore partie de l’ancien monde, ceux qui ont moins de 25 ans sont à coup sûr des « mutants ». Dans ce nouveau monde, c’est l’individu qui détermine le collectif. Cela ne veut pas forcément dire que le mutant est plus individualiste, la coopération est d’ailleurs une de ses valeurs phares. L’autorité n’est plus verticale mais horizontale : chacun a autorité sur lui-même et est dans un rapport d’égal à égal avec les autres. Désormais, pour faire des choix, le mutant s’appuie sur son éthique personnelle. C’est en fonction de ses propres critères qu’il décidera d’agir ou pas, comme ceci ou plutôt comme cela.

Dans le secteur socioculturel, comment ces décalages peuvent-ils se ressentir ? On évoque souvent les difficultés à aborder les questions plus politiques par exemple. Comment développer la citoyenneté de jeunes qui expriment une désaffection totale pour la politique ? Pour Jean-Paul Gaillard, les jeunes ne sont pas désintéressés par la politique mais l’envisagent d’une façon différente. Ne leur parlez plus de s’engager dans un parti ou de prendre en considération un gouvernement qui n’est plus, à leurs yeux, que le pantin de lobbies économiques ! Les formes de citoyenneté se jouent désormais sous d’autres modalités, moins institutionnalisées mais tout aussi politiques. On se mobilise sur une action qui nous concerne, on se connecte à un collectif qui se crée à l’occasion et qui disparaitra dès que l’enjeu ne sera plus mobilisateur. La mobilisation ne viendra plus d’un syndicat, d’un mouvement auquel on est affilié. Elle ne s’institutionnalisera plus forcément en ASBL pour s’inscrire dans une durée. À nous, professionnels des mouvements sociaux, de proposer aux jeunes des occasions de se connecter pour agir, de façon courte et éphémère. Si elles ont du sens, si elles permettent de construire le monde de demain, les mutants seront au rendez-vous !

Car il est là, l’enjeu de notre métier d’animateur aujourd’hui : accompagner les jeunes dans la reconfiguration de la société. L’ancien modèle est en déclin, de nouvelles façons de « faire société » émergent. Google, Mac Donald, Samsung et les autres l’ont déjà compris ! Ils ciblent les jeunes pour les faire consommer, les empêcher de penser3 et ainsi asseoir de plus en plus les logiques marchandes. Le défi est pourtant d’arriver à construire le monde de demain à partir des valeurs portées par cette nouvelle génération : autonomie, égalité, coopération, connectivité,… ! Pour cela, Jean-Paul Gaillard nous conseille de rentrer dans leur univers et d’en comprendre les nouveaux codes. Il nous donne quelques clés pour que, dans le cadre d’une relation respectueuse et responsabilisante, nous permettions aux jeunes de s’entrainer à penser et à agir de façon autonome. Ces balises résonnent de façon très cohérente avec les méthodes de l’éducation populaire dont notre secteur est l’héritier. Et sur le terrain ? La réalité est sans doute plus contrastée ! Pourquoi ne pas tenter chacun d’évaluer comment, dans nos projets, nos animations,… nous pourrions être un peu plus « mutant friendly » !

Julie Reynaert

Article (extrait) publié par L’Antre’Toise N°117, trimestriel de la FMJ,
consacré à L’animateur socioculturel | www.fmjbf.org

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1. Ce séminaire s’est tenu à Champion le 21 mai 2015. Plus d’infos sur le site www.icj-bagic.be
2. Gaillard JP, Enfants et adolescents en mutation, mode d’emploi pour parents, éducateurs, enseignants et thérapeutes, 5ème édition revue et augmentée, ESF éditeur, 2014.
3. Jean-Paul Gaillard évoquait les « capteurs d’attention », toutes ces stratégies via le net, la communication, les visuels, auxquelles les mutants sont particulièrement sensibles car elles sont formatées pour eux.