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Une jeunesse des crises, habitée d'un sentiment de "déclin générationnel"... voici quelques conclusions de cette enquête-autoportrait de la générations des 18-34 ans, tirées par Johan Tirtiaux, sociologue à l'Université de Namur.
Une jeunesse frappée par la crise ? Johan Tirtiaux décrypte : « Un jeune sur deux estime que sa vie sera pire que celle de ses parents et ils sont encore plus pessimistes pour la génération de leurs enfants. On pourrait parler de « déclinisme intergénérationnel « Pourtant, alors que la crise de 2008 n’est pas loin et que les jeunes sont les plus touchés par le chômage, la première préoccupation de cette génération est… l’environnement, devant l’accès à l’emploi et le système éducatif. On devrait donc parler d’une jeunesse des crises : économique mais aussi écologique ».
Selon l’enquête, cette génération vit principalement ces crises de deux manières, en se qualifiant soit de génération « du changement et de la transition », une envie d’autre chose, soit en génération « perdue, sacrifiée ». Bien loin derrière, on retrouve la génération « connectée » (Facebook, 2.0,…), une appellation fréquemment utilisée, peut-être à tort donc. Pour être heureux, priorité aux grands classiques : amis, musique, amour ! Internet n’arrive qu’en 10e position et leur téléphone chéri en… 14e position !
Si les études récentes dépeignent une génération habitée de valeurs post-matérialistes, sensibles à l’épanouissement de soi, « Génération Quoi ? » démontre… l’inverse : plus de la moitié voyant le travail avant tout comme un moyen de gagner de l’argent. Johan Tirtiaux nuance : « On voit ici qu’on ne peut pas parler d’une seule jeunesse mais bien de plusieurs, avec le niveau d’éducation (et les catégories socio-professionnelles qui en découlent) comme clivage, les résultats pouvant varier fortement d’une catégorie à l’autre. Et puis il y a l’impact de la crise, l’angoisse du chômage. ».
Le système éducatif est lui très loin de faire l’unanimité : il ne donne pas sa chance à tous (selon 63%), ne prépare pas efficacement au marché du travail (82%) et la scolarité est plutôt mal vécue (seul, méprisé, en souffrance).
« Beaucoup de jeunes sont en retard scolaire et vivent l’échec et la relégation, ce qui peut impacter leur point de vue sur l’école » explique Anne-Marie Dieu, de l’Observatoire de l’Enfance et de la Jeunesse.
Même tarif pour la famille ? Que du contraire ! Elle est un lieu de soutien important pour les jeunes, affectif et financier, même si ce dernier point occasionne une certaine gêne. « La dépendance aux parents, ils n’en veulent plus. Pour financer les études et l’insertion professionnelle, ils souhaitent un soutien fort de l’état » précise Johan Tirtiaux.
L’enquête se veut généraliste : 150 questions brossent plus de 20 thèmes : politique, sexe, Europe, engagement,… Difficile parfois d’apporter de la nuance. Et malgré des questions provocantes pour interpeler les jeunes, un grand nombre n’a pas répondu à tout. Seuls les questionnaires avec suffisamment de réponses ont été pris en compte (environ 8.000 sur 30.000). « Une post-pondération des résultats a aussi été nécessaire, certaines catégories de répondants étant surreprésentées. L’échantillon n’est pas aléatoire mais les données restent significatives statistiquement, avec une marge d’erreur de 5% » précise Johan Tirtiaux. Anne-Marie Dieu s’interroge sur le choix de l’âge pour définir une génération : « Une génération est-elle juste une tranche d’âge ? Plusieurs décrets définissent d’ailleurs la jeunesse avec des bornes différentes, parfois c’est 3-30 ans, parfois 12-26,… ». On note aussi que ces analyses, commandées par la RTBF, ne concernent que les jeunes de Belgique francophone. Un comparatif avec la Flandre et les autres pays est au programme mais risque d’être très complexe à réaliser faute d’une méthodologie commune à tous.
Le rapport est disponible dans son intégralité sur www.generation-quoi.rtbf.be