Devant la statue, vous voyez une jeune fille, cheveux noirs sur les épaules, jambes croisées. C’est moi ! J’ai suivi avec passion les événements de 68 à l’ULB. Mais les filles écoutaient ce que disaient les garçons, sans prendre la parole elles-mêmes.
Lorsque Paris se rebellait nous avons imaginé de pouvoir faire la même chose à Bruxelles.
Lors d’une assemblée, un garçon (maoïste) a demandé qui voulait bien aller distribuer des tracts à la sortie des écoles secondaires. Je me suis proposée. Notre tract disait « Aujourd’hui à Paris, demain à Bruxelles ».
J’ai commencé ma distribution rue Marie-Christine à Laeken, devant le Lycée puis l’Athénée.
C’est là que 2 policiers en civil m’ont arrêtée.
Innocente je distribuais un tract sans éditeur responsable, ce qui est interdit.
Emmenée au Commissariat ils ont vu que j’étais étrangère et mineure d’âge. Il a donc fallu prévenir mon père et faire venir mon dossier de la Police des étrangers (il n’y avait ni ordinateurs ni scans…). J’ai été longuement interrogée mais j’ai choisi de faire l’idiote (« je ne sais pas qui est ce garçon, je crois que c’est éric ou alors c’est Jacques ? Non je ne fais pas partie d’une organisation d’étudiants mais ce garçon parlait très bien »).
Je pense qu’ils ont été convaincus que j’étais une débile mentale légère abusée par les jeunes communistes de l’ULB ! Alors que j’étais enfermée, un jeune policier est venu gentiment me demander si je ne voulais pas aller danser avec lui le samedi suivant à un bal pour lequel il avait des places. J’ai répondu que papa ne voudrait sûrement pas, qu’il était italien et très sévère (ce qui était faux pour la 2ème partie, mon père est venu plusieurs fois me voir à l’occupation et il nous approuvait).
Le soir mon père a pu me récupérer au commissariat.
Anne Morelli,
Historienne, professeure de l’ULB