Certains jeunes s'engagent dans des voyages de volontariat à l’autre bout du monde ou en Belgique, en immersion, en service civil européen, par projet, par chantier, 1 mois, six mois, un été, un an…
« Le volontariat international, écrit Emmanuel Toussaint dans Une autre façon de voir le monde – Récits de volontaires internationaux (Ed. Publibook), ce n’est pas de l’ordre de l’humanitaire, ce n’est pas non plus une visite du monde, c’est une expérience qui fait voir le monde autrement. Les volontaires ne sont pas non plus des voyageurs qui, tout en ayant emprunté des voies alternatives ou des chemins dérobés, diraient à leur retour qu’ils ont « fait » le Kenya ou le Québec, l’Islande ou le Sri Lanka. Leurs expériences et leurs apprentissages sont intérieurs ». Au sein de la COJ, pas mal d’organisations de jeunesse aident ses jeunes à partir (envoi/acceuil). JAVVA, AFS, CB, DBA, SCI récoltent et publient sur leurs sites leurs passionnants leurs récits de voyages. Extraits et témoignages d’OJ…
par Nathan
Une de mes craintes est d’être confronté
à l’influence néfaste du tourisme à Zanzibar.
Ça, c’était moi, fin juin, à la formation Afrique. Deux semaines plus tard, c’est de plein fouet que l’on a vécu, Nazaré et moi, la rencontre avec la culture tanzanienne.
– Tu as vu ? Les enfants d’à côté adorent jouer au valet puant ! – On ne va pas trop travailler aujourd’hui sinon on n’aura plus de travail pour demain. – I did a lot of business today, I am so tired ! – J’adore manger local ! Goute-moi ce riz ! – Ces immondes marchants d’esclaves ont bâti les merveilles de cette ville qui la font aujourd’hui vivre grâce aux touristes. – Alors la brasse, c’est facile, tu fais comme ça avec tes jambes et comme ça avec tes pieds – Regarde-moi ces Resort Hotels d’où les touristes ne sortent jamais – Les policiers nous réclamaient de l’argent vu qu’on transporte des Blancs mais hakuna matata, c’était des amis ! – Ce riz… plus jamais !
Un choc : faire de l’argent et du business semble être l’ambition quotidienne du Tanzanien moyen. Si bien que la corruption est la première plaie du pays, nous indique Ali. D’où provient cette insatiable soif pour l’argent ?
– On va faire du VTT avec des vélos branlants sous la chaleur torride du soleil de midi ? J’adore ! Est-ce que ces enfants souriants, qui dansent avec ces jeunes touristes blondes au rythme des instruments dans la rue, ne sont pas aussi en train de les dépouiller en douce de leurs smartphones ? – Youhouu ! On a planté 456 graines de mangrove ! – Il est devenu agressif, je n’ai pas osé négocier mon prix plus bas – C’est quoi McDonald ? et Walt Disney ? – Il y a combien de tribus en Belgique ?
De la curiosité : on apprend à se connaître, on appréhende les reliefs de leur culture, de notre propre culture.
– Ce climat me rend tellement paresseux… – De véritables trésors… Admire-moi ces baobabs ! – Donc toi, Abu, tu voudrais que je paie moi-même pour tous tes trajets de bus alors que tu m’as dit hier que tu dépensais tout ton salaire aux « Beach parties » les vendredis soirs ? – Les coraux de ma-la-de ! – Il est vraiment en train d’avoir deux conversations téléphoniques en même temps, sur des portables différents ? – « I miss all you to go away bye bye »… Oui enfin non, tu détruis toutes mes leçons d’anglais mais qu’est-ce qu’on s’en ****! <3 – Mais pourquoi on plante des graines de mangrove ?
Des photos mentales : la nature est superbe mais sous pression. Des réserves magnifiques, des plages incroyables, une faune étonnante et des coraux débordant de vie. Est-ce qu’il y aura seulement quelqu’un pour les sauver de la démographie galopante et du tourisme de masse ? Du plastique omniprésent et des braconniers ? Nous, on prend des photos en espérant que cela fige l’instant à jamais.
« C’est comment la Tanzanie ? »
Ça, c’est moi, maintenant, incapable de résumer ce fouillis de sentiments extrêmes qui s’entrechoquent dans ma tête… Mais, finalement, est-ce qu’il ne vient pas un moment où seul notre bon sens peut y faire le tri, en retirer ce que l’on veut et nous mener à agir en conséquence ?
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par Camille
Au début, c’était très difficile. Je n’avais pas l’habitude d’être en mouvement physiquement, d’avoir des journées très remplies, de parler à des gens pour qui l’anglais n’est pas forcément maitrisé. J’ai dû mordre sur ma chique. Même si je n’étais pas la bénévole parfaite, je sais que j’ai fait un pas de plus vers un moi amélioré. On ne peut pas passer par ce genre de projet sans repartir avec un enrichissement. L’année dernière Je suis partie au Portugal. Le travail était certes éprouvant et un brin redondant, nous devions ramasser des déchets (surtout les mégots de cigarette) soit à la plage soit dans un quartier de cité de Lisbonne. Je crois qu’on a tous retenu que c’est par de petits gestes qu’on peut changer notre environnement et réellement depuis ce projet-là, je ne pense plus jamais « c’est pas ça qui fera la différence ». Le plus difficile c’est de se lancer, ensuite il n’y a pas de faux pas. Même si on n’aime pas le projet qu’on a choisi, même si ça se passe mal, ce n’est jamais vain…
Volontariat des jeunes : quels sont les changements que vous pouvez observer auprès de vos jeunes et de vos métiers (difficultés, facilités, motivation des jeunes, etc.) ?
« La façon de s’engager chez les jeunes. Voici quelques années déjà, le profil le plus courant parmi les volontaires était un/une jeune de 18-25 ans avec peu d’expérience qui cherchait à s’engager dans un projet de volontariat entièrement. À l’heure actuelle, de plus en plus de jeunes sont en recherche d’un projet’, soit job OU une année de volontariat. Ils sont souvent plus âgés et souvent confrontés au désemploi. Leur engagement peut donc parfois se révéler plus faible. Autre évolution : la difficulté que posent les nouvelles technologies pour pouvoir vivre de façon complète et intègre un projet de mobilité à l’étranger. Partir, cela signifie laisser un quotidien, un environnement, des relations derrière soi, afin de s’immerger dans une expérience nouvelle, d’apprendre à s’orienter et développer de nouveaux liens sociaux dans un univers inconnu. C’est dans ce processus d’orientation, d’adaptation et de reconstruction de sa situation que se situe une grande partie des apprentissages qu’offre une expérience de mobilité de plusieurs mois à l’étranger. L’hyper connectivité, le fait de pouvoir garder un contact permanent avec son milieu d’origine, de se voir et se parler chaque jour à tout moment, via Whatsapp, Skype et tutti quanti… mettent vraiment à mal ce processus. Les jeunes qui partent doivent apprendre à se préserver de cette tentation de ne pas « couper, pour un temps déterminé, le contact (on aurait tendance à dire ‘le cordon’). »
Grégory Van De Put, Délégué général aux Compagnons Bâtisseurs (CB)
« Depuis quelques années, nous observons une multiplication des offres de volontariat. De nombreuses agences privées offrent des projets de volontariat à côté de stages d’apprentissage de langues, de formules de tourisme solidaire, de missions humanitaires, de chantiers environnementaux, de découvertes insolites de pays exotiques, etc. Pour ces agences, le volontariat est un produit de consommation comme un autre : c’est même une niche qui peut rapporter gros. Alors que pour nos organisations, le volontariat international est d’abord un outil de sensibilisation pour construire une autre société : une société conviviale dans laquelle il est possible d’agir de manière gratuite et où tout ne se vend pas (ni ne s’achète) ; une société basée sur la coopération et la solidarité et non la compétition et la lutte des places ; une société pacifique et interculturelle qui ne se laisse pas submerger par les peurs et les préjugés. Les jeunes qui partent chez nos partenaires sont contents de vivre concrètement ces valeurs sur les projets. ».
Emmanuel Toussaint, Formateur au SCI-Projets Internationaux