Avant de devenir le premier permanent de la CESSoC[i], il y a plus de 20 ans, et de batailler aujourd’hui sur la réforme APE, Pierre Malaise s’est d’abord vu instituteur puis a été… délégué syndical ! S’il n'a pas « vocation à être visible », il a toutefois accepté le jeu du portrait.
Ne le cherchez pas sur Internet : Pierre Malaise y est invisible. « C’est, dit-il, une volonté. Je me méfie comme de la peste des réseaux sociaux. Quand c’est gratuit, c’est vous le produit. La CESSoC, en revanche, est sur Facebook ». C’est que, professionnellement, il veille aux moyens de communication, lui, un homme de relations avant tout, la base dans son métier : « Je peux être cassant et tenace mais toujours avec politesse. Je m’entends très bien avec les organisations syndicales et je suis bien accueilli dans tous les cabinets. Quand je vais à la négociation, ce n’est pas avec des grenades attachées à la ceinture. J’ai un mandat, mes mandants veulent l’impossible, les autres veulent le contraire et donc il faut trouver une solution. Le but de la négociation sociale, c’est la paix sociale, des situations apaisées. C’est ça mon but ».
Montois d’origine, il avait d’abord songé à une carrière d’instituteur primaire, terminée en queue de poisson : « Mes parents m’avaient mis à la porte. Je devais trouver une formation courte et pas chère. Ce métier me passionnait pour la diversité des choses à faire et l’intérêt que j’avais pour l’apprentissage des enfants. Mais je me suis rendu compte que je ne pourrais jamais enseigner. Je ne comprenais pas comment une école pouvait être efficace avec un fonctionnement pareil. Par exemple, il n’y avait pas de réunions d’équipe sauf en dehors des heures de travail ! C’était un mode d’organisation auquel je ne pouvais pas adhérer ».
Il commence alors à travailler pour la Ligue des familles, sous un contrat… APE (ex-TCT) ! « Petit à petit, j’ai été amené à m’occuper de littérature de jeunesse, je travaillais sur le prix Versele, des expositions, etc. ». Devenu délégué syndical, il débute ses premières expériences avec la concertation sociale au niveau de l’entreprise. Vient alors un appel à candidature pour un mi-temps à la CESSoC et un mi-temps à la fédération de l’éducation permanente.
Pierre Malaise commence donc à la CESSoC en 1996, au moment où la commission paritaire est mise en place : « Au début, ce n’était évident pour personne car on ne connaissait pas grand-chose des réglementations du travail ». Au fil des ans, il passe d’une réunion par semaine à une par jour, d’un travail seul à la gestion de sept employés. Des nouvelles compétences à apprendre, un champ de matière toujours plus large qui expliquent sa longévité dans l’association même si aujourd’hui il délègue. « Il faut réussir à dépasser cette espèce d’idée qu’on ferait mieux soi-même. Le temps n’est pas extensible et je ne suis pas un drogué du travail ».
Pourtant, ces derniers six mois ont été excessivement chargés : trois accords non marchand, dossier APE, RGPD, nouveau code des sociétés… Très pédagogue, il analyse ces sujets complexes avec lucidité, comme ici sur la réforme APE : « Le ministre de l’Emploi a sans doute le plus gros portefeuille de la Wallonie mais il ne peut pas s’en servir vu qu’il est déjà affecté. Rien que les APE, c’est un budget d’un milliard d’euros ! Mon impression personnelle c’est que même si une coalition différente arrivait au pouvoir, je doute qu’il y ait de gros retours en arrière. De plus, en 2025, ce sera la fin progressive du plan de compensation financier de la sixième réforme de l’état. Les gouvernements des Régions cherchent donc à avoir une meilleure maîtrise budgétaire de ces budgets (APE, ACS…). C’est un souci que tous les partis auront ».
Pierre Malaise n’est donc pas un bourreau de travail. Pourtant, il s’en extrait difficilement. Ses trajets en train depuis Quévy, (à la frontière française) allongent ses journées. Lorsqu’il marche, il pense boulot. Sa compagne exerce le même job que lui, dans un autre secteur. Heureusement, il a de nombreux centres d’intérêt : cuisine, cinéma, bandes dessinées, livres (philo et histoire mais aussi art et photo…). « Ici je suis en train de lire Décadence de Michel Onfray et je termine un bouquin qui a comme particularité qu’un chapitre est en fait une phrase [Zone de Mathias Enard, ndlr]. Pas de ponctuation, pas de majuscules ». Lecture singulière, de quoi rendre limpide celle du décret Emploi ! Autre décompression (quoique…) : cinq petits-enfants qui l’occupent assez bien les weekends. Mais la vraie évasion d’une vie chargée de dossiers costauds, de réunions et de négociations reste la montagne : « Je m’offre une semaine au mois de septembre où je pars avec mon frère mesurer l’âge que j’ai. Hautes-Alpes, vallée du Var, Pyrénées, c’est la météo
qui décide ».
Mathieu Midrez
[i] CESoC – Confédération des Employeurs du secteur Sportif et SocioCulturel