En direct des OJ,Rencontre & Réflexion
Avancer dans le flou, continuer ses missions C.R.A.C.S, (télé)travailler, se retrouver au chômage temporaire, se fatiguer des vidéoconférences, manquer à ses collègues, perdre le sens, rester efficace, s'inquiéter pour l'avenir... Employeurs, employés des organisations de jeunesse-membres de la COJ témoignent de l'aventure inédite que nous vivons.
« Les activités de formation et d’animation ont subi un coup d’arrêt brutal en mars. Timide reprise de nos actions de terrain depuis juin. A-t-on appliqué des mesures de chômage temporaire au sein de notre association ? Imaginer que « oui » révèle une grande méconnaissance de notre travail. L’activité de terrain – visible et quantifiable – n’est que la part émergée. Avant l’activité de terrain, il y a la conception (ou l’adaptation), la préparation et après, il y a au moins l’évaluation et aussi les aspects de valorisation et de diffusion. Ces deux aspects d’une activité ne sont pas reconnus par notre décret – qui ne comptabilise que les activités de terrain – au point que certains ont oublié qu’ils constituent une part importante du temps des travailleurs. Le travail était bien plus que suffisant pour tout le monde quel que soit le profil. Ce que l’on a dû appliquer, c’est le télétravail entre mars et juin. Cela a été pénible d’autant que cela a duré 2 mois et demi à temps complet : constat d’isolement malgré les visionconférences et les suivis et aussi une impression de travailler hors sol, en état d’apesanteur, avec le sentiment d’une perte de sens et de liens. Maintenant, il y a l’avenir en point d’interrogation : les écoles garderont-elles leurs portes ouvertes à nos animations, le personnel socioculturel éducatif sera-t-il aux rendez-vous de nos formations ? »
« Tout le monde a été mis en télétravail, sauf nos deux profils plus ouvriers qui, étant seuls dans leur bâtiment respectif, ont pu rejoindre leur lieu de travail sans risques. En tant qu’employeur, j’ai eu le souci de vérifier régulièrement l’état motivationnel de l’équipe, qui est resté globalement positif jusqu’au début de l’été, où plusieurs ont commencé à manifester un manque de contacts sociaux. Nous avons alors démarré un système de retour alterné à notre siège. L’expérience de télétravail intensif, qui a plu à de nombreux collègues – lesquels auraient toutefois préféré que ce ne soit pas à temps plein – et n’a pas diminué l’efficacité générale de l’équipe a, par ailleurs, permis d’entamer une réflexion sur la mise en place du télétravail structurel dans notre association. Les expériences de réunions à distance ont permis de poursuivre nos différents projets, même si chacun regrette les temps informels (comme le repas généralement organisé avant chaque réunion). La nécessaire formalisation des réunions à distance a eu un impact positif sur la préparation des réunions et de leurs participants, personne ne souhaitant rester plus de deux heures face à son écran. »
« Tout à l’honneur de notre boss, il nous a gardé en poste (aucun chômage technique), comprenant même qu’on puisse « glander ». On devait juste dire sur quoi on travaillait et répondre efficacement aux urgences. Mais il y a ce cliché intériorisé – même chez les travailleurs – que le télétravail est synonyme de « glande », coupable d’être « payé à ne rien faire ». C’est peut-être cela qui explique qu’au début du confinement, je me sentais obligé d’ouvrir mon ordi à 9h et de bosser de 9h à 17h. Lorsque j’ai ressenti le côté pathétique de la chose, j’ai assoupli mon horaire et j’ai travaillé tout autant, si pas plus, à la tâche, aux besoins, à l’autoformation/perspective. Le tout avec le stress de la Covid-19. Le retour au boulot s’est donc fait crevé. Si c’était à refaire ? Je travaillerais quelques heures et je fermerais l’ordi sans culpabiliser. Car, c’est en « paressant » que j’ai débloqué des dossiers/ trouvé des bonnes idées. Il faut trouver l’art collectif de savoir lâcher la pédale dans le cadre du (télé) travail… »
« J’ai été mise au chômage technique. Cela a été un changement pour moi de devoir rester à la maison du jour au lendemain. Cette période m’a permis de découvrir et/ou de prendre conscience de compétences : adaptabilité, créativité, découverte, nouveaux apprentissages, d’apprendre à vivre des incertitudes et de profiter de chaque moment et instant. Aujourd’hui, je suis impatiente de retrouver mes collègues. Je suis consciente que les conditions de travail ne sont et ne seront pas les mêmes. Mes craintes : que l’aspect relationnel avec mes collègues ne pâtisse suite aux mesures de protection sanitaire, les participants seront-ils présents aux activités en présentiel ? Celles proposées à distance répondent-elles à leurs besoins ? Les protocoles mis en place sont-ils rassurants pour les participants ?
Comment s’est passé cet été sous Covid-19 ?
Début septembre, à l’initiative et en partenariat avec FMJ, la COJ a mené une « enquête » auprès de ses membres. Le secteur jeunesse a eu plus de peur (à raison) que de mal. Du côté de nos 38 organisations de jeunesse, Il n’y a eu aucune fermeture de camps ou d’activités pour cause de Covid, ni de cas graves chez les enfants et les animateurs. C’est un premier grand soulagement ! Toutefois, l’été ne fut pas rose partout. Les auberges de jeunesse (fermées depuis mars), les organisations qui s’occupent de volontariat international, etc. ont dû se réinventer dans l’urgence, en étant limitées dans leurs véritables missions, dans leurs projets prévus de longue date.
Quels sont les enjeux de cette rentrée ?
La survie pour bon nombre d’OJ. Ce qui n’a pas pu se faire depuis mars 2020, ne se fera certainement pas l’année prochaine. Dans le cadre de partenariats avec les écoles, c’est la direction des établissements qui décide. Quid des partenariats ? Les voyages pédagogiques ont été annulés. Pas mal d’organisations de jeunesse travaillent avec les écoles. C’est un tissu commun qui se fragilise. Il y a aussi ce ralenti/arrêt inquiétant qui fragilise les auberges de jeunesse ainsi que les associations spécialisées dans les chantiers internationaux des jeunes. Autre enjeu : la Fédération Wallonie Bruxelles avait débloqué un Fonds d’urgence de 50 millions d’euros suivi de 30 millions supplémentaires. Aujourd’hui, dans le secteur jeunesse, seuls les centres d’hébergement ont été soutenus à concurrence d’une enveloppe de 700.000€. C’est un bel effort mais loin d’être suffisant. Le reste du secteur ne voit rien venir.
Lors de notre interview (COJ#25-juin 2020), vous vous inquiétiez de la mise au chômage technique dans certaines associations. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le secteur socioculturel et particulièrement la CESSoC n’a pas ménagé ses efforts. Les négociations avec les différents Cabinets (Linard, Glatigny, et Dardenne) n’ont rien donné. Je déplore la position du ministre-président de la FWB, Pierre-Yves
Jeholet de ne pas immuniser les périodes de chômage pendant la Covid, alors que les bugets emplois sont fixés. Nous demandions de pouvoir garantir la subvention emploi à partir du moment où l’association était en mesure de justifier sa subvention. Il n’en est rien. Les employeurs qui ont dû, par obligation et pas par choix, mettre du personnel en chômage temporaire n’ont pas gagné de l’argent mais en ont tout simplement perdu moins. Ici, les subventions vont être réduites au prorata des jours non prestés. Certes, c’est équitable par rapport aux employeurs qui ont fait l’effort de maintenir les travailleurs au travail et de préserver leur pouvoir d’achat. Si la décision politique avait été communiquée plus tôt, je pense que certains employeurs auraient géré la situation autrement. Il faut rappeler que la Covid, a couté très cher aux associations obligées de fournir masques, gel et tout le nécessaire à chaque travailleur. Ce coût est parfois très important en fonction de l’association.
P.r. NA