L'OEJAJ, l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse de la Communauté française a commandité une série d’études concernant Les politiques publiques d’enfance et de jeunesse en Belgique francophone 1999-2020. Le volet consacré au secteur jeunesse et aux politiques d'éducation non formelle est désormais disponible.
L’étude (qui sort en sept livrets – lire encart) est centrée sur les domaines de l’enseignement, de l’insertion socio-professionnelle, de l’aide à la jeunesse, des loisirs et politiques culturelles, de la petite enfance et du travail. Objectifs ? Réaliser un inventaire des politiques publiques visant les enfants et les jeunes de 0 à 26 ans. Approfondir ces politiques publiques en « ciblant les plus significatives et en abordant les différents enjeux de société et contextes au sein desquels ces chantiers politiques ont émergé » et, enfin, réaliser une analyse transversale « en étant attentif à la place que les politiques publiques réservent aux jeunes citoyens dans l’arène démocratique. ».
Le livret 4 intitulé Les politiques d’éducation non formelle, consacré à la Jeunesse, est sorti à la rentrée. La méthode de travail est explicite : « Principalement les sources produites par les politiques publiques ». Du matériel politique (circulaires, décrets, débats parlementaires, arrêtés de gouvernements, déclarations de politique générale ou régionale, etc.)Pourquoi pas ? Il est intéressant de soumettre ce matériau « sec » à des chercheurs indépendants (et se pencher sur l’Histoire récente qui nous anime).
Fruit du travail conjoint de l’Agence Alter, l’UCLouvain et l’Université Saint-Louis, le livret 4 dresse en une vingtaine de pages (une prouesse en soi !) le portrait du secteur Jeunesse (Organisations de Jeunesse et Centres de Jeunes), de ses évolutions, sa structuration, de ses combats et des politiques publiques « jeunes et Jeunesse » mises en place ces dernières décennies, 1999-2020.
Celleux qui sont au front des mandats, des négociations politiques, les responsables et coordinateurs d’Organisations et Centres de Jeunes y liront, peut-être, un rappel des sueurs passées et de quelques bras de fer, l’aventure de la professionnalisation, de la structuration, de la dé-pilarisation, de la mixité sociale et culturelle au sein du secteur. Là où on parle décrets, subventions, agréments,… Toutefois, le plus important sera probablement ce rappel (ou découverte), une mise en perspective de « l’esprit des lois » qui a animé les politiques concernant les jeunes et la jeunesse en Belgique francophone (sans oublier l’influence UE), irriguant peu ou prou nos associations, missions et activités de terrain.
En ouverture de chapitres (lire ci-après), les chercheurs ont eu la bonne idée de résumer leurs analyses des politiques publiques en reliant trois axes : l’image du jeune (« contexte »), les manières de penser le problème (hypothèse causale) et de le résoudre (hypothèse d’intervention).
Certes condensé en vingt pages, l’ouvrage, sobre et efficace, n’en reste pas moins instructif. En conclusion, les auteurs écrivent : « Les politiques de ces deux dernières décennies restent sous-tendues par cette orientation émancipatrice, nourrie par les référentiels des droits humains et issue des mouvements de pensée de la démocratie culturelle. D’une période à l’autre, on retrouve la même préoccupation des pouvoirs publics pour la désaffection des jeunes à l’égard des formes plus classiques de la politique et du jeu démocratique à travers les formes et les circuits qu’il préconise. Les besoins de reconnaissance et de représentation de la diversité des jeunesses seront renforcés avec les attentats de 2015-2016. La seconde décennie des années 2000, marquée par la crise économique de 2007, voit le référentiel de l’employabilité et du capital humain s’immiscer dans les questions de construction de la capacité citoyenne des jeunes, ce qui soulève des tensions et des débats au sein du secteur attaché à son référentiel sectoriel. Enfin, la prise en compte des enjeux climatiques par les pouvoirs publics au cours de la troisième période analysée (période COVID-ndlr) semble être en partie une réponse aux préoccupations grandissantes des jeunes pour le climat. Ce bref panorama de l’action publique,… de l’activité législative,… gagnerait à être éclairé par une étude approfondie sur le travail de jeunesse fourni par la diversité des organisations et des associations jeunes, en ce compris les initiatives moins formalisées issues des fractions de la jeunesse qui sont les plus difficiles à atteindre par les pouvoirs publics. ». On ne dira pas le contraire…
L’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse (OEJAJ) a, en 2020, commandité une recherche consacrée à L’histoire des politiques d’enfance et de jeunesse en Belgique francophone de 1999 à 2020 auprès d’un consortium de chercheurs et chercheuses de l’UCL, de l’Université Saint-Louis et de l’Agence Alter. « Soucieux d’outiller utilement l’ensemble des acteurs et actrices des secteurs de l’enfance et de la jeunesse », cette recherche fait suite à une publication, en 2005, qui avait retracé les grandes évolutions de ces politiques au 20e siècle (Les politiques publiques en matière d’enfance et de jeunesse au XXème siècle, en Belgique et en Communauté française). Cette nouvelle recherche est diffusée sous la forme de sept livrets qui abordent six secteurs clés des politiques d’enfance et de jeunesse :
Livret 1 : Introduction générale
Livret 2 : L’enseignement
Livret 3 : L’insertion socio-professionnelle
Livret 4 : Les politiques d’éducation non formelle (lire ci-contre)
Livret 5 : L’aide à la jeunesse et les politiques de prévention – à paraître en octobre.
Livret 6 : L’accueil de l’enfance – à paraître en décembre
Livret 7 : Analyse transversale, bibliographie et listing des documents législatifs – à paraître en décembre
> Les livrets sont à lire sur : www.oejaj.cfwb.be
[Extraits ]
« Première Période : Fin des années 1990-fin de la première décennie.
L’hypothèse causale sous-jacente aux mesures de cette période est que la participation des jeunes au jeu démocratique n’est jamais garantie et est continuellement menacée par la montée des extrémismes, mais aussi de l’individualisme et du consumérisme… Le diagnostic qui sous-tend ces mesures qui vise à développer des CRACS est celle du risque des jeunes perçus comme des citoyens en devenir à s’éloigner des formes classiques du politique, notamment en ce qui concerne les jeunes issus des fractions dominées et stigmatisées de l’espace social. L’image du jeune sous-jacente à l’action publique de cette période est celle d’un jeune potentiellement menaçant pour le devenir des sociétés démocratiques. L’hypothèse d’intervention est celle d’un renforcement du secteur par sa structuration et sa professionnalisation. Des mesures qui tendent vers la représentation de la diversité des jeunes visent également à répondre au même diagnostic. »
« La seconde décennie des années 2000 : la participation citoyenne des jeunes à l’épreuve de la crise économique
Une des hypothèses causales qui sous-tend les mesures de cette période consiste à percevoir les difficultés structurelles, relatives à l’économie et au marché de l’emploi, mais aussi systémiques relatives aux inégalités sociales, de genre, de race comme des menaces non seulement pour la participation citoyenne des jeunes mais aussi pour la démocratie dans son ensemble. Le diagnostic implicite sous-jacent aux mesures de cette période est un constat de l’approfondissement de la désaffection des jeunes pour les formes classiques du politique et le jeu démocratique et une volonté de colmater les vides existants entre les différentes institutions et services chargés « d’encadrer » le parcours du jeune. L’image du jeune sous-tendant ces logiques d’action publique est bien celle d’un jeune vulnérabilisé et donc potentiellement menaçant pour les sociétés démocratiques. L’hypothèse d’intervention est celle de l’établissement de ponts entre les secteurs et entre les différentes facettes et dimensions du parcours du jeune, afin qu’il ne dévie pas du jeu démocratique. »
« Le soutien au secteur et les nouveaux enjeux pendant la crise COVID-19
Une des hypothèses causales qui sous-tend les mesures de cette période consiste à percevoir la crise sanitaire et surtout les différentes mesures de confinement comme renforçant la méfiance des jeunes à l’égard du politique. Le diagnostic implicite sous-jacent aux mesures de cette période est un approfondissement de la désaffection des jeunes pour les formes classiques du politique et le jeu démocratique. L’image du jeune sous-tendant ces logiques d’action publique est donc également celle d’un jeune isolé et donc potentiellement en décrochage à l’égard des institutions constituant une société démocratique. L’hypothèse d’intervention est celle d’un soutien au secteur en temps de crise, mais également l’établissement de ponts entre les jeunes et les pouvoirs publics notamment en adressant des enjeux auxquels les jeunes sont sensibilisés. »