Depuis 2-3 ans, je m’investis dans des causes militantes. Mes parents m’avaient déjà sensibilisé en m’emmenant, depuis mon enfance, à différentes mobilisations (soutien à la Palestine, contre la guerre en Irak...) mais, c'est vers 12 ans, que j'ai commencé à m'engager de ma propre initiative, lors des manifestations contre le nucléaire.
Au début, mes revendications étaient plutôt des frustrations face à des injustices que je pouvais cibler sans pour autant les expliciter ou les traduire de façon claire. Par exemple, je trouvais inhumain d’empêcher des gens d’aller d’un pays à un autre mais je ne cernais pas complètement les enjeux de la problématique migratoire. Ou encore je savais que l’homme détruit la planète mais je ne pouvais dire comment répondre à ce problème ou quelle en était la cause.
Petit à petit, à force d’intérêt au fil de mes lectures & co, j’ai réussi à prendre du recul, à prendre conscience de la complexité de nos sociétés, des liaisons indéniables entre chaque point, chaque enjeu, chaque cause.
En ayant pris ce recul, les frustrations ne se sont pas envolées. Loin de là. Au lieu d’être ciblées sur quelques points, elles se sont appliquées à un système tout entier. Quelle Misère !
J’ai fini par identifier à ces maux sociétaux et planétaires, tels que le réchauffement climatique et l’injustice sociale (deux grands sujets qui me tiennent à cœur) une source principale : le grand et intouchable capitalisme.
Et voilà qu’arrive la/ma jeunesse belge ! Des dizaines de milliers d’étudiants se sont rassemblés, se rassemblent, et se rassembleront (?) toutes les semaines pour exiger la justice climatique et de réels engagements de la part de nos dirigeants. Dans ces manifestations, on peut ressentir l’engouement des jeunes (dont certains manifestent pour la première fois). Ils ressentent, comme moi, la force des manifestations. Plus que ça : nous avons tous été séduits et surpris par la puissance des mouvements étudiants.
Cependant, quelque chose m’a dérangé. J’ai éprouvé la difficulté d’associer justice climatique et justice sociale. Par exemple, lors de la première manifestation de Liège, un ami et moi portions des gilets jaunes pour marquer notre soutien aux deux causes. Rapidement, deux organisateurs sont venus nous trouver en nous rétorquant que « ce n’était pas une manifestation gilet jaune » et qu’il ne fallait pas mélanger les causes… Et si justement : il fallait faire converger les luttes pour arriver à un mouvement qui serait complet et fort par sa diversité sociale et culturelle. Selon moi, ce serait la solution pour créer une pression réelle par le nombre et la détermination.
Les murs sont durs à briser. Parfois, j’en arrive à penser que les causes essayent de se repousser. Militants sociaux trop centrés sur leurs luttes « personnelles » (prix de l’essence, taxes,…) et pas assez conscientisés ? Discours écologistes moralisateurs et individualistes ? (apologie du zéro déchet et des douches courtes,…)
Moi, j’ai tendance à mieux comprendre le manque de revendications liées au climat dans les luttes sociales que le manque de revendications pour une justice sociale dans les causes climatiques.
Les gens qui vivent une violence sociale, construisent leurs revendications avec leur vécu. La justice sociale pour laquelle ils luttent et manifestent est devenue un besoin fondamental. Cela rend légitime en partie le fait de ne pas pouvoir se concentrer sur des revendications écologistes. Ils ne vivent et ne ressentent pas la même urgence. Les militants écologistes viennent, pour la plupart, d’un milieu moins précarisé et peuvent se conscientiser sur (le futur de) la planète et le climat. Ils construisent leurs revendications de manière intellectuelle et du coup ils pourraient tout à fait introduire les enjeux sociaux dans leurs revendications, avoir conscience des deux urgences, sociale et climatique, qui sont sur le même pied d’égalité.
Je milite, dans les rues du pays, pour ces deux causes. Parfois, des ponts se (re)créent entre les/ces causes. Mais j’ai aussi le sentiment que les fondations sont scabreuses, qu’il n’y a pas assez de monde pour supporter le poids. Aujourd’hui, un climat de révolte est palpable. Je trouve qu’il faut construire des revendications communes et contraignantes qui feront tanguer la stabilité du capitalisme, créer des piliers et des ponts entre les différentes luttes. Moi, je n’arrêterai pas de manifester pour ce qui me tient à cœur, et je ne m’arrêterai pas à ma majorité avec l’illusion du vote. J’espère continuer à militer longtemps en avançant dans les chemins déjà existants, et en en renforçant certains, ou en progressant parfois vers l’inconnu pour trouver le mien…
Elie Scorier, chronique d’un ado ordinaire …