Séminaire, journée publique et plaidoyer en cours, la Fédération Internationale des Ceméa (FiCeméa) s’est réunie à Bruxelles pour creuser son nouveau combat: la lutte contre la marchandisation de l’éducation et des loisirs éducatifs.
« Les objectifs commerciaux sont présents en filigrane dans tous les domaines. L’Enseignement et la Culture n’y échappent pas. Ce qui apparaît comme un débat sur le commerce est un débat sur l’idéologie politique ». C’est ce qu’a reconnu le ministre-président de la Fédération Wallonie Bruxelles, Rudy Demotte, de passage à la journée publique de la FiCeméa sur la marchandisation de l’éducation. Aveu ou réalité? Certains l’écrivent: «un jardin d’éveil privé pourra remplacer une école maternelle». C’est que la loi du marché lorgne sur l’éducation, formelle et non formelle. Un marché lucratif dans la lignée de la libéralisation du marché des services. D’ailleurs, Roger Dehaybe, président de la FiCeméa le souligne: «l’école comme bien public est mal comprise par certains partenaires, comme les Anglo-saxons quoi voient du privé dans «bien public» et pas nécessairement l’idée d’un «service public».
L’enjeu est mondialisé, le secteur, énorme. Selon la FiCeméa: «un milliard d’élèves et d’étudiants, 50 millions d’enseignants, un «chiffre d’affaires» de l’ordre de 2000 milliards de dollars, soit le vingtième du PIB mondial, montant considérable et qui n’est assuré par le secteur privé que pour un cinquième…. De Paris à Bamako, la marchandisation de l’éducation interroge l’avenir de nos sociétés au niveau international. Ce processus revêt des formes différentes: de la question de la formation des enseignants, à la mainmise du secteur marchand sur l’éducation, à l’accès aux loisirs pour une caste de privilégiés».
La Ficeméa a donc mis le sujet en chantier en quatre thématiques: l’enseignement obligatoire et non obligatoire, les loisirs éducatifs, l’éducation culturelle et l’éducation par et aux médias.
«En général, explique Geoffroy Carly, co-directeur des Ceméa-Belgique, lorsqu’on parle d’éducation, on est centré sur le formel. On veut s’en dégager (d’où les quatre thèmes choisis). Ceux qui sont le plus en proie à la marchandisation, ce sont les domaines qui sortent de l’école (car l’école a des formes de résistance plus structurées, syndicalisées). Par exemple, dans le domaine des loisirs éducatifs, c’est peu structuré et assez flottant pour permettre aujourd’hui à des boîtes privées de proposer des loisirs sous un bel emballage. La différence est peu sensible et les gens ne perçoivent pas spécialement l’idée de profit qui sous-tend ces démarches».
Le sous titre du séminaire est long, digne d’une thèse universitaire: «Mécanisme et conséquences de la marchandisation de l’éducation. Rôles et responsabilités respectifs des Etats et des sociétés civiles». Un programme ambitieux! «La méthode, poursuit G. Carly a été d’abord chacun dans sa région à travers des séminaires en Afrique, dans l’Océan Indien, en Amérique du Sud, en Europe où les associations ont partagé leurs réalités de terrain et réfléchi aux alternatives pour préparer le séminaire international d’aujourd’hui. Il y a des phases de travail différents pour trouver des positionnements et, au-delà des constats, se dire comment on agit là où on est. Avec des réalités très différentes. Exemple. Le Congo qui revendique plus de matériel sans interroger le sens de l’usage et des Européens, un peu blasés, se disant que la question du matériel n’est pas importante. Il faut alors définir un socle commun face à un enjeu aussi globalisé. D’ailleurs, ce n’est pas en Communauté française qu’il faut porter le plaidoyer, voire un manifeste, mais sur la scène européenne et internationale».
Un combat plus que nécessaire car comme le rappelait judicieusement un intervenant: «Le marché se moque des inégalités». Ou encore Nico Hirtt, fondateur de l’Appel pour une école Démocratique (APED) – qui pointa un autre pan du fléau: «l’erreur à ne pas commettre est de ramener la marchandisation de l’éducation au privé. Dans une époque de mutation sociale où les capitaux privés investissent les services, la conquête de l’école par le marché n’est pas, à mes yeux, le plus important mais plutôt sa capacité de pression sur la production des contenus (par exemple demander aux Etats de maximiser les débouchés dans l’enseignement). Ainsi, l’exacerbation de la compétitivité économique pousse les décideurs à abandonner les rêves de l’émancipation pour du pragmatisme. Si on regarde les statistiques depuis 20 ans, on remarque l’adaptation de l’éducation/enseignement au marché du travail. Or, ce n‘est pas parce qu’on augmente cette adéquation que l’on crée de l’emploi!».
Plaidoyer à suivre.
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