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« Il faudra radicalement rebraquer les projecteurs vers la jeunesse »

  3 Fév , 2022   ,    Quentin Pivont, Paul Verstraeten

Fraîchement nommée nouvelle Secrétaire générale de la COJ, Geneviève Nicaise possède un parcours important dans le milieu socioculturel et le secteur Jeunesse. Portrait d’une convaincue qui n’a jamais arrêté d’évoluer au sein du monde associatif...

«Tombée dedans quand elle était petite », le dicton populaire correspond bien à Geneviève Nicaise et à son rapport au milieu associatif. Dès son plus jeune âge, dans son Borinage natal, elle intègre les mouvements de jeunesse en passant ensuite son Brevet d’animateur de centres de vacances (BACV) à l’occasion duquel elle découvre les pratiques d’animation socioculturelles. « Ce fut un véritable déclic. Le passage par la case Organisation de Jeunesse a clairement élargi mes horizons. Du haut de mes 16 ans, c’est là que j’ai pris conscience que je pouvais légitimement participer au Monde et que je me suis frottée à d’autres manières de penser et d’agir. Mon brevet en main, j’ai eu la chance de pouvoir m’impliquer dans pas mal de projets d’animation. J’y ai trouvé un espace de tous les possibles, riche en rencontres et expérimentations multiples. Cela m’a véritablement forgée et m’a permis d’appréhender mon environnement avec un œil plus avisé, de m’investir dans l’avenir avec plus de confiance.». Convaincue par l’action associative et fort de ces premières expériences, elle décide de persévérer et de mener des études en animation socioculturelle.

Dès le début de son parcours professionnel, Geneviève Nicaise poursuit cette trajectoire cohérente. Début des années 2000, à la sortie de ses études, elle devient Coordinatrice générale de FESOJ (la Fédération des Employeurs du Secteur des Organisations de Jeunesse). Sa mission ? Dynamiser la fédération, structurer l’équipe et trouver des financements. « J’y ai découvert la planète Jeunesse, toute la diversité des Organisations de Jeunesse et la multitude des actions qu’elles mènent (l’environnement, l’éducation aux médias, les chantiers internationaux, etc.). Cette expérience professionnelle m’a fait énormément grandir. J’y ai rencontré et collaboré avec beaucoup de responsables d’OJ qui m’ont fait découvrir la vision sectorielle et politique de la Jeunesse. ». C’est également durant cette période que débutent les négociations sur l’accord du non marchand, un dossier sur lequel elle travaillera à maintes reprises durant sa carrière. « Au moment de ces négociations, le secteur Jeunesse était en train de se professionnaliser, c’était vraiment un moment charnière de réflexion et d’enjeux pour le présent mais aussi l’avenir ».

Geneviève Nicaise restera au sein de la FESOJ pendant cinq ans avant de rejoindre le cabinet de la ministre de la Culture de l’époque, Fadila Laanan. Elle s’occupe de la politique d’éducation permanente et de la mise en place des accords du non marchand avant de passer par l’administration où elle coordonnera l’application du Décret Emploi avec l’ensemble des secteurs socioculturels concernés. Impressions ? « Lorsqu’on porte des revendications pour le secteur associatif auprès des politiques, on se dit parfois que si on pouvait être à la manœuvre nous pourrions mieux faire le relais des difficultés du terrain et faire en sorte qu’il en soit davantage tenu compte. J’ai eu envie de tenter l’exercice et de mettre les mains dans le cambouis. On touche à tout, on découvre la mécanique du système, les enjeux, les difficultés. On se heurte aussi à la nécessité des équilibres et compromis, aux réalités budgétaires ou à la lourdeur des procédures administratives. C’est complexe et passionnant car on essaye de contribuer à la mise en place des meilleures politiques possibles et que cela fonctionne dans le cadre et les contraintes imposées. C’était enrichissant. »

La connaissance comme moteur

Geneviève n’en continue pas moins d’avoir la bougeotte et de vouloir renouer davantage avec les acteurs de terrain. Elle va donc intégrer la Fédération des Maisons de Jeunes (FMJ) pendant 8 ans comme conseillère politique et en soutien aux membres. « J’ai eu envie de retrouver le terrain et de soutenir des dynamiques projets menés en faveur des jeunes. Cela m’a permis aussi de rencontrer la COJ de l’intérieur dont la FMJ est membre ». Avant d’arriver à la tête de la COJ, Geneviève Nicaise passera encore par la case de APEF (l’Association Paritaire pour l’Emploi et la Formation) où elle est en charge de la coordination des fonds de fin de carrière.

Ce parcours impressionnant aux mille rebonds possède bien une cohérence sous-jacente : Geneviève n’a jamais cessé de baigner dans le secteur socioculturel, avec comme premier ancrage la Jeunesse. « Un des moteurs de ma carrière a été la connaissance : l’envie d’en découvrir toujours plus, de rencontrer toujours plus de gens et de ne pas rester sur mes acquis. J’avoue aussi que certains m’ont fait du pieds, je n’ai pas pu résister à l’appel d’une nouvelle expérience, d’un nouveau défi professionnel… »

« Mon parcours professionnel m’a permis de toucher et d’acquérir des compétences dans des domaines aussi variés que le pédagogique (formation, supports didactiques, …), le politique et le juridico-administratif. Je trouve un vif intérêt pour chacun de ces aspects. Le large spectre des actions de la COJ permet de les investir tous à la fois. »

Aujourd’hui, à 47 ans, elle reprend la fonction de Secrétaire générale de la COJ. Pourquoi ce choix ? « Il y a un attachement au secteur de la Jeunesse et au réseau COJ auquel j’ai appartenu ainsi qu’aux valeurs d’indépendance et de pluralisme qui y sont défendues. Par ailleurs, professionnellement parlant, c’est un poste qui fait la synthèse de tout ce que j’ai pu apprendre. En fait, mon parcours professionnel m’a permis de toucher et d’acquérir des compétences dans des domaines aussi variés que le pédagogique (formation, supports didactiques, …), le politique et le juridico-administratif. Je trouve un vif intérêt pour chacun de ces aspects. Le large spectre des actions de la COJ permet de les investir tous à la fois. ». Toutefois, « la » question se pose : comment reprendre les rênes de la Confédération des Organisations de Jeunesse Indépendantes et Pluralistes (aujourd’hui à 40 membres), dirigée depuis plus de 30 ans par Yamina Ghoul, une personnalité-phare et fort apprécié du secteur ? Cela en aurait intimidé plus d’un.e.s… « J’ai reçu un accueil chaleureux et bienveillant de tout le monde (des membres, de l’équipe, des partenaires associatif). Yamina nous laisse un solide héritage. Cela n’empêche pas de penser à comment faire pour lui succéder. Prendre sa suite reste donc un défi que j’ai à cœur de relever. Ceci dit, je côtoie le secteur Jeunesse et associatif depuis 20 ans. J’ai donc une série de cordes à mon arc pour arriver à remplir cette mission, mais à ma manière car on ne peut jamais être le « bis repetita » de quelqu’un d’autre – et encore moins de Yamina Ghoul ! ».

A-t-elle déjà des idées de projets futurs ? « La priorité est pour le moment de « maintenir l’existant » dans ce contexte de crise. Cependant, j’aimerais pouvoir remobiliser les membres autour de projets collectifs et fédérateurs, nécessaire pour se relever de l’après-Covid. »

On quitte notre nouvelle Secrétaire générale sur une note « out of office » ? En dehors du bureau, Geneviève Nicaise, dans un temps libre de plus en plus rétréci, aime les balades au grands air, la lecture sans distinction de genre, voir ses ami.e.s et ne désespère pas d’apprendre à jouer de l’accordéon. Si elle était un livre ? « Je serais un conte pour enfants ». Une ville ?
« Bruxelles ». Un animal ? « Mes deux totems : Markhor et Caméo » … Bienvenue à la nouvelle Secrétaire générale de la COJ, une force tranquille ?

Portrait réalisé par Quentin Pivont et Paul Vanderstraeten. 

Dates-clefs

1999 : Geneviève Nicaise termine une licence/master en animation socioculturelle à l’ULB

2000 : Après un 1er job dans une association d’éducation aux médias, passage à la FESOJ (Fédération des Employeurs des Organisations de Jeunesse). Elle découvre les accords du non marchand au moment de la « professionnalisation » du secteur Jeunesse (création de nouveaux barèmes, emploi, etc.)

2005 : Entrée au Cabinet de Fadila Laanan alors ministre de la Culture. En charge : la politique d’éducation permanente et la mise en place des accords du non marchand, avec la coordination du décret emploi.

2009 : Responsable Service Emploi-Formation au Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles

2011 : Elle est engagée à la Fédération des Maisons de Jeunes (FMJ). Retour au secteur Jeunesse qu’elle affectionne.

2021 : Elle postule à la direction de la COJ (aujourd’hui à 40 membres), dirigée depuis près de 30 ans par Yamina Ghoul, personnalité-phare du secteur Jeunesse et devient la nouvelle Secrétaire générale de la COJ. Le défi est de taille, les dossiers et enjeux du secteur Jeunesse 2022 & co, aussi.

3 questions à Geneviève Nicaise, nouvelle Secrétaire générale de la COJ

Vous reprenez la direction de la COJ dans une période particulière (et chargée) : crise sanitaire, réforme APE, réforme du décret Jeunesse. Comment envisagez-vous ces dossiers importants ?

Depuis 2020, nous devons constamment nous adapter à la crise sanitaire de la Covid-19. Pour nos 40 membres, les Organisations de Jeunesses, centres d’hébergement et Maisons de Jeunes, mouvements de jeunesse – dont le contact avec les jeunes est essentiel – il est devenu compliqué (et épuisant) de s’adapter à des mesures sanitaires changeantes, parfois en « last minute ». à chaque fois, elles ont dû réorienter leurs activités et leur manière d’assurer un lien social avec les jeunes, le tout, en fonction de contraintes (re)modifiées. Je n’avais pas de doute sur les ressources du secteur Jeunesse mais je suis admirative de ce que nos membres mettent en place pour soutenir, donner un espace d’épanouissement, une bulle de respiration aux jeunes en cette période Covid qui est une véritable épreuve physique et mentale. En tant que fédération, c’est notre rôle de rester attentive, vive et réactive par rapport aux politiques pour les sensibiliser à la nécessité de maintenir des actions envers les jeunes.

La réforme du secteur Jeunesse en cours et les autres dossiers chauds (APE, Rythmes scolaires…) ?

Cela serait déjà pas mal si on arrivait au bout de l’application du décret Organisation de Jeunesse tel qu’il existe (concernant les détachés pédagogiques, les agréments, sauts de classe, etc.). Nous ne sommes pas contre une réforme du secteur, mais il faut que cela se fasse au bénéfice des jeunes et des associations qui les accueillent. Réformer, oui, mais aussi en accord avec notre ADN, à savoir travailler avec les OJ à partir de leurs revendications et leurs idées. Il faut que cette réforme soit alimentée par un fourmillement d’idées, que le vivier associatif reste vivace, qu’on évite les formatages. Il faut donc se donner des objectifs et des moyens (humains et financiers) pour une politique de jeunesse ambitieuse.
Pour ce qui est des autres dossiers (accords du non marchand, l’emploi avec la réforme des APE, ou la réforme des rythmes scolaires…), certains sont sur la table depuis des années. Les phases de négociation et d’élaboration des dispositifs sont finies. En 2022, nous serons dans la mise en place de ces réformes, les « phases opérationnelles ». Précédemment, on s’est mobilisé au moment des négociations, maintenant la COJ va devoir être soutenante envers ses membres dans la mise en place et relayer les difficultés rencontrées aux pouvoirs publics.

Quel regard portez-vous sur la jeunesse et la société ?

Aujourd’hui, les enjeux comme le changement climatique ou l’emploi, par exemple, sont des défis énormes pour les générations futures. Après avoir beaucoup parlé de solidarités envers les anciens (Pacte des générations, Covid-19, …), c’est au tour des jeunes. Je pense qu’il faudra radicalement rebraquer les projecteurs vers la jeunesse.

Q.P, P.V