Le secteur jeunesse dans la rue. Un réveil «last minute» mais judicieux à quelques mois des élections et d’une conséquente réforme de l’Etat. Enjeu: les emplois, l’indexation, un plan de relance et une vraie politique jeunesse... En 2014, on monte le son des revendications?
Les syndicats étaient là, avec la panoplie du bon manifestant (sifflets, musique, mégaphones), pour soutenir un secteur jeunesse qui n’avait plus manifesté depuis longtemps. Cédric Garcet de la Fédération des Maisons de Jeunes (FMJ) explique «On a connu dans les années 2000, une relative «paix sociale» grâce à une revalorisation de l’emploi dans le secteur du non marchand. Mais après 10 ans, l’augmentation des budgets n’est pas atteinte et nos barèmes toujours pas alignés sur ceux du non marchand. Le maintien des détachés pédagogiques sur nos maigres financements fut la goutte qui a fait déborder le vase. On passe énormément de temps à chercher des aides financières ailleurs pour financer des projets. On ne peut accepter que demain l’emploi ACS et APE du secteur jeunesse augmente (via ses cotisations patronales) de 5, 10 ou 33%. Cela risque de tuer certaines Asbl!»
Rappel des faits. En novembre dernier, le secteur des organisations de jeunesse apprenait via le cabinet Huytebroeck, la suppression, au 1er janvier 2014 (!), de 23 postes de détachés pédagogiques (DP), une mesure d’économie dans le budget 2014 de la Fédération Wallonie Bruxelles. D’où trois manifestations quasi improvisées. Après la première manif, la ministre décide de maintenir les DP pour l’année 2014 en récupérant 1.242.000 euros sur fonds propres* pour «consolider le soutien aux projets jeunes et à la sécurisation des infrastructures). Le maintien des DP en 2015 n’est qu’un répit, à charge, en 2015, du prochain gouvernement. D’ici là, entrera en vigueur au 1er janvier 2014, l’art 66 qui entérine la règle «1 DP par OJ agréée», ce que la COJ défend depuis longtemps. Selon la ministre «88 postes sont aujourd’hui occupés par des DP répartis en 90 organisations de jeunesse. 24 n’ont pas de DP et 17 en ont plusieurs». Le dossier n’est donc pas réglé.
La menace sur les DP aura donc ré-aiguisé l’attention du secteur sur la 6ème réforme de l’Etat qui transfère d’importantes compétences aux régions et communautés relatives à l’emploi, aux allocations familiales, aux soins de santé, au code de la route, etc. Un transfert de compétences de 20 milliards et une autonomie fiscale de 12 milliards. Cette dé-fédéralisation démarre le 1er juillet 2014, mais avec des mécanismes de transition. Des politiciens satisfaits, des journalistes sceptiques. Véronique Lamquin du Soir parle «d’une mise en œuvre à l’arrache », de «vision floue », rappelant que «progressivement chaque entité devra trouver l’argent nécessaire pour ses politiques».Tant réclamée par le Nord du pays, la 6ème réforme de l’Etat, annonce une Belgique à plusieurs vitesses. Le secteur jeunesse sera directement concerné par la régionalisation des politiques d’aide à l’emploi (ACS à Bruxelles, APE en Wallonie). « Le risque est réel avec les transferts de voir les moyens rabotés et impacter les emplois du secteur jeunesse, prévient Christian Masai, Secrétaire fédéral SETca. L’austérité et la précarité sont des réalités, pas un fantasme. La réforme de l’Etat prévoit que chaque entité fédérée soit le réceptacle de ses propres politiques avec déjà un transfert de 10% en moins de l’enveloppe actuelle. L’impact est inévitable»
«Il est urgent d’atteindre la CESSoC qui regroupe 12 sous-secteurs du non marchand, soit plus de 1.100 associations occupant environ 11.000 travailleurs. Les revendications dépassent les préoccupations du secteur jeunesse… Soyons vigilants pour éviter le fait accompli des politiques.»
Au delà du secteur, le non marchand n’est pas à l’abri puisqu’il fonctionne avec quasi une majorité d’ACS et d’APE. Ce que confirme Yamina Ghoul, Secrétaire générale de la COJ. «Les emplois risquent d’être menacés si la charge ONSS pour les postes APE et ACS est augmentée. Aujourd’hui, ces postes bénéficient d’une réduction de charges ONSS non négligeable pour les employeurs. Il s’agit des demandeurs d’emploi longue durée (Activa – PTP – SINE) et des contractuels subventionnés (ACS et APE). Quel coût et quelles conséquences aura cette grande réforme ? Les textes légaux ne sont pas en notre possession mais l’ensemble du secteur non marchand sera touché».
La COJ, et les autres fédérations d’OJ et de CJ, ont donc mobilisé le secteur socio-culturel via à la CESSoC qui a porté la dernière manifestation du 18 décembre. «Il est urgent, explique Y. Ghoul d’atteindre la CESSoC (Confédération des Employeurs des secteurs sportif et socioculturel) qui regroupe 12 sous-secteurs du non marchand, soit plus de 1.100 associations occupant environ 11.000 travailleurs. Les revendications dépassent les préoccupations du secteur jeunesse et portent sur l’application de la réforme de l’Etat. Soyons vigilants pour éviter le fait accompli des politiques.»
Trois manifestations quasi impromptues ont réuni entre 100 et 200 manifestants dont de nombreuses OJ de la COJ. Semra Umay, directrice du C-Paje et présidente de la COJ résume les inquiétudes en jeu: «DP, non-indexation, risques pour APE et ACS et un Plan jeunesse qui nous a pris une énergie folle pour finalement pas grand chose. De justesse, en 2013, sur les 753000 euros du Plan jeunesse on a récupéré 250.000 euros pour chacun des secteurs (OJ et CJ). Le secteur jeunesse vit avec des cacahuètes. Au C-Paje, chaque année, on doit trouver un minimum de 100.000 euros pour financer nos emplois. On passe une partie de notre énergie à remplir des dossiers, d’appels à projets. On est dans la rue pour exiger un vrai budget pour le secteur de jeunesse qui ne mette plus en péril nos activités auprès des jeunes».
En 2014, le secteur jeunesse se mobilisera, pressions «invisibles» auprès des partis et manifestations visibles comme fin 2013. Au-delà des mémorandums des uns et des autres, n’est-il pas temps de monter le volume, collectivement, au cœur de l’espace public?
* Dans les réserves de crédits issus du secteur aide à la jeunesse (350.000 euros), sur le fonds «Old Timer» (742.000 euros), ainsi que les crédits dits extraordinaires du secteur jeunesse (150.000 euros, dont 90.000 extraits du Plan jeunesse et 60.000 de crédits dits facultatifs).