« À l’école, on apprend bien le passé simple,
mais rien sur le futur compliqué. »
Agnès Bihl
Le pacte pour un enseignement d’excellence, c’est un slogan marketing ! Qui a été assez naïf pour croire que McKinsey allait sauver notre enseignement qui produit au pire de l’exclusion et de l’abandon, au mieux du conformisme ? Qui a cru un seul instant que la structure qui conseille les entreprises sur leur stratégie et développement allait contribuer, ne fusse qu’un peu, à l’amélioration de notre société alors que le capitalisme néolibéral creuse les inégalités et sape systématiquement les solidarités ? C’est par essence contre-nature pour McKinsey et il nous faut reprocher vigoureusement au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’avoir laissé advenir un monstre de plus.
L’avantage du slogan, c’est que l’on s’attache plus à sa forme qu’à son fond. Qui peut en effet s’opposer à l’excellence ? Qui peut contester une ambition réputée a priori positive ? Le MR l’a bien compris, lui qui revendique « Je suis pour » de manière à faire la nique aux grincheux de tous poils « qui ne font jamais que se plaindre sur tout et n’importe quoi ». Halte aux gémissements et place à l’action, quelle que soit sa finalité et ses effets, pourvu qu’on l’habille d’une forme positive.
Prenons tout d’abord le mot « pacte ». Réputé être une convention entre plusieurs parties, on est en droit de se demander quelles sont les parties intéressées dans la présente convention et l’objet de leur entente. Nul ne le sait réellement… Les syndicats, les pouvoirs organisateurs, les associations de parents ont participé aux travaux. Des consultations ont eu lieu (réunissant parfois 10 personnes « témoins » dont moins de la moitié agissait encore dans l’école…). Et puis des arbitrages politiques ont été posés. Le pacte semble dès lors plus se situer entre le PS et le cdH, au Gouvernement de la FWB qu’avec les acteurs agissant de l’école ou les bénéficiaires de l’enseignement : les enfants.
Ensuite, revendiquer un enseignement d’excellence n’est pas sans poser quelques questions. Si c’est l’enseignement qui est visé, c’est bien au dispositif qu’on s’attaque, pas aux bénéficiaires. Ce choix tend à prouver qu’on s’intéresse moins aux enfants et à leur devenir qu’aux conditions de leur instruction.
Et si demain l’enseignement est d’excellence, quel regard porterons-nous sur les enfants qui échouent malgré tout ? À qui incombera la faute ? À tout le moins, plus à l’enseignement… Mais donc, vraisemblablement, à l’enfant. La méritocratie aura terminé son œuvre : le processus d’instruction étant réputé performant par nature, les enfants qui ne s’en sortiront pas ne pourront être que des déviants, des fainéants, des « hors normes » … Les culs de jatte comme les marathoniens ayant été confrontés à un parcours d’excellence n’auront aucune raison valable de ne pas arriver de concert à la ligne d’arrivée de la réussite scolaire…
Le pacte pour un enseignement d’excellence semble donc bien constituer une mystification pour cautionner une école au service de la société (marchande), qui renonce aux perspectives d’émancipation et de transformation sociale, fait du tri sélectif pour que l’organisation sociale inégalitaire persiste.
Le pacte avec le diable est scellé. À vrai dire, depuis longtemps déjà. Et l’on ne pourra l’invalider qu’en refondant essentiellement le sens de l’école dans notre société contemporaine, pas exclusivement ses pratiques. Quel(s) gouvernement(s) aura(ont) l’audace de cette ambition ? λ
Père Sécution