Tout commence le 22 juillet 2011 sur l’île Utøya. Le Norvégien d’extrême droite Anders Breivik tue de sang froid 69 jeunes, membres d u parti travailliste. La planète entière frémit d’émotion et la réflexion s’invite au Conseil de l’Europe. Que faire face à cette haine, face à une telle viol ence alimentée par les réseaux sociaux? C’est sur base de ces interrogations qu’est lancée, il y a deux ans, la campagne No Hate.
En Belgique francophone, c’est le BIJ qui est à l’initiative d’un comité national contre le discours de haine, chargé de construire cette campagne. Après l’inauguration de cette dernière par un flashmob à Bruxelles, le BIJ et les autres membres du comité développent divers outils. «Infor Jeunes Couvin a réalisé une fresque interactive. Nous avons aussi apporté notre soutien à quatre jeunes filles activistes pour leur jeu d’animation sur les bonnes pratiques en matière de non-discrimination, de respect de l’autre et de promotion du vivre ensemble», explique Michel Duponcelle, président du comité national de la campagne «No Hate». Une mallette pédagogique est également mise sur pied. «Nous participons aux évènements qui attirent des jeunes et nous leur permettons de s’exprimer sur le discours de haine». Un DVD vient d’ailleurs de sortir, «sur lequel on retrouve le clip du flashmob, des témoignages, des micros-trottoirs et le film Ce qui vous regarde qui illustre un cas concret», poursuit le président du comité national. «Il est accompagné d’un livret pédagogique proposé par Loupiote. L’objectif est d’aider l’éducateur, l’enseignant, l’animateur, le pédagogue à mieux comprendre les mécanismes de haine en ligne et à lutter contre ceux-ci».
Depuis mars 2013, en Belgique mais aussi dans toute l’Europe, des jeunes sont formés à la lutte contre le discours de haine. «Les résultats de la campagne que nous menons depuis près de deux ans deviennent concrets. Nous nous apprêtons par exemple à organiser des animations dans les écoles et les mouvements de jeunesse», raconte Michel Duponcelle. «Nous avons rencontré les professionnels lors de réunions, au salon de l’Education… Et nous leur avons expliqué l’importance de soutenir notre projet et de poursuivre notre démarche. Et c’est un succès! Les acteurs sont partants!»… Pas étonnant, puisque chez nous, l’initiative No Hate répond clairement à un besoin. «La campagne est censée prendre fin en 2015, mais ce serait absurde d’interrompre ce mouvement qui commence à porter ses fruits. Nous espérons le maintenir encore 2 ou 3 ans».
Dans ce délai, les membres du comité comptent d’abord organiser une nouvelle journée de réflexion. Ils veulent ensuite créer un site Internet «sur lequel nous rassemblerons tous les outils qui existent pour faire face au discours de haine, nous sommes en train de les récolter. Nous voulons aussi que cette plateforme serve à fédérer l’information.» L’objectif? Armer les jeunes pour leur permettre de faire face au discours de haine. Comment? Par la sensibilisation! «Nous voulons sensibiliser au fait que le discours de haine est quelque chose de très grave, qu’on fait parfois sans s’en rendre compte. Le racisme est le plus présent sur Internet, mais la haine regroupe toutes les discriminations. C’est toute forme de rejet de l’autre». Et pour contrer ces discours, les techniques sont diverses. Michel Duponcelle propose un de ses «trucs»: «Bombarder de petits coeurs la personne qui tient un discours haineux en ligne. Nous avons fait des tests, cela marche pas mal». Et de conclure, «si nous pouvons aider des jeunes à résister face à ces discours, sur la toile ou par la parole, nous n’aurons pas perdu notre temps».
Le discours de haine se rapporte aux expressions de haine (brimades, insultes, propos discriminatoires) à l’encontre de personnes en raison de leur couleur de peau, leur prétendue race, leur origine, leur sexe, leur orientation sexuelle, leurs convictions philosophiques ou religieuses, leur handicap, leur maladie, leur âge… Il peut également s’agir de propos antisémites ou négationnistes. «Cette définition est valable pour le discours de haine «on line» ou par la parole», explique François Deleu, collaborateur au Centre Interfédéral pour l’Egalité des Chances. Côté législatif, François Deleu précise: «dans une démocratie, où il y a une liberté d’expression, le discours peut-être «choquant» mais il y a des limites à cette liberté d’expression lorsque ce discours incite à la haine, la violence, la ségrégation, la discrimination, le négationnisme, ou lorsque le discours est fondé sur la supériorité d’une race par rapport à l’autre. L’un des éléments de l’infraction est que ce discours soit public.» Et si le mouvement No Hate vise tous ces discours, c’est parce qu’une manière de réagir face à ceux-ci est justement d’utiliser notre liberté d’expression, «de créer une communauté pour contrer ces discours». A.G.
Définition du discours de haine reprise sur: www.diversite.be/internet