Notre société de consommation a le chic pour « innover » et trouver multitude de parades aux problèmes de ce monde...
Les devoirs constituent une difficulté pour nombre d’enfants et sont un élément de discrimination entre enfants ? Abracadabra : on crée des Écoles de Devoirs.
Les jeunes peinent à trouver leur place dans le monde qui leur est proposé ? Abracadabra : on élabore des dispositifs d’intégration dédiés aux NEET’s (Neither in Employment nor in Education or Training, c’est-à-dire les jeunes sans diplôme, travail ou formation).
Les enfants grandissent de plus en plus sans amour face à nos rythmes effrénés ? Abracadabra : on crée des zones « Bisou et Câlin » dans 80 écoles de Wallonie.
L’urgence climatique est une réalité scientifiquement avérée ? Abracadabra : Coca-Cola mène une campagne engagée : « N’achète pas Coca-Cola si tu ne nous aides pas à recycler ».
Des inventions dans tous les sens et qui revêtent une caractéristique commune : une fois que c’est créé, on n’arrêtera plus la machine. Il y a un marché (avec ses propres lois, dont celle du plus fort qui a toujours raison), de l’emploi (et un rapport de force employeurs/syndicats), des institutions…
Dans cette logique binaire qui s’emballe (l’identification d’un problème et la mise sur pied d’une solution dédiée), il est bien difficile de prendre de la hauteur pour conserver une vue d’ensemble et une cohérence globale de l’organisation de la Cité.
Si l’on revient sur les écoles de devoirs, leur apparition est d’abord le signal d’un profond dysfonctionnement de l’institution scolaire. Et c’est à cette cause-là (et non à ses conséquences) qu’il faudrait légitimement s’attaquer. Pourquoi l’école continue à trier les enfants, provoquant des exclusions et des ghettos massifs ? Pourquoi la plupart des écoles ne respectent pas le décret sur les devoirs qui encadre strictement la durée, le contenu et l’évaluation des devoirs à domicile dans l’enseignement primaire (interdits dans les deux premières années, estimés à 20 minutes pour les 3e et 4e années et 30 minutes pour les 5e et 6e années – ils doivent par ailleurs pouvoir être réalisés seuls, sans l’aide d’un adulte) ? Pourquoi des devoirs alors que l’on sait les effets de renforcement des inégalités qu’ils produisent et leur peu d’intérêt pour les apprentissages ?
A l’inverse, on demande plus de soutien scolaire (par exemple au niveau des politiques de cohésion sociale menée par le Service public francophone bruxellois) et on laisse le dysfonctionnement de l’école se perpétuer, même si le Pacte pour un Enseignement d’excellence ouvre des voies mais dont on se demande franchement quels seront leurs effets réels au-delà des effets d’annonce et des logiques gestionnaires inspirées du privé qui s’installent en ce moment…
Et les écoles de devoirs dans cette affaire ? Eh bien les EDD se retrouvent étriquées dans une fonction sociale paradoxale, manœuvrant vaille que vaille avec les trop maigres moyens qui leur sont dévolus pour ne pas tomber dans la schizophrénie complète : ne pas être une école, ne pas se limiter aux devoirs mais aller bien au-delà (mener des projets qui contribuent à faire des jeunes accueillis de futurs citoyens actifs, réactifs et responsables, capables de poser un regard critique sur le monde qui les entoure et d’en comprendre le fonctionnement ), être en lien avec les familles et les écoles…
Et dans ce monde en tension, Greta Thunberg traverse l’Atlantique sous les cris acharnés des critiqueurs pros ou amateurs, dans une campagne de dénigrement systématisée. Il ne faut pas angéliser, certes, mais comme le dit le Délégué Général aux Droits de l’Enfant : « En fait, on s’en fout que cette traversée soit zéro carbone. Ce voyage en bateau fait plus en matière de sensibilisation que des années de quasi immobilisme. […] La force symbolique est énorme, et c’est ça qui fait bisquer les incrédules. ».
Bref, notre société de consommation a le chic pour « innover » et nous endormir… Il est urgent d’(r)éveiller le peuple aux problèmes de ce monde. On en est encore là…
Père Fidie