Parfois il est égratigné « pion du PS », « défenseur » des radicalisé(e)s. « Monsieur » droits de l’enfant reste un « engagé indéfectible» auprès des jeunes stigmatisé(e)s...
Bernard De Vos est connu sur la place publique pour son job et ses combats. Un parcours cohérent pour cet éducateur de rue devenu Délégué général aux droits de l’enfant (DGDE), en 2008, « par défaut ». « Il fallait élargir les thématiques (fort tournées sur l’aide à la jeunesse) aux enjeux comme la pauvreté ou l’immigration. Je venais du terrain avec une bonne réputation. Il y avait un favori mais pas de consensus. Je suis sorti du chapeau ». Un « pion du PS » ? « Je n’ai pas de carte de parti. Au niveau des affinités, j’irais plutôt au PS ou chez Ecolo qu’au cdH. Je suis proche des gens du PTB. Le MR me taxe souvent de « PS ». Je leur dis « invitez-moi ». Et quand je le suis, j’y vais. Par exemple, j’y ai débattu de la majorité à 16 ans. »
Engagé, jamais encarté, Bernard De Vos c’est l’histoire d’un ado bruxellois, milieu bourgeois, style « Baba cool » (boucle d’oreille et longue plume rouge). « Je faisais partie de tous les mouvements contestataires. Le livre L’Enfer des gosses de Jules Brunin m’avait fort touché. Avec lui, on faisait des descentes dans des maisons de corrections pour prendre des photos, preuves que les enfants étaient maltraités. ». Ses parents le voient avocat, lui, éducateur spécialisé. Il étudie « Régent de l’enfance inadaptée » (le diplôme d’éducateur n’existait pas). « Une formation très originale, se souvient-il, basée sur la systémique, l’introspection, etc. ». Très vite, il enchaîne et … ose. « J’ai commencé à travailler en hôpital psychiatrique, à La Petite Maison, où j’ai dénoncé les mauvais traitements. J’ai eu raison : le ministre de l’époque a fait fermer l’institution. J’ai été viré puis on m’a engagé pour un projet avec des adolescents difficiles. J‘ai imaginé un centre d’accueil, prémices de ce que l’on a appelé la formation par le travail. On a créé une cantine populaire, une entreprise de déménagement, une imprimerie, etc. Encadrés et occupés d’une manière plus constructive, ces adolescents avaient des comportements tout à fait acceptables ».
Doué pour le genre, Bernard De Vos a lancé pas mal de belles initiatives. Il crée l’AMO Samarcande, l’OJ Solidarcité (membre de la COJ), Synergie 14, Seuil (un service d’accrochage scolaire), dirige SOS jeunes. En regardant dans son rétro, on observe son éternel engagement envers les jeunes largués de la société et un humanisme qui lui fait faire le grand écart, allant des Skinheads aux « Arabes » ! « J’ai commencé ma carrière avec des belgo-belges des quartiers populaires. Je les ai vus se confronter dans des bagarres homériques avec les premières « bandes » de jeunes Marocains. C’était un racisme blanc avec des Skinheads, punks, rockers, etc. C’était trash. J’étais l’éducateur spécialisé dans la prise en charge des Skins ! Cela ne passerait plus aujourd’hui. ». Tout comme la nuance de « l’environnement des jeunes » (un basique en pédagogie constructive) qu’il essaye d’apporter aux débats houleux sur la radicalisation. « L’an dernier, c’était vache comme polémique. J’ai reçu des menaces sur moi et sur mes enfants, accusé de défendre des ‘crapules’ ». Du coup, une question nous taraude : comment un bourgeois rencontre le « lumpenprolétariat » et passe sa vie à combattre les inégalités de classes et d’origines ? « Cela vient de mon premier grand amour, une fille d’immigrés espagnols dont les deux frères avaient des parcours de délinquants. Ado, je découvre ce monde inconnu. Ils vivent dans une habitation sociale fort rudimentaire. Dans les années 70, on vivait entre « Blancs » en fonction des classes socio-économiques. Les déterminismes sociaux étaient très forts. ».
En 1994, il est licencié en Islamologie et Sciences Orientales à L’ULB. Pourquoi ? « Je voulais comprendre la société arabo-musulmane pour être plus efficace et utile. J’ai vu apparaitre ces premiers fils d’immigrés dans les institutions spécialisées d’aide à la jeunesse. Aujourd’hui, cela m’aide pour aborder les questions de (dé)radicalisation en Belgique et en Europe. ».
Rentrée des classes. Qu’en dit Bernard De Vos, qui épinglait dans son dernier rapport DGDE « l’ethnicité dans l’espace scolaire » ? « En gros, on dénonce la relégation des enfants dans l’enseignement spécialisé alors qu’ils n’ont aucun handicap physique ou mental (à Bruxelles, tu n’as que des têtes d’arabes !). Il y a le problème de la mixité sociale et culturelle mais aussi l’inadéquation du modèle scolaire avec l’évolution de la société. Cela fait souffrir les enfants. La question de l’école me fatigue et me hérisse… ». Heureusement, Bernard De Vos, pour se défouler (et s’entretenir)… boxe 3 fois par semaine pour s’activer dans un agenda chargé et un métier-passion qui se termine dans quatre ans, à la veille de sa retraite. Après ? « Je continuerai à m’intéresser aux droits humains, sans les contraintes liées à un job. »