Fraîchement nommé président de la COJ ASBL, Jean-Paul Liens possède un parcours au long cours, de sa première expérience dans les mouvements de jeunesse à la co-direction des CEMÉA-SJ. Malgré le peu d’attrait envers l’exercice, Jean-Paul se dévoile dans un portrait où l’engagement côtoie un certain flegme britannique…
Sans revenir en détail sur l’entièreté de son parcours, Jean-Paul nous raconte deux expériences qui l’ont profondément marqué durant sa jeunesse, à savoir un… kayak et les CEMÉA. L’anecdote fondatrice d’une sensibilisation « Jeunesse » est la construction d’un kayak dans les mouvements de jeunesse. Plus que la construction en soi, c’est la concrétude du projet qui le marque et le poursuit encore actuellement. « On voulait faire un projet autour du kayak, alors on l’a construit tous ensemble. Quoi de plus concret ? ». Ensuite, il entre en contact, par hasard, avec les CEMÉA lors d’un stage d’animateur, une expérience transformatrice : « j’ai pu m’y exprimer sans réels freins et être pris en considération en tant que personne. Je m’y sentais comme un poisson dans l’eau ».
De là, tout s’enchaine et son engagement (ou attachement ?) dans l’association se fait de plus en plus fort. D’animateur de séjours, il y devient coordinateur et finira par encadrer leurs formations. Dans le même temps, il continue ses études d’instituteur et enseigne deux ans, moment assez court, mais suffisant pour se rendre compte du coté très cadenassant de l’institution. « En tant qu’enseignant, tu as des idées, mais pas spécialement la possibilité, voire la capacité de les mettre en place ». D’ailleurs, il critique aussi une tendance générale à la surprotection du jeune. « En formation, on dit qu’il ne faut pas qu’on se fasse mal si on fait des bricolages, donc on évite de donner aux jeunes des agrafeuses, des ciseaux, etc. Cependant, si on en met à disposition et que l’enfant se coupe, il saura qu’il devra faire attention les prochaines fois. Et, ça, il l’aura expérimenté par le vécu ».
Il quitte le monde scolaire car une occasion en or se présente : une place se libère au sein de l’équipe permanente des CEMÉA. L’envie de retrouver au quotidien des valeurs qui lui sont chères le pousse à sauter le pas . « De simple militant, j’étais devenu un militant-volontaire pour finir par devenir un militant-permanent ». Cela fait 30 ans (« plus de la moitié de ma vie ») que Jean-Paul Liens se situe dans le sillage des CEMÉA. Respect !
Au fur et à mesure de la discussion, je remarque une chose essentielle à ses yeux : la transmission. Quel que soit le sujet, ce mot revient souvent. Loin de porter un regard nostalgique sur le passé, il trouve d’ailleurs nécessaire de se retourner vers les personnes qui l’ont précédé. « Ces personnes sont porteuses des combats précédents, de l’histoire et ont apporté leur pierre à l’édifice. Il ne faut pas réinventer la roue tout le temps, mais plutôt se poser les questions du pourquoi de telle ou telle décision ».
Concernant sa vision du secteur et de son futur, Jean-Paul explique la nécessité de préserver certains points primordiaux, notamment la garantie de l’autonomie du secteur par rapport aux questions de rentabilité (financière et globale). « Lors de l’inscription à un stage, les parents demandent souvent ce que leur enfant va apprendre, quelles compétences utiles va-t-il acquérir, comme s’il était à l’école alors que chaque instant de vie est le lieu d’apprentissages. Le vivre-ensemble n’est pas inné, il faut s’entrainer à tout : partager un repas est un moment d’apprentissage, informel certes, mais c’en est un ». Il regrette l’invisibilisation de toute une série de sujets capitaux (la vie en collectivité, les relations interpersonnelles,…) et l’exigence de rentabilité au sein de l’institution scolaire : « je ne remets pas en question l’importance des réformes car le bien-être des jeunes y est mis en avant. Cependant, il ne faut pas que des vacances plus longues soient synonyme d’une augmentation des devoirs à domicile, par exemple ». Pour Jean-Paul, une des convictions (partagée par les CEMÉA) est que l’enfant puisse profiter de moments de liberté « de rien » car ce sont des moments importants d’expérimentation où le jeune découvre et se découvre.
Vice-président de la COJ depuis de nombreuses années, J-P Liens expliquait , dans le dernier COJ#32, son choix d’investir la présidence de notre Asbl : « Les CEMÉA et la COJ, c’est une histoire d’amour qui dure depuis longtemps. Avant moi, il y a eu d’autres présidents de la COJ issus de notre association. Ce sont des projets qui me tiennent à cœur. Je voulais continuer à porter les actions de la COJ, les membres et tous les jeunes qui sont derrière ces associations. Je consacre déjà beaucoup de temps à notre confédération que ce soit dans ses instances ou ses lieux de représentation. C’était pour moi une suite logique. ».
Agir en concrétisant, mais surtout en réfléchissant (« il faut se garder de vouloir aller trop vite, tout le temps »), Jean-Paul a décidément la passion tranquille loin des « agités du bocal »…