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Rencontre & Réflexion

Quand « plus » ne rime pas avec « mieux »

  25 Juil , 2017       COJ

Certainement 10 ans qu’on attendait l’allongement de la formation des enseignants et le bon ministre Marcourt (en charge de l’enseignement supérieur depuis 2009) l’a fait. Les études montraient cette nécessité...

La Déclaration de Politique Communautaire Fédérer pour réussir précisait d’ailleurs que le Gouvernement veillerait à « réformer la formation initiale des enseignants, sur base des premiers jalons qui ont été posés, avec les acteurs de l’enseignement, sous la précédente législature ».

Les futurs enseignants du maternel, du primaire et jusqu’à la 3eme secondaire devront donc faire 4 ans d’études à partir de septembre 2019. La presse parle « d’enseignants mieux formés ». Le Ministre lui-même, sur son site, avance que « l’expérience montre en effet que les réformes qui agissent sur les dispositifs scolaires ont des effets limités si elles ne sont pas accompagnées d’un travail sur la formation initiale des enseignants pour faire évoluer les pratiques pédagogiques. Il veut « restaurer le plaisir et le désir d’enseigner » en permettant aux enseignants de « disposer de savoirs solides qui leur permettent de gérer des situations complexes et imprévisibles ».

Le modèle proposé implique une année de plus qui se fera avec les universités ; le problème à résoudre étant encore la co-diplomation entre les Hautes Ecoles et les Unifs…

Mais que propose-t-on en plus ? « Plus » du même ou, enfin, autre chose ? Quel est le projet pour les enfants et, par-delà, notre société future ? Le Ministre parle d’une école « plus efficace et plus équitable », les critères d’efficacité et d’équité n’étant cependant pas fixés… Et si l’on croise ces questions aux propos du philosophe contemporain David Richard Precht qui prétend que « 70% des métiers qu’exerceront les enfants qui entrent aujourd’hui à l’école n’existent pas encore », à quoi bon n’ambitionner pour les futurs profs que des « savoirs solides » ? Precht plaide donc pour une éducation « plus ouverte à l’imagination et à l’intelligence relationnelle, conduisant à épanouir une curiosité polyvalente plutôt qu’une spécialisation de type industriel ».

Là où le Ministre promeut « des savoirs solides », il faudrait privilégier une posture, une démarche. Là où les unifs entonneront de la théorie pédagogique, les enseignants resteront sans le matérialisme pédagogique nécessaire pour traduire les intentions politiques en faits et en actes concrets pour répondre véritablement aux défis quotidiens des enseignants et transformer la classe en groupe vivant, nourri de désirs, d’histoires, de défis.

Tant que les personnes en charge du pilotage de la formation des enseignants n’auront pas percuté qu’avant toute instruction, il faut être en mesure de s’occuper des êtres vivant en face de soi, de la construction d’une culture de tous pour tous, des relations entre les individus… toute transformation sera vaine. Plus de discipline, plus de matière, plus de technologie (via les tablettes ou les tableaux intelligents…), plus de références théoriques ne feront pas la classe.

Les Ministres successifs s’agitent dans tous les sens, montrent la lune du doigt… et il ne restera que le doigt. Sans compter qu’ils devront, de surcroit, faire face aux compromis politiques. Quatre ans plutôt que cinq parce que la Fédération Wallonie-Bruxelles n’a pas les sous pour financer les salaires des profs au terme d’un Master, le partage du marché entre les Hautes Ecoles et les Universités.

Pour paraphraser Janusz Korczak (1878-1942), célèbre pédagogue et spécialiste de l’enfance : ce qui fatigue le plus dans l’éducation, ce ne sont pas les savoirs. C’est tout le reste à prendre en compte.

Abbé Nédiction