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Covid-19 : gestion de crise à la COJ

  14 Juil , 2020   , , ,    COJ

Une équipe en télétravail, ses 39 membres sur le pont, à se réinventer pour garder  le lien avec ses jeunes confinés et une Secrétaire Générale, Yamina Ghoul, sur les fronts multiples et questions cruciales   : sécurité sanitaire, chômage temporaire, réunions politiques, obligation associatives. Une période ultra-intense en vidéoconférences. interview.

L’été est là, déconfiné, presque normal, avec des activités jeunesse permises (dans des bulles de 50 personnes). Qu’en pensez-vous ?

Yamina Ghoul : Pour le secteur Jeunesse, l’été est à l’adaptation. Il faut revoir les activités en tenant compte des mesures de sécurité précises (pour l’accueil en résidentiel ou non, par exemple), tout en jonglant entre les contradictions du gouvernement et les experts sanitaires, l’un voulant relancer la machine, l’autre étant plus prudent. C’est compliqué : la bulle de X personnes, le port du masque imposé ou non, conseillé ? L’interdiction par certains bourgmestres pour les jeunes d’occuper les rues en dehors des camps où ils ont déposé leurs tentes. Quand on organise un camp scout et que les jeunes ne peuvent pas sortir dans les rues, on est contraint de revoir ses activités. Les organisations de jeunesse, les animateurs et animatrices, les jeunes ont beaucoup à porter cet été dans un temps généralement dévolu à la rencontre, la solidarité, le temps libre, l’épanouissement, l’émancipation des jeunes, les activités éducatives d’été souvent à l’extérieur. Autre difficulté : reprendre ses activités avec un mode de réorganisation qui peut à tout moment être revu par le gouvernement, en fonction de l’actualité de la pandémie. Rappelons que l’organisation des activités ne se fait pas en un claquement de doigts.  Ce sont des mois et des mois de préparation.

Vous êtes Secrétaire générale de la plus grande confédération (39 associations-membres), comment s’est passé le confinement ?  

Lorsque j’ai fermé les locaux de la COJ, le 16 mars, je n’imaginais pas l’ampleur de ce que nous allions vivre : le confinement, le télétravail, l’arrêt d’activités, de formations, des écoles, les nombreux décès dans les hôpitaux et les maisons de retraite, etc., même si on entendait, qu’au niveau international, la Chine puis l’Italie impactées par la pandémie. à la COJ, il a fallu gérer les nombreuses questions de nos membres sur la durée du confinement, le chômage temporaire, l’impact sur les subventions emploi, l’impact sur le volume d’activités qui ne serait pas réalisé (tel que prévu par le subventionnement du secteur jeunesse). Quelle sera l’attitude des inspecteurs lorsqu’ils liront les dossiers en 2021 ou dans le cadre des renouvellements d’agrément en 2023. Qui va payer les pertes financières ? Quelle sera la sanction si on met notre personnel en chômage temporaire partiel ? Etc. Il y avait à gérer cette situation de fonctionnement, de subventionnement, de risques sanitaires. Au-delà des aspects financiers, il y a l’humain à gérer.

On a entendu que certains ont utilisé le chômage temporaire pour licencier ?

Il y a eu quelques cas isolés d’employeurs qui ont utilisé cette période de chômage temporaire pour licencier du personnel. Est-ce que cela était prévu avant le confinement ? Est-ce que le confinement a bousculé certaines décisions ? Je ne sais pas mais il a fallu gérer ces situations. Chaque personne en chômage temporaire a diminué son pouvoir d’achat, on ne peut pas l’ignorer. Ma position : conseiller aux employeurs de continuer à fournir du (télé)travail au personnel et travailler sur la confiance.  Le personnel peut être proactif et créatif. Aller dans cette direction avant de choisir la solution difficile de mettre le personnel en chômage temporaire. Certains directeurs se sont mis aussi en chômage temporaire par solidarité avec leur personnel. Après, il y a la conséquence sur les justifications liées à l’emploi (aux différentes aides à l’emploi que reçoivent les associations). Aujourd’hui, cette question n’est pas tranchée. La question est de savoir si le gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles va garantir ces subventions à l’emploi à chaque association malgré des mises en chômage temporaire.
à notre niveau, avec la juriste de la COJ, on a travaillé sur le côté humain. La COJ a eu aussi le soutien d’associations auxquelles nous sommes affiliées comme la Fesoj (1) ou la CESSoC (2). Il a y une solidarité et beaucoup d’échanges bienveillants qui nous ont permis de gérer cette crise inattendue. On pourrait aussi citer l’UNIPSO (3) et l’UNISOC (4) dans cette solidarité collective.

Quel soutien avez-vous eu de la part de la ministre de la Jeunesse, Valérie Glatigny ?  

La ministre Glatigny a convoqué le secteur dès le 13 mars, à la veille du confinement pour nous rassurer. Elle a ensuite été très présente et soutenante, notamment dans la construction des protocoles de déconfinement du secteur Jeunesse. Toutefois, face à la pandémie, beaucoup de décisions étaient du ressort du gouvernement fédéral. Notre ministre a été attentive à nos revendications et, tant que faire se peut, a essayé d’apporter des réponses à nos questions. Mais les réponses qu’on attendait, elle-même les attendait du gouvernement de la FWB, de la Région wallonne, du gouvernement fédéral. Sans oublier que la gestion de cette pandémie inattendue s’est faite au compte-gouttes, en « phases ». Le gouvernement fédéral et les experts scientifiques du Conseil National de Sécurité étaient confrontés à beaucoup d’inconnues face à cette Covid-19.

Le gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles a débloqué un Fonds d’urgence de 50 millions d’euros. Qu’en est-il pour le secteur Jeunesse ? 

Notre ministre nous a demandé de chiffrer les pertes que l’on encourait avec le confinement et l’arrêt de nos activités. Mais on a rapidement vu qu’à l’exception des centres de rencontres et d’hébergement qui ont subi des pertes sèches et qui ont reçu une aide de 700 000 euros, le reste du secteur jeunesse n’a, pour l’instant (à la fin-juin), aucune idée de de la répartition de ces aides. Plusieurs membres de la COJ – AFS, CJB l’autre voyage, les Compagnons Bâtisseurs, DBA, JAVVA, le SCI – qui organisaient du volontariat international et des échanges internationaux pour les jeunes subissent des pertes considérables. De plus, les pertes que subit le secteur Jeunesse ne s’arrêtent pas en juillet/aout – avec ce déconfinement et la reprise de pas mal d’activités – mais vont jusqu’en décembre et bien au-delà.  C’est un dossier qu’on ne doit pas lâcher. On a été obligé de prendre des décisions et de se mettre à l’arrêt sans savoir quel soutien financier on aurait ! On enregistre les pertes qui s’accumulent avec aucune perspective sur ce Fonds d’urgence. Certaines OJ savent déjà que leurs activités principales à savoir les échanges de jeunes ne pourront pas avoir lieu pleinement l’année prochaine.

Pendant le confinement, la ministre a annoncé un moratoire sur les nouvelles reconnaissances d’OJ. Qu’en est-il ?

L’annonce du moratoire a été un très mauvais signe de la ministre. Nous n’avons pas trouvé le lien entre le confinement et le moratoire. Dans la perspective de la réforme du décret organisations de jeunesse de mars 2009, la ministre a décidé qu’aucun nouveau dossier de reconnaissance d’OJ ne serait traité avant 2022. Seules des OJ et groupements qui ont reçu des avis positifs en 2018 et 2019 pourront voir leur demande aboutir si et seulement si la ministre obtient un budget. Cette annonce a été mal reçue en sachant que pour ces associations, ce sont des dossiers lourds à construire, qu’elles sollicitent souvent nos fédérations pour un accompagnement. C’est donc un travail vaste, au long cours, qui se verrait bloqué avec ce moratoire. Cette annonce surprenante, à la veille des remises de dossiers, a été perçue comme un manque de considération du travail accompli et la non-reconnaissance de nouvelles émergences. La ministre explique que c’est purement une question budgétaire. On peut l’entendre. Mais de là à annoncer un moratoire et ne pas reconnaitre la pertinence de nouvelles associations, il y a une marge. Apposer un moratoire, au début du confinement et en perspective de la réforme du décret OJ en 2022, l’écart est grand. Aujourd’hui, plus personne ne parle de ce moratoire. C’est le silence radio probablement jusqu’à la date butoir du 30 juin. La COJ a continué à accompagner des associations. Les inspecteurs désignés pour accompagner les nouvelles demandes d’agrément ont continué leur travail. Était-ce un ballon d’essai ? Une maladresse ?

Quels sont les dossiers « chauds » à venir ?

Cet été où chacun essaie de s’adapter, on commencera les rendez-vous avec l’inspection concernant les agréments. Les dossiers chauds jusqu’au mois de décembre, ce sont les agréments et la reprise des activités mais aussi la justification de subventions liées à l’emploi pour cette période dont les répercussions seront perceptibles en aout 2021. Cela se prépare aujourd’hui. Nous demandons une année blanche au niveau du critère « volume d’activités ». Sans oublier l’impact et l’accessibilité du Fonds d’urgence pour le secteur Jeunesse et nos membres.

Secrétaire générale de la COJ et présidente de la CESSoC, vous assurez aussi de nombreux mandats comme à la Fesoj. Qu’est-ce qui a été le plus difficile durant ce confinement ? 

Ne pas savoir me mettre de limites sur mes journées de travail. En télétravail, face à une situation exceptionnelle, de crise et d’inquiétude, on travaille sans horaire, sans limite. En tant que présidente de la CESSoC, j’ai eu des réunions avec la ministre de la Jeunesse mais aussi avec la ministre de la Culture Bénédicte Linard. Toutes les questions d’emploi et protocoles se sont des réunions avec les deux cabinets. Il y avait aussi le suivi du quotidien : les réunions avec mon équipe, le suivi des CA et AG, etc. En fait, le confinement était anxiogène. On avait tout le temps envie de se parler, de se réunir, d’échanger, de travailler ensemble à travers de constantes vidéoconférences. C’était usant pour moi qui suis une personne de contact vivant, en chair et en os. De plus, pour l’anecdote, je n’ai pas du tout l’habitude de travailler en… jeans ! C’était une période intense.

Propos recueillis par Nurten Aka

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1. La Fesoj est la Fédération des Employeurs des Secteurs des Organisations de Jeunesse, des Fédérations de Centres de Jeunes et du Tourisme Social.

2. La CESSoC est la Confédération des Employeurs du secteur Sportif et SocioCulturel

3. L’UNIPSO est la confédération intersectorielle des employeurs du secteur à profit social (non marchand) en Wallonie et en Fédération Wallonie-Bruxelles.

4. L’UNISOC est l’Union des entreprises à profit social, organisation reconnue comme le représentant des entreprises à profit social belges.