Les congés de détente (de Carnaval) ont été quasi exclusivement consacrés au Coronavirus à partir du moment où l’Italie a été touchée, chassant assez rapidement les commentaires à propos du bon goût des organisateurs du Carnaval d’Alost…
Tant que le Covid 19 sévissait en Chine, cela se regardait avec distance et un brin de curiosité, surtout lorsque la Chine a commis l’exploit de la construction d’hôpitaux en quelques jours. C’est que ce pouvoir autoritaire, quand il le décide, agit bien plus vite que l’administration communale de Gembloux1!
La Chine est tout de même devenue une source de préoccupation pour nous à partir du moment où la production de certains produits (notamment les composants électroniques) s’est retrouvée à l’arrêt. Voilà notre dépendance mise au jour avec de potentiels impacts très sérieux tel le report de la sortie de la version 12 du téléphone à la pomme. Mais voyons le bon côté des choses : l’industrie chinoise au ralenti, c’est une fameuse réduction des émissions de gaz à effet de serre – les satellites nous le montrent ! Comme quoi, tous les malheurs ont leur vertu et nous pouvions au final nous réjouir de cette situation.
Mais quand le virus s’en est pris à l’Italie, c’est assez vite devenu une autre histoire. Parce que l’Italie, c’est une part de notre culture : c’est De Vinci, Bartoli, Berlusconi, Venise, la Juventus, Barzotti… ça ne nous fait pas exactement pareil dans les tripes parce que c’est à peine à 2 heures de vol quand il en faut près de 12 pour Pékin.
Et les médias se sont saisis du Coronavirus comme jamais, avec une production d’articles et de reportages à foison, souvent illustrés par des personnes portant des masques (en période de Carnaval, ça le fait !). Ce qui était particulièrement utile, c’était la confection d’infographies en temps réel pointant l’évolution du nombre de cas dans le monde ou en Italie.
C’était super : on pouvait suivre, en temps réel, la propagation du virus, les régions devenant rouges si la présence du Covid 19 y avait été diagnostiquée. Du coup, toute l’Italie ou presque s’est progressivement parée de rouge. Ainsi, la Lombardie (région de Milan) est devenue rouge dès le 22/02, mais aussi quelques jours plus tard, le Trentin. À l’écran, la même couleur… Mais dans les faits, 615 infectés, 40 guéris et 23 décédés pour la Lombardie contre 1 infecté pour le Trentin (et 0 guéri, 0 mort)2. La morale des faits ? Il faut se méfier de l’infographie « live ».
Dans cette assourdissante couverture médiatique, heureusement qu’il a neigé le jeudi des congés, faute de quoi l’info – à la télé, à la radio, dans les journaux et même sur les réseaux sociaux – n’aurait causé que du virus. Le flocon de neige est arrivé comme une bulle d’air.
C’était super : les pistes à Botrange ont accueilli les amateurs de glisse, des camions se sont retrouvés coincés sur les autoroutes, les épandeuses ont pris les chaussées d’assaut. Enfin des nouvelles rassurantes qui remettent l’église au milieu du village.
Enfin, la neige a vite fondu. Retour au virus. Il nous aura fallu attendre une longue semaine (de vacances) pour que des cas soient (enfin !) diagnostiqués sur le territoire belge et que nos politiques de tous poils s’en mêlent… Ah oui, comme on a beaucoup de niveaux de pouvoirs, de même que beaucoup de ministres de la santé, on peut s’attendre à ce que nombre de paroles publiques se libèrent pour être présentes dans le champ médiatique, participant par là à alimenter un climat anxiogène déjà bien approvisionné.
L’heure est grave. Sachant que nous nous retrouvons face au péril extrême : les bourses s’affolent !
Entre les bourses, la neige et le virus, devant mon écran, je me demandais : « à quand une infographie des migrants qui s’échouent sur les côtes européennes, de la mortalité liée à la malnutrition, des victimes des guerres contemporaines en Lybie ou au Sud Soudan ? ». Mais ces infos feraient-elles autant de clics ?
Abbé Rassion
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1. Cette administration est citée au hasard – qu’elle ne m’en tienne pas rigueur
2. Chiffres mis à jour le 02/03/2020 à 10h GMT