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Mineurs en exil : les défis actuels

  9 Jan , 2020   , , , , ,    Diana Lucic

« 30.000 : le nombre de migrants mineurs qui ont disparu en Europe dans la période 2014-2017 » signalait récemment la plate-forme "Mineurs en Exil" qui, en novembre 2019, célébrait ses 20 ans d'engagement.La COJ retranscrit ici une interview sur la question des défis actuels des mineurs en exil.  

On va assister à une crise de l’accueil des familles et des MENA car les structures d’accueil sont actuellement saturées. L’afflux des MENA augmente : pour le mois de septembre, on est à 13 MENA par jour. Depuis le début de l’année (2019), on est dans le signalement de plus au moins 3200 MENA. C’est un défi à court terme et urgent. Il y a aussi la question du logement, le risque de la détention, le regroupement familial (qu’une proposition de loi veut restreindre) … A côté de ces défis spécifiques, dans un contexte compliqué, on peut épingler quatre grands défis auxquels nous sommes confrontés.

1. Une précarisation des droits des mineurs que l’on observe au travers de propositions de lois et parfois des lois.  Exemple : la loi sur les reconnaissances frauduleuses qui donne un pouvoir discrétionnaire aux agents communaux leur permettant d’émettre un doute sur un dossier et donc « perte de temps ». Ces jeunes n’ont pas de reconnaissance et du coup n’ont pas de statut de protection. Des propositions de lois du gouvernement précédent/actuel sur les MENA à qui on demande de rembourser les frais de leur test. Lorsqu’il y a un doute sur le MENA, le jeune passe alors un test d’estimation de l’âge, un test osseux (clavicule, dents et poignet). Ce test soulève des problèmes méthodologiques et de garantie de procédure. La proposition de loi stipule que les MENA doivent rembourser cela. Cette proposition n’est heureusement pas passée. Mais on observe que plein de lois ou propositions de lois privivent peu à peu les mineurs de protection.

2. Une polarisation des opinions publiques. De l’Europe aux états-Unis, des citoyens vont vers les extrêmes. Cela complique le travail. En termes de plaidoyer et de sensibilisation, les mêmes arguments ne fonctionnent pas pour tout le monde. Le principe On n’enferme pas un enfant ! de notre dernière campagne ne touche pas des gens pour qui le « Il faut pouvoir renvoyer les étrangers » passe avant tout. Certaines politiques poussent les gens dans cette direction. Les médias donnent une place démesurée à certains partis et voix. La NVA, Bart De Wever et Théo Franken sont omniprésents dans des articles où parfois il n’y a même plus de contre-réaction. De plus, les ONG sont décrédibilisées par une partie des politiques. On obtient des financements non structurels, par projets, à l’année, ce qui précarisent les associations. On caricature les organisations migratoires comme des organisations « gauchistes qui veulent l’abolition des frontières », etc.

3. Une fixation sur les chiffres du retour. On assiste à une politique migratoire où on a l’impression que le seul objectif politique est d’atteindre plus de retours volontaires ou forcés que l’année précédente. Ce n’est pas lié uniquement à la Belgique. Face à cela, on essaye d’argumenter pour une politique migratoire cohérente notamment en cherchant des solutions durables. Cela peut être le retour au pays ou le séjour en Belgique ou dans un pays tiers mais toujours en tenant compte de la famille.  S’il y a un retour dans le pays, que la sécurité soit garantie, s’il est plus approprié pour le MENA de rester ici, c’est lui donner les possibilités de construire sa vie ici, etc. La solution durable devrait concerner tous les migrants pas seulement les MENA.

4. Une remise en question des textes internationaux. Les conventions internationales des Droits d l’Enfant, de Genève, la Convention Européenne des Droits de l’Homme… sont de plus en plus bafouées. Certains politiciens affirmaient vouloir contourner cette dernière pour renvoyer les bateaux de migrants dans la mer Méditerranée !  Alors qu’il faut voir les textes internationaux comme une boussole :  qu’est-ce qu’on peut faire en termes de politique, de gestion migratoire qui soit respectueuse – tel que défini par les textes – de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mineurs en exil est une plate-forme qui regroupe 55 organisations (des centres d’accueil, Myria, le HCR, le service des tuteurs, Fedasil, Mentor Escale …) qu’on informe et qui nous informe. On n’a pas de contact avec le public cible, ces associations, oui. Au sein de la plate-forme, on a mis en place quatre groupes de travail bilingues: un sur « les MENA », un autre sur « la famille en séjour précaire ou irrégulier », un troisième sur « le logement des MENA », et un dernier groupe de travail sur « la détention des familles » (la détention de MENA étant  des cas exceptionnels). Notre plate-forme écrit des recommandations, des mémorandums, on interpelle le politique, les médias, etc. En 2020, on va publier l’évaluation des maisons de retour en tant qu’alternative à la détention…  www.mineursenexil.be   

Propos recueillis par Nurten Aka auprès de Rob Kaelen, coordinateur thématique « détention », Mineurs en exil.

Suite du dossier MENA & Organisations de jeunesse  :

MENA & OJ, une rencontre solidaire et créative

Les MENA, une jeunesse en exil