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Rencontre & Réflexion

Ecole : une rentrée particulière, ses enjeux, ses réalités et ses priorités

  7 Oct , 2020   , , ,    Virginie Pierre et Nurten Aka

Une rentrée sous Covid-19, teintée d'un jaune sécuritaire  visant la normale. Tout le monde sera doncen classe2 jours sur 5 en respectant les gestes barrières. Pour les +12 ans et tous les enseignants , un masque. Allez hop! Elèves, profs, écoles, parents et organisations de jeunesse sont sur le qui-vive…  

La rentrée 2020 avait déjà ses propres enjeux annoncés : l’obligation scolaire ramenée à 5 ans (au lieu de 6 ans), la troisième et dernière vague des plans de pilotage (Pacte d’Excellence), la mise en œuvre du tronc commun. Depuis mars dernier, et probablement pour toute l’année 2020-2021, c’est la Covid-19 qui donne le « La » dans le monde scolaire. Avec de « nouveaux » enjeux de taille : la lutte contre le décrochage scolaire, la mise en œuvre d’un dispositif de différenciation (qui devrait permettre la mise à niveau de tous les élèves), l’évaluation et l’identification des retards et difficultés des apprentissages liés au confinement, l’hybridation des apprentissages (enseignement partiellement à distance ou en présentiel), …

Ces enjeux sont repris dans les deux Circulaires (1) de la ministre de l’éducation, Caroline Désir, présentant la stratégie de reprise des cours en cette rentrée 2020. C’est également dans ces circulaires qu’est décrit le code couleur lié à l’intensité de propagation du virus. à l’heure d’écrire ces lignes (début septembre), nous sommes en code jaune, non sans conséquences sur la vie de l’école (utilisation de masque, gel hydroalcoolique, distanciation physique…).

Ce code jaune aura un impact sur les actions du secteur Jeunesse qui signe beaucoup de partenariats avec les écoles car il limite et réglemente la présence de tiers au sein des établissements scolaires ainsi que les sorties et activités « extra-muros » des élèves. En ce qui concerne le fondamental (préscolaire et primaire), la présence de tiers est autorisée et les activités extra-muros peuvent s’organiser dans le respect des règles sanitaires. Bien entendu, les écoles du fondamental peuvent appliquer d’autres restrictions en fonction de leurs réalités de terrain mais c’est, dans ce cas, une décision propre.

Pour le secondaire, la présence de tiers dans l’école doit se limiter au« nécessaire » et en respectant les règles d’usage en matière de sécurité dictées par le CNS (port du masque, distanciation physique, etc.). Que recouvre ce « nécessaire » ? Dans la FAQ de la rentrée publiée par la ministre de l’éducation, C. Désir, on peut lire : « Les opérateurs et artistes dans le cadre des collaborations culture-école » mais aussi « Les opérateurs prenant en charge des animations sur des enjeux spécifiques dans le cadre du projet pédagogique de l’école (EVRAS, associations culturelles, …)». Les Organisations de Jeunesse devraient donc y trouver leur place. Concernant les activités extra-muros dans le secondaire, elles sont, début septembre, suspendues jusqu’à nouvel ordre.

Dans les circulaires relatives à cette reprise scolaire sous Covid, on aborde également la question de la mise en place « d’un cadre bienveillant et d’un climat propice à la reprise des apprentissages dans des conditions optimales ». C’est que de nombreuses voix s’élèvent pour rappeler l’urgence de recréer du lien entre les jeunes, leurs enseignants et l’école (et ce qu’elle représente). Pour nous, c’est certainement un des éléments essentiels de cette rentrée pas comme les autres, presque un chantier en soi avec ses nombreuses questions et défis.

Raccrocher tous les jeunes à leur vie d’élève

Il va falloir raccrocher tous les jeunes à leur vie d’élève. Certains ont disparu des radars depuis mi-mars. Où sont ces jeunes ? Comment vont-ils ? Et quelle place va-t-on faire aux jeunes et aux enfants lors de cette année particulière ?

Si l’objectif est réellement de raccrocher tout le monde à son environnement scolaire, il faudra d’abord se réapproprier l’école, un lieu où les enfants et les jeunes (et les adultes aussi) doivent se sentir en sécurité. Cela devra passer par du temps à accorder au fil des jours durant lequel on donnera la parole (aux jeunes, aux enfants). Tenir compte de cette parole et la relayer. Questions : comment vont-ils être accueillis ? Où, quand et comment vont-ils vider leur sac émotionnel ? Comment va-t-on éviter de se faire rattraper par les urgences de l’école, la course au programme et aux obligations ?… Certains collègues relataient les propos de leurs ados. Ceux-ci attendent de l’école qu’elle s’occupe de leur bien-être avant même d’aborder les apprentissages. Que va-t-on faire pour ça ? Comment va-t-on rebondir sur ces expériences pour en faire quelque chose de commun ?

Dans ce contexte-là, comme dans toute expérience inédite, il est crucial d’évaluer ce que nous avons vécu, ensemble, et de pouvoir se projeter et (re)construire le lien de confiance avec les élèves, leur permettre de se projeter dans l’avenir. C’est indispensable si on veut que les jeunes se réengagent dans leur vie scolaire. Comme les adultes, ils sont inquiets face à la pandémie et à toutes ces incertitudes. Certains enseignants ont très bien compris cela durant le confinement. Un prof nous disait : « Je n’ai pas spécialement donné la matière à distance mais j’ai gardé le contact avec eux. J’ai tenté de maintenir leur esprit ouvert, curieux et enthousiaste. Je devais aussi être à l’écoute de mes élèves ».

Aujourd’hui, la Fédération Wallonie-Bruxelles compte +/- 900.000 élèves dans l’enseignement obligatoire (chiffre donné par le porte-parole de la ministre de l’Éducation). Des enfants et des jeunes qui vont devoir se reconnecter avec leurs classes, leurs professeurs, leurs cours de récréation, leur cantine, leurs apprentissages, leur système scolaire. Le tout sous la menace de la Covid-19. La vigilance quant au bien-être des élèves devrait être la boussole de cette année scolaire particulière.

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1. Circulaire 7691 pour le fondamental et Circulaire 7686 pour le secondaire www.enseignement.be

[ témoignage 1 ]

« En tant qu’enseignante, je me souviendrai particulièrement de cette rentrée (ma 20ème) sous Covid. Une rentrée masquée mais presque normale sauf que certains élèves revenant de zones rouges ont été renvoyés chez eux en quatorzaine. Donner une journée de cours avec un masque n’est pas très agréable mais découvrir mes élèves masqués est encore moins évident. Il faut réinventer notre façon de communiquer et insister beaucoup plus sur les regards et faire confiance à son intuition. Pour cette année 2020-2021, je n’ai pas d’inquiétude particulière au niveau du virus, il est temps de reprendre une vie plus ou moins normale tout en restant prudent. Le défi de cette année reste le même que les autres années mais avec des contraintes différentes c’est à dire : « mener le plus d’élèves à l’autonomie et à la réussite » . D’après mes élèves, le port du masque est un peu embêtant mais sans plus et même chose d’après mes collègues. Pour moi, le plus stressant, c’est la matière à voir car il faut rattraper 3 mois de cours mais c’est possible en allant à l’essentiel, en supprimant la session de décembre et en supprimant les sorties… »
Prof de secondaire à Bruxelles.

[ témoignage 2 ]

« Période de confinement tantôt en paix tantôt en conflits, nous attendions l’ouverture des écoles pour mon fils, 13 ans (2è secondaire). Il aime son école et nous, les parents, aussi. Le communiqué des mesures sanitaires imposées pour les secondaires, a été une douche froide. Imaginer mon enfant avec ses copains de classe, et le professeur avec masques, m’est encore très difficile à digérer. Je trouve ce traitement injuste envers eux.
« Pourquoi ne pas le porter en dehors des cours, en circulant dans l’école », me suis-je demandé ? Le masque en classe, avec les allers-retours à l’école, ça fait beaucoup d’heures le visage masqué/emprisonné. J’ai trouvé injuste aussi que les adultes puissent se permettre de souffler de temps à autre mais que les enfants, obligés d’obéir, n’ont pas ce luxe. De là, a commencé pour nous le dilemme : l’école à domicile ou continuer à l’école. Beaucoup de discussions avec des amis, sur les réseaux sociaux (nombreux à encourager l’école à domicile), à lire/écouter des témoignages. Ce fut des jours et des nuits à réfléchir, à discuter sur cette rentrée et le bien-être de l’enfant. Beaucoup de parents ont été tiraillés par ce questionnement. Nous, nous avons décidé de partir du vécu du premier jour de la rentrée. Mon fils avait l’air plutôt content. Il trouvait le masque « vivable » mais frustré de ne pas voir les visages des nouveaux élèves de sa classe. Ils sont restés dans la classe durant trois heures, masqués, avec le professeur qui les rappelait à l’ordre dès qu’ils mettaient le masque en dessous du nez. lls avaient la permission d’aller souffler quelques minutes à part, près du robinet. Un seul élève a osé le demander. à la dernière heure – « heure libre » – ils ont eu la permission d’allumer « exceptionnellement » leurs smartphones. Cette première journée ne nous a nullement rassurés par rapport à l’année scolaire à venir. J’ai passé des nuits blanches jusqu’au dernier moment, à hésiter de nous lancer dans l’école à la maison. Un vrai cauchemar… L’école, c’est son monde en dehors de ses parents et, malgré les galères, il y apprend la vie, il est content et se sent grandir. Mais est-ce la vie qu’on prévoit pour nos enfants ? Face à cette crise sanitaire, n’y avait-il pas mieux à construire comme rentrée scolaire ? Tout cela manque d’imagination, d’écoute, d’humanité. Tout cela manque d’échanges entre nous, les parents, enfants, enseignants, et les dirigeants-décideurs. Je suis fâchée. Je me sens seule. Tout ceci est accepté comme un « destin » auquel on ne peut échapper. Je crois qu’on peut malgré tout améliorer la qualité de vie de nos enfants. Ils le méritent. Ici, ils payent les pots cassés des adultes. Injuste. »
Un parent