Le printemps, avec ses premières terrasses ouvertes, sera probablement l’occasion d’une séquence aux JT, voire d’un article « Le top 10 des meilleures terrasses en Belgique » à partager sur nos réseaux sociaux. En journalisme, on appelle cela un marronnier : un article/reportage « prévisible et récurent », de faible intensité comme la rentrée des classes ou l’ouverture des soldes.
En voulant traiter de l’éducation aux médias, la crainte de tomber dans le marronnier nous a frôlés. Il y a toujours un média, à tour de rôle, pour en faire un dossier à la Une*.
Mais c’est bien l’époque qui, comme un électrochoc, réanime ce concept ronronnant. En vrac : fake news, bulle de filtres, alternative facts, post-vérité, méfiance envers médias traditionnels et inquiétude sur les nouveaux, théorie du complot, sites-canulars d’informations comme le Gorafi, sites de propagande d’extrême-droite comme Egalité et Réconciliation d’Alain Soral, infobésité, abus des sondages, cyber-harcèlement, haine déversée sur les forums, Buzz, photos postées de nos repas/enfants /bébés/nouvelles chaussures/défis sportifs/etc. voire même, accrochez-vous, l’envie de suicide que l’on annonce à son réseau Facebook au milieu de la nuit (véridique !).
Le tout sans oublier l’univers de la drague et du sexe à consommer au doigt et à l’image, des stéréotypes circulant dans les clips, dans la pub ou au cinéma et dans les séries. « Le virtuel a un volet réel » rappelle Patrick Verniers, spécialiste de l’éducation aux médias. S’il regrette « l’intérêt cyclothymique » du sujet dans des politiques toujours peu « structurées et cohérentes » et un système éducatif encore réticent, il reste toutefois convaincu d’intégrer une réelle transversalité de l’éducation aux médias dans l’Enseignement. L’enjeu actuel ? « Avoir une dimension à 360° de son environnement médiatique » car « le citoyen d’aujourd’hui a une activité éditoriale qui ne se résume pas qu’à lire et à ‘liker’. Il s’engage aussi dans l’espace social par son activité médiatique. ».
L’interview est à lire en pp 8-9, couplée à un tour d’horizon avec les regards du journaliste (L’investigation reprend du poil de la bête), du sociologue des médias (Dans les sphères qui nous ressemblent) ainsi que les témoignages de notre stagiaire de 18 ans (Les réseaux, on s’amuse, c’est tout) et de notre OJ, Loupiote, active sur le terrain de l’éducation aux médias (Prenons la relève).
L’éducation aux médias est un faux marronnier mais une vraie urgence, tous milieux et âges confondus. Il nous rappelle du coup la difficulté de préserver une « société des citoyens » et non des « médias ».
Promis, un jour, on vous parlera de la face heureuse de la société des médias qui a démultiplié et démocratisé les outils techniques, les savoirs et les rencontres. En attendant, sortez couvert, surfons tranquille…
Yamina Ghoul
* Dernier en date repéré : décembre 2016 de la revue « Eduquer », une publication de la Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente asbl. (www.ligue-enseignment.be)