[Témoignage ]. Tandis que certains enfants ont déjà vécu un semblant de entrée en mai dernier, pour d'autres,ce sera la première rentrée après une absence de près de 5 mois. En tant qu'institutrice, je me pose de nombreuses questions.
Dans une école de village wallonne où j’exerce depuis 1995, il a été décidé d’appliquer scrupuleusement les recommandations ministérielles, à savoir : les cours reprennent comme pour une rentrée normale, sans distanciation, sans séparation de groupes ni limitation du nombre d’élèves. La désinfection des mains pour tous et le port du masque pour les 12 ans et plus reste de rigueur. En cas de contamination, des mesures individuelles seront prises.
Fin aout. Personnellement, je me pose de nombreuses questions concernant l’organisation des cours. Va-t-on tenir compte des apprentissages incomplets ? Nous donnera-t-on la possibilité d’organiser un calendrier différé ? Combler les leçons non données ou laisser tomber ? Voir la matière en visant l’essentiel ? Nous demandera-t-on de colmater et en même temps de voir la matière de l’année ? Nous attendons des balises claires à ce sujet.
Dans la pratique, on démarre de ce que l’enfant connait. Alors, puisque tous ne sont pas revenus en classe depuis mars, qu’en est-il du travail donné pendant le confinement ? En juin, nous avons demandé aux parents de nous déposer les dossiers reçus. Certains n’ont pas été réalisés, c’est une réalité. Sur base de ces dossiers et des 2 premiers trimestres de l’année, nous avons constitué des plans individuels d’accompagnement dans lesquels nous avons listé les difficultés de chaque élève et les solutions que nous proposions d’y apporter. La pandémie a lourdement impacté les élèves et les apprentissages mais aussi l’organisation de la classe.
Je travaille en classe flexible depuis 1 an. Les enfants peuvent se déplacer, travailler seul ou en équipe, utiliser du matériel chaque fois qu’ils en ressentent le besoin. Dans un contexte de limitation des contacts, c’est plutôt compliqué à envisager.
Septembre, première semaine de rentrée. Après 4 jours de folie, on a repris. Et j’ai (enfin) la réponse à certaines de mes questions. Nous allons tester les compétences des enfants et donc évaluer les connaissances acquises lors de l’année précédente, afin de lister celles qui ne sont pas acquises par chacun et de leur apporter ensuite une aide différenciée pour essayer de les combler. Et puis seulement nous pourrons commencer la nouvelle matière. C’est bien joli mais… où puise-t-on les outils pour créer ces évaluations diagnostiques ?
Côté FWB, on nous a donné accès à E-Class, une plateforme qui nous renvoie à de nombreux (très nombreux) sites à consulter, qui regorgent certes de mille et un conseils mais franchement, je me suis perdue en cours de route. Car nous sommes pressés. Très pressés. Ces évaluations, il faut alors les créer, pour chaque matière (et pour mes 2 classes), en un temps record. Les faire passer aux enfants, les analyser puis il faut créer (soi-même bien sûr sinon ce n’est pas marrant) une aide individuelle. Sauf que la nuit, moi, je dors (quand même un peu). Et non, les enseignants ne sont pas sur piles.
Je suis au point où je me dis que les journées de 24h, c’est dépassé et que je dois viser les 36h pour boucler ma charge de travail.
Tandis qu’au SEGEC (le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique), ils ont pensé à aider leurs enseignants pour créer leurs évaluations diagnostiques. Sur le site La Salle des profs, les apprentissages essentiels sont définis pour chaque classe avec un exemple illustré pour chaque compétence certificative. Je dis bravo et… merci ! Oui, j’avoue que j’y puise mes ressources afin de gagner du temps. D’autres collègues aussi. Quand un travail est bien fait, il faut le souligner, même si ce n’est pas dans mon réseau d’enseignement.
Autre stress. Nous entrons dans la rédaction du Plan de pilotage, un plan d’objectifs que chaque école doit mettre en place, et qui, selon sa situation scolaire, doit permettre d’améliorer les résultats des élèves et d’augmenter le taux de réussite. C’est une lourde charge de réflexion, sachant que la limite d’envoi est fixée à… octobre.
Enfin, il y a les peurs des parents, légitimes face aux infos contradictoires données dans les médias. Nous démarrons la rentrée avec une grande réunion des parents, l’occasion de parler des craintes, des lacunes mais aussi des nouveaux apprentissages. Pour moi, il est hors de question d’accélérer le rythme, de laisser tomber ou de bâcler certains savoirs. Alors, je réfléchis à une autre manière de les aborder, plus ludique. Par des ateliers, des jeux, des fichiers avec du matériel à manipuler, en équipe ou individuel… qui vont dorénavant faire partie du quotidien des enfants, pandémie ou pas.